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LE LIEUTENANT MARQUISET.

celui-ci partit pour Lyon où l’appelait un ordre de Gambetta, il se fit accompagner par Marquiset (12-15 décembre 1870).

Le soir, après les opérations de la journée, combats ou marches, pendant ces longues nuits d’hiver dont peu d’heures seulement étaient consacrées au sommeil, c’étaient les charmantes causeries de Marquiset qui faisaient oublier les peines morales et physiques que tous enduraient ; la conversation avec lui prenait toujours un tour élevé, fin, agréable, plein de philosophie et d’humour qui reposait des lourdes et tristes responsabilités du moment. Son esprit était toujours gai, amusant et son jugement toujours pratique et juste. Racontant la prise du clos Vougeot dans lequel les Prussiens étaient retranchés et où ils furent assaillis par les francs-tireurs qui s’élancèrent du haut des collines enveloppantes, « c’était comme au cirque », écrivait-il le soir même.

À propos du combat de Wissembourg, un jeune officier qui y avait participé déplorait que la présence d’un bataillon d’infanterie de la division Douay installé le 3 août au soir dans la ville eût provoqué le bombardement du lendemain 4 août ; mais lui, jugeant bien la situation, et appréciant à sa valeur l’importance d’un tel point d’appui sur la ligne de bataille, répondit : « Si le succès de la journée en avait dépendu, on aurait peut-être bien pu faire brûler la ville tout entière. »

Le temps qu’il consacrait au colonel Bourras ne diminuait en rien sa sollicitude pour ses francs-tireurs. Après la revue d’honneur du 17 mars 1871 qui marqua le licenciement du corps franc, la compagnie de la Haute-Saône versa ses armes et ce fut sous le commandement de leur lieutenant que les francs-tireurs rentrèrent dans leurs foyers. Ces braves portaient fièrement leur uniforme, ils donnaient une dernière preuve de leur vigueur en faisant des étapes de près de 80 kilomètres.

Quelques jours étaient à peine écoulés, et ses affaires remises en ordre à Fontaine que Marquiset se hâtait de rejoindre à Lyon son ancien chef, appelé avec le grade de général au titre auxiliaire, à prendre le commandement des gardes nationales du Rhône. Là encore, dans cette situation plus politique que militaire, si difficile et si périlleuse, il fut pour Bourras un ami fidèle, le collaborateur dévoué de tous les instants.