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LE LIEUTENANT MARQUISET.

val et son cavalier furent culbutés, et ce jour-là les échos des Vosges répétèrent au loin les accents plaintifs de la retraite allemande.

Le 18 janvier, au combat d’Abbévillers, qui fut pour le corps franc l’un des plus chauds de toute la campagne, Marquiset consomma ses neuf paquets, soit 81 cartouches, et peut-être quelques autres en plus : personne n’a compté les victimes.

Ce genre de guerre était une sorte de chasse à l’homme, mais avec réciprocité, un duel de chaque jour. D’un côté, il y avait la supériorité de tir ; de l’autre, celle du nombre : le danger était égal. Mais il faut dire que ces hommes paisibles qui avaient pris le fusil pour défendre leurs foyers contre l’invasion, faisaient la guerre comme on doit la faire avec la haine implacable de l’étranger. Ils apportaient dans leurs sentiments et dans leurs actes la ténacité de la race comtoise, et le combat était pour eux l’occasion ardemment recherchée de venger toutes les souffrances qu’ils étaient obligés d’endurer.

Pendant l’occupation prussienne, la chasse fut interdite. Lorsque le territoire fut redevenu libre, la poursuite et la destruction d’un gibier sans défense ne sembla plus qu’un plaisir d’enfant à ces vieux soldats. Marquiset fit presque un effort en décrochant son fusil et il écrivait à un de ses amis : « La chasse au sanglier n’a plus d’attrait, après celle que nous avons faite. »


II.


Ce n’était point seulement par l’excellence de son tir que la compagnie de la Haute-Saône avait une valeur exceptionnelle, c’était aussi par les éléments instruits qu’elle renfermait, particulièrement aptes à tous les services de guerre.

Avant que les éclaireurs à cheval fussent organisés, les francs-tireurs de la Haute-Saône furent constamment envoyés en reconnaissance à grandes distances, soit en armes jusqu’à la rencontre de l’ennemi, soit sous déguisement avec mission de pénétrer jusque dans ses cantonnements. La connaissance complète du pays et les relations personnelles qu’ils avaient dans les différentes localités leur facilitaient ces explorations.