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LE LIEUTENANT MARQUISET.

les détériorations de l’arme étaient assez fréquentes et un petit nombre de gradés seulement possédaient des pièces de rechange ; il s’asseyait par terre, étalait sa trousse sur ses genoux et procédait au démontage et au remontage de la culasse mobile sans avoir l’air d’entendre les balles qui sifflaient à ses côtés.

Si braves que fussent ces Comtois dans l’attaque, ils étaient surtout superbes dans la retraite. La marche en avant s’effectuait d’une façon méthodique et simple : avec la supériorité du chassepot sur le Dreyse et grâce à un tir d’une précision remarquable, on trouvait le terrain largement déblayé par le feu, et il n’y avait plus qu’à aller occuper la position que l’adversaire était contraint d’abandonner.

Mais, quand la retraite s’imposait, quand, pressé par le nombre, on devait reculer devant les formations serrées d’un ennemi impatient d’arriver à l’assaut et au corps-à-corps pour mettre fin à cette fusillade qui le décimait, c’est alors qu’il fallait voir ces vieux chasseurs comtois, le dos voûté, concentrés dans leur colère, marchant d’un pas pesant, cédant le terrain pied à pied, mais faisant à chaque instant tête au vainqueur qu’ils tenaient en respect par quelques décharges bien ajustées.

Jamais il n’y eut là de débandade, jamais une retraite précipitée, et c’était toujours avec les derniers petits paquets, parmi les plus obstinés lutteurs, que se trouvait Marquiset : une chance providentielle a pu seule le préserver dans vingt occasions où il exposa audacieusement sa vie.

Bien qu’officier, il portait un fusil et son approvisionnement en cartouches était toujours tenu soigneusement au complet réglementaire de neuf paquets. Il en usait sobrement d’ailleurs, — ces gens-là n’ont pas gaspillé les munitions de la France. Au premier engagement, celui qui se livra entre Celles et Raon l’Étape, au confluent du ruisseau de Pierre-Percée et de la Plaine, Marquiset tira trois cartouches ; l’une d’elles fut consacrée au cheval blanc du capitaine allemand, à ce beau cheval bien nourri et encore bien soigné du début de la guerre, dont la robe miroitante sous le soleil d’automne avait particulièrement attiré les regards et l’attention de l’artiste, du peintre. Le che-