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LE COLONEL BOURRAS

déploya une indomptable énergie. Nos régiments entraient en Suisse. Tout autour du corps franc se fermait le cercle ennemi. Le colonel réunit ses officiers, leur dit qu’ils étaient libres de suivre le mouvement général, mais que, pour lui, il allait où était le devoir, en essayant de gagner un point que l’armistice garantissait de toute attaque et d’où il pourrait encore être utile au pays. Officiers et soldats jurèrent de le suivre. C’est cette scène que le sculpteur Morice a voulu rendre en montrant le colonel désignant à son corps d’officiers la route à prendre pour échapper à la captivité ou à l’internement.

À Trévoux, il se mit avec une ardeur fiévreuse à la réorganisation de sa troupe. L’ancien corps franc, les compagnies qui y furent versées reçurent une instruction militaire complète. L’artillerie, la cavalerie, l’infanterie, formaient une masse homogène, prête à rendre de nouveaux services. Aussi notre chagrin à tous fut-il vif quand arriva l’ordre du licenciement. Le colonel prit congé de nous dans une revue passée sur la rive droite de la Saône, dans une belle prairie. Cette unique solennité du corps franc a laissé chez tous un ineffaçable souvenir.

J’ai revu Bourras, depuis lors, au milieu de circonstances difficiles, quand il fut placé comme général auxiliaire à la tête des gardes nationales du Rhône. L’homme n’était plus le même. Dans le grand salon