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LE LIEUTENANT MARQUISET.

Faut-il répéter ce que tout le monde sait d’ailleurs, c’est que le corps franc des Vosges rendit les services d’une troupe réglée. Sa mobilité fatigua constamment des ennemis habitués à vaincre, et on en fut redevable au grand mérite de son chef.

Un jour, Marquiset dut se séparer des frères d’armes ; une angine dangereuse l’avait atteint ; vaincu par la maladie, il fut recueilli par une noble famille des environs de Nuits. On lui prodigua les soins les plus dévoués et lorsque la constitution du malade parut faire échec au mal, ses hôtes lui enlevèrent capote et couverture, redoutant de le voir courir trop tôt à son poste. Mais l’instinct du soldat parlait plus haut que la prudence. Profitant d’un instant où on l’avait laissé seul, notre lieutenant mit les vêtements de coutil roussâtre que les francs-tireurs portèrent pendant toute la campagne et s’évada sans capote. Par un froid de quinze degrés, il rejoignit son bataillon au commencement du combat de Nuits.

Sa conduite pendant cette guerre malheureuse l’avait signalé à tous ; on vit dès lors en lui l’homme apte à prendre en main les intérêts publics. La mairie de sa commune, puis le conseil général, puis la députation, lui créèrent bientôt de nouveaux devoirs ; il les accepta tous, avec le même dévouement, abandonnant les arts et la chasse, son délassement favori. Les affaires publiques devinrent siennes. Son incroyable activité suffisait à tout et si le temps lui manquait quelque fois, ses intérêts personnels en restaient sacrifiés.

Mais dans cette vie trop bien remplie, sa robuste santé s’altéra sans qu’il voulût y prendre garde. L’Exposition de 1889 approchait. Marquiset fut chargé de choisir dans différents musées de province les tableaux qui devaient former cet ensemble merveilleux qu’on ne reverra peut-être jamais ; il fit de nombreux voyages et fatigua beaucoup une santé déjà éprouvée par une chute de voiture où la tête avait dangereusement porté. Puis il prit très à cœur ses fonctions de membre du jury de sculpture. Dernière mission à peine remplie que ses amis atterrés apprenaient sa mort subite le 19 juillet.

Nous l’avons déjà dit et nous le redisons encore. Nul homme n’avait été meilleur aux malheureux, plus fidèle à ses amis, plus bienveillant à tous, nul ne fut plus regretté. Sa vive intel-