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Le chemin domine maintenant, à une grande hauteur, le ravin où le torrent de Vence coule de cascade en cascade. Cet abîme est de grande allure ; les hautes murailles de rochers, les bois qui se penchent au-dessus de la fissure, le bruit des eaux invisibles, composent un tableau presque tragique ; tout cela disparaît tout à coup : après une courte montée, on atteint le col de Vence et, comme évoqué par une baguette magique, apparaît le plus prestigieux des décors. Les montagnes riveraines du Drac, hautes, sévères, farouches, surgissent, prolongeant jusqu’à la Grande-Moucherolle leur étonnante arête de roches rousses ; au fond, merveilleux dans son isolement, sa hauteur, l’élégance de son fût, se dresse le mont Aiguille. Au-dessous de nous, la large plaine du Graisivaudan, si verte, traversée par l’Isère sinueuse, bordée de villages, s’étend jusqu’à la puissante chaîne de Belledonne, blanche de neige et de glaciers. La verdure profonde des premiers plans fait mieux ressortir encore l’âpreté des rocs et la blancheur des hautes cimes. C’est un éblouissement que cette vue, la plus belle peut-être de toutes les Alpes françaises, c’est-à-dire de la France entière.

La descente vers la plaine de l’Isère commence aussitôt, elle paraîtrait vertigineuse si l’on n’était