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vêtements sont lavés et réparés, ils ont des bains et du savon et sortent de là un peu présentables, si, vraiment, ils veulent se mettre au travail. N’est-ce pas une forme bien ingénieuse de la charité ?

Les gorges du Guiers s’ouvrent à Saint-Laurent même ; le torrent débouche par une vallée assez large qui, bientôt, se rétrécit. Cet étranglement produit naturellement une chute dont les eaux ont été utilisées, il y a plus de deux siècles, pour faire mouvoir un martinet établi par les Chartreux ; une taillanderie et une papeterie ont remplacé l’antique forge ; en face, sont les bâtiments de Fourvoirie, où les Pères font fabriquer leur fameuse liqueur. À partir de là, jusqu’au couvent, le paysage est vraiment fort beau, il mérité la réputation dont il jouit dans le monde entier ; pour qui pénètre pour la première fois dans les montagnes en suivant cette route hardie, taillée en corniche au-dessus du torrent aux eaux limpides, l’impression doit être grandiose et ineffaçable. Ces hautes parois rocheuses, couvertes de sapins mêlés de hêtres et de bouleaux, l’abîme sombre où mugit le Guiers, l’absolue solitude dans laquelle on se trouve, produisent un indéfinissable sentiment, une sorte de religieuse terreur. Naturellement, pour l’éprouver, il faut aller seul, à pied ; si l’on fait la route avec le troupeau