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emprunte un traîneau, y attelle son cheval et nous nous remettons aussitôt en route.


Le chemin, à peine frayé, remonte la vallée en desservant de grosses fermes très propres. Le paysage est singulier, partout sont des hêtres noueux, tordus, étêtés et difformes. Chaque année, on coupe les branches et l’on en fait des fagots ; ces rameaux desséchés sont donnés aux chèvres pendant l’hiver, elles broutent les feuilles et les plus petites ramilles. En dehors de ces arbres rien ne révèle le caractère agricole du pays enfoui sous la neige. Cependant il n’est pas uniquement pastoral, on cultive beaucoup d’avoine. Cette année on n’est pas sans inquiétude, la neige du printemps ayant jusqu’ici empêché les semailles.

Le tapis de neige s’épaissit de plus en plus, en me retournant je n’aperçois que des nappes blanches, jusqu’à la lointaine vallée du Vercors où l’on distingue le village de Saint-Julien. À notre droite l’immense chaîne rocheuse qui nous sépare de la vallée de Méaudre est comme plaquée de neige, la bourrasque venue de l’ouest s’est exercée contre ces murailles gigantesques. Sur la route elle est profonde, très molle, par instant le vaillant petit cheval enfonce jusqu’au poitrail. Le pays semblerait mort, sans les filets de fumée s’échap-