sations, étant donné que Mlle Arlette Morgane, élevée loin du monde, n’a pas la moindre idée qu’on puisse jamais déguiser sa pensée. Aussi elle exprime ses sentiments, ses opinions, ses impressions avec une spontanéité et une candeur d’une drôlerie savoureuse, sans s’inquiéter une seconde du jugement que le ciel et la terre pourraient s’en former.
Grâce à cette franchise imperturbable, je sais maintenant à merveille quel est l’état de son cœur, une façon de sanctuaire où n’entre pas qui veut… Diable ! elle n’y admet que bien peu d’élus ! Le dieu tout-puissant du sanctuaire est son père, qu’elle adore uniquement, exclusivement, avec tous les trésors de tendresse qu’elle paraît posséder en abondance. Bien loin en arrière, mais encore dans le temple, sont les deux garçons, Corentin et Yves. À la porte même, se trouve la grande fille de Mme Morgane ; et derrière la porte, m’a tout l’air reléguée sans pitié Mme Morgane elle-même, qui, au travers les naïves réflexions d’Arlette, m’apparaît comme une espèce de tyran domestique régentant son monde sous des règles inflexibles ; je l’ai jugée elle, bien plus encore quand j’ai vu son portrait dans la pièce de la maison qui est son domaine sacré, le salon !… Et quel salon !
— La pièce la plus sotte de la maison ! m’a prestement expliqué Arlette.
— Vraiment ? Comme vous êtes dure pour cette pauvre pièce !
— Pas du tout ! Vous allez voir !… Les meubles y sont rangés correctement les uns près des autres. Ils ont l’air de vieilles personnes désagréables,