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[États généraux.

ARCHIVES PARLEMENTAIRES.

[a mai 1789.J

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gloire sont réservées à cette suite d’Etats généraux qui vont reprendre naissance au milieu d’un siècle éclairé ! Malheur, malheur et honte à la nation française si elle méconnaissait le prix d’une telle position, si elle ne cherchait pas à s’en montrer digne, et si une telle ambition était trop forte pour elle !

SECONDE CLASSE.

Améliorations qui peuvent être remises à l’administration particulière de chaque province. Celle d’entre vos délibérations, Messieurs, qui est la plus pressante, celle dont l’utilité aura le plus d’influence sur l’avenir, concernera l’établissement des Etats provinciaux. Ces Etats bien constitués s’acquitteront de toute la partie du bien public qui ne doit pas être soumise à des principes uniformes ; et il serait superflu, Messieurs, de tixer votre attention sur la grande diversité de choses bonnes et utiles qui peuvent être faites dans chaque province par le seul concours du zèle et des lumières de leur administration particulière.

On l’a déjà dit, la conversion des aides et de tous les droits locaux dans d’autres moins onéreux et d’une perception moins dispendieuse, ou la simple modification de ces mêmes droits, sont des dispositions qui appartiennent à l’administration de chaque province, puisque ces changements peuvent être exécutés dans un lieu et rejetés dans un autre, sans qu’il en résulte aucun inconvénient.

On doit ranger encore dans la même classe la juste et sage répartition des impositions territoriales et personnelles ; la distribution éclairée des soulagements dus à la misère d’une paroisse ou à la détresse d’un contribuable ; l’entretien économique des chemins et la confection des nouvelles routes ; la bonne dispensation des travaux qui assurent la subsistance du peuple dans les saisons malheureuses ou dans les temps de calamité ; les encouragements que peut exiger un nouveau genre d’industrie, de commerce ou de culture ; enfin tant d’autres détails dont la connaissance est aujourd’hui universellement répandue. Ce n’est pas tout cependant, car si les Ktats provinciaux acquièrent des droits à la confiance publique , Sa Majesté leur déléguera plusieurs soins dont ses ministres et celui de la finance en particulier ont été chargés jusqu’à présent. On peut mettre dans ce nombre la surveillance des hôpitaux, des enfants trouvés, des prisons et des dépôts de mendicité, ou plutôt les changements qui paraissent indispensables dans ces différentes parties de l’administration. Les renseignements généraux ne suffisent point, et chaque province semble exiger des exceptions particulières ; car le naturel des habitants , leur degré d’intelligence et d’activité, le climat, le genre de culture, influent beaucoup sur la manière de soulager les indigents ou d’en diminuer le nombre. Protéger le pauvre, prévenir sa misère, détruire les penchants vicieux qui lu produisent communément, voilà sans doute les caractères distinctifs d’une excellente institution sociale ; mais quand l’administration première doit appliquer ces principes aux circonstances particulières, quand du centre où elle se trouve placée elle doit étendre ses regards à une prodigieuse circonférence, son attention est trop partagée pour ne pas devenir superficielle ; et cependant il est une multitude de biens, comme nous venons de le dire, dont l’exécution dépend d’une discussion approfondie et d’une application continuelle à lever les moindres difficultés. Le plus petit administrateur d’hôpital au fond d’une province a plus de ressources pour défendre un abus qu’un premier ministre du roi de France n’aurait de moyens pour l’extirper. Tout échappe, tout fuit par lés détails, quand on n’est pas à la distance nécessaire pour les atteindre. Quels biens ne pourront donc pas faire les Etats provinciaux !

quel service ne pourront-ils pas rendre à 

l’humanité souffrante, s’ils inspirent au Roi de la confiance dans leur zèle et leur activité, et .s’ils encouragent Sa Majesté à les associer à la plus précieuse et à la plus douce des fonctions de l’autorité souveraine, la défense et la protection des malheureux ! — Le Roi pourrait également se reposer sur eux de l’inspection sur les dépenses des communautés et des villes.

Combien de municipalités ne se sont-elles pas endettées, parce que l’administration première n’a pu suivre exactement leur gestion ? On aperçoit à chaque instant de quelle utilité pourraient être une action et une censure plus rapprochées de celte multitude d’abus inséparables de l’humanité.

Ce n’est pas ici le moment de se livrer à de plus grands développements ; il est aisé d’apercevoir que, pour lesbiens partiels et relatifs à une localité particulière, les meilleurs intermédiaires que le Roi pourrait choisir ce seraient des administrations dont l’organisation serait sage et bien ordonnée.

11 s’était élevé depuis un temps fort reculé une sorte d’ombrage et de défiance entre l’administration ministérielle et celle des anciens Etats : on considérait ces deux administrations comme rivales ; et chacune, occupée essentiellement de son autorité, était souvent moins occupée du bien réel des peuples que du privilège de les commander ; et malheureusement ce privilège paraissait également maintenu, soit qu’on étendît sa propre action, soit qu’on mît obstacle à celle des autres.

Aucune de ces difficultés, aucune de ces contradictions ne subsistera dans un plan bien ordonné. Le Roi, en assemblant autour de lui les députés de la nation entière, atteste à tous ses sujets par ce grand acte de confiance, qu’uniquement occupé du bien public, c’est avec la nation même qu’il veut l’entreprendre et le réaliser. Ainsi, soit universellement aux Etats généraux, soit partiellement dans chaque province , les citoyens zélés qui pourront aider Sa Majesté à parvenir au but qu’elle se propose deviendront comme autant de ministres de ses volontés ; et nous autres, Messieurs, nous seconderons, non pas de notre pouvoir, puisque ce pouvoir ne consiste que dans notre obéissance aux volontés du Roi, mais de notre ardente affection et de notre extrême volonté, l’établissement d’un ordre bienfaisant et salutaire, propre également à glorifier le règne de Sa Majesté, et à consolider le bonheur de la nation.

Cependant, Messieurs, si ce bonheur peut appartenir en grande, part à l’effet des soins dévolus aux Etats particuliers de chaque province, et si vos réflexions vous amenaient encore à penser que, librement élus, ils pourraient fournir un jour une partie des députés des Etats du royaume, ou une Assemblée générale intermédiaire, la composition des Etals provinciaux vous paraîtrait 1 alors une des plus grandes choses dont vous au-