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[Etals généraux.

ARCHIVES PARLEMENTAIRES

|. v > mai 1789.)

liez, dès cette première Assemblée, adopter une règle de proportion plus conforme aux principes généraux de l’équité ; ainsi vous croirez peut-être plus sage de vous en tenir aujourd’hui à l’examen des circonstances élémentaires qui pourront servir à remplir, dans un aulrc temps, le but auquel vous désirerez de parvenir. Ce qu’il faut, avant tout, pour élever le grand édifice du bonheur public, c’est de la paix et de la concorde ; ainsi les amis de ce bonheur doivent renvoyer à d’autres époques les idées de perfection et même de justice dont l’application ne pourrait se faire sans exciter de vives réclamations. Assez d’auires sujets d’ombrage et de défiance séparent aujourd’hui les esprits ; il ne faut pas, pour se hâter de mettre la dernière main à un système général, ouvrir des discussions dangereuses. Les améliorations de tout genre arriveront d’elles-mêmes à l’aide du temps ; et il faut, avant tout, consolider le terrain sur lequel on veut bâtir.

Les mêmes observations sans doute ne sont pas applicables à l’établissement de l’égalité des répartitions entre les particuliers contribuables ; cette égalité est sollicitée depuis longtemps par la plus nombreuse partie de la nation. Les deux ordres privilégiés ont déjà fait éclater de toutes parts les sentiments de justice et d’équité qui les animent, et le prvjet qu’ils ont formé de renoncer volontairement aux avantages pécuniaires dont ils jouissent.

J’ajouterai qu’une décision sur l’égalité de la répartition entre les contribuables, bien loin d’être à craindre dans ce moment, comme le serait peut-être une discussion sur les charges respectives de chaque province, deviendrait sûrement nue source précieuse d’harmonie. La parité une fois établie entre les sacrifices pécuniaires des différents ordres, combien de difficultés s’applaniraient !

11 ne faut qu’une seule cause d’ombrage 

et de rivalité pour fortifier et rassembler tous les prétextes d’opposition ; mais aussitôt que le principal motif d’éloignement est détruit, on n’aperçoit, on ne sent plus que les raisons diverses qui doivent porter à ?e rapprocher et à s’unir. IV.

Il est des impôts qui peuvent être modifiés différemment dans chaque province sans qu’il en résulte aucun préjudice pour le reste du royaume ; tels sont les aides et tous les droits purement locaux, et l’on peut s’en remettre aux délibérations de chaque province sur la manière de réformer ou de changer ces sortes de contributions, sous la seule condition importante pour 1 Etat de faire verser la môme somme au trésor royal. Mais il est des impôts dont le produit s’évanouirait ou s’affaiblirait considérablement, si on dérangeait partiellement les lois auxquelles leur recouvrement est assujetti. Que dans une des provinces assujetties aujourd’hui à la gabelle ou à la vente exclusive du tabac, on voulût se soustraire à ces impôts en les remplaçant par quelque autre, une telle disposition ne pourrait avoir lieu d’une manière isolée, sans hisser l’intérêt général. En effet, la faculté qu’aurait une nouvelle province de vendre à bas prix les denrées dont la vente privilégiée constitue une des ressources de l’Etat, nuirait essentiellement aux revenus du Roi, à moins qu’avec beaucoup de dépenses, et à force de gardes et de lois fiscales, on ne parvînt à séparer cette même province du reste du royaume. C’est du mélange des pays francs et des localités soumises à l’impôt que naît une source intarissable de fraudes et de contrebandes ; et il résulte de ces observations que les changements et les modifications applicables à certains droits généraux doivent être préparés et convenus dans l’Assemblée nationale. J’ai cité parmi ces droits les impôts établis sur le sel et le tabac ; mais ceux qui se perçoivent aux frontières du royaume sont soumis au même principe. Les obstacles apportés à l’entrée et à la sortie de quelques marchandises deviennent nuls quand ils ne sont pas généraux, ou bien l’on se trouve obligé d’établir des barrières entre les provinces intérieures et celle qui trafique librement avec l’étranger.

Les droits imposés sur certaines fabrications doivent encore être soumis à des règles uniformes, puisque toute exemption accordée à une province en particulier lui donnerait sur les autres un avantage qui écarterait leur concurrence.

La diversité des droits sur les actes n’est pas aussi préjudiciable au revenu du Roi que les autres disparités dont on vient de parler ; car on ne peut jouir de la modération de ces droits dans un lieu particulier, sans s’y transporter personnellement. Cependant la communication de proche en proche rendrait toujours préjudiciable au revenu du fisc la disparité des droits sur les transactions, et sous ce rapport leur uniformité devient intéressante pour l’Etat.

Ces divers exemples suffisent pour faire connaître qu’il est des impôts dont la réforme ou les changements doivent appartenir à la délibération d’une Assemblée nationale, tandis que la modification de certaines contributions peut être soumise sans aucun inconvénient à l’administration particulière de chaque province.

On a préparé, messieurs, des renseignements et des mémoires sur toutes les parties d’impôt qui pourront occuper l’intérêt et l’attention des Etals généraux ; ainsi l’on n’entrera pas ici dans des explications plus étendues.

V.

Le plus grand nombre des questions et des règlements de commerce sont du ressort de l’Assemblée commune de la nation, car les mêmes principes doivent fixer les relations et les connexions de la France avec les pays étrangers, favoriser également l’industrie dans toutes les provinces, ei affranchir le génie national des entraves qui peuvent arrêter ses efforts. 11 est une grande délibération relative au commerce fiançais, qui pourra fixer plus particulièrement votre attention, c’est l’examen des avantages d’une compagnie exclusive pour exercer le commerce au delà du cap de Bonne-Espéranee. On a tellement varié d’opinion et de principes sur cette question, et il est résulté tant d’inconvénients de ces vacillations, que Sa Majesté a cru devoir différer de donner une dernière décision jusqu’à ce qu’elle eût été éclairée par les avis des représentants de la nation Une détermination prise à la suite d’une consultation si authenthique aura du moins l’avantage de fixer pour toujours la marche du commerce, et de prévenir les doutes et les incertitudes qui rendent cette marche craintive ; et en arrêtent.les progrès. Le Roi a donc ordonné, Messieurs, qu’on recueillît les mémoires propres à vous éclairer sur cette importante question, et qu’on vous les remît au moment où vous pourrez vous en occuper. Mais dans toutes les suppositions vous