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[États généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mai 1789.] L’une rassemblerait les améliorations qui dépondent nécessairement des délibérations de la nation entière représentée par des députés aux Etats généraux ; l’autre comprendrait les bonifications qui doivent être exécutées par l’administration particulière de chaque province. — Le Roi, dans le seul dessein de rendre votre travail plus facile, m’a commandé de vous donner un premier indice de ces deux divisions. PREMIÈRE CLASSE.

Améliorations qui appartiennent aux délibérations des Etats généraux.

1.

On eût indiqué d’abord les dispositions relatives à l’ordre des finances, si cette matière ne venait pas d’être traitée avec étendue.

Quel objet peut en effet intéresser davantage la nation entière que cet ordre et ce juste rapport entre les besoins et les ressources de l’Etal ’/C’est d’un pareil accord que naissent la tranquillité générale et la certitude de n’être pas appelé sans nécessité à faire le sacrifice d’une portion de sa fortune ; c’est d’un pareil accord aussi que naissent la confiance intérieure et le ménagement des moyens qui étendent au dehors la force et la puissance de l’Etat.

II.

Ou doit mettre encore au premier rang, parmi les améliorations qui intéressent tous les habitants du royaume, l’établissement des principes qui doivent assurer une égale répartition des impôts, et je distingue ici les principes de leur application.

Les principes appartiennent à la délibération des Etats généraux, et l’application de ces principes regarde l’administration particulière de chaque province.

Il faut le concours de la nation, il faut toute la force législative pour déterminer qu’il n’y aura désormais aucunes distinctions pécuniaires entre les divers ordres de l’Etat, et qu’on abolira pour toujours jusqu’au nom des impôts qui conserveraient les vestiges d’une désunion dont il est si pressant d’effacer la mémoire.

Mais le principe une fois admis, c’est à l’administration de chaque province qu’il faut s’en rapporter pour apprécier l’étendue, diverse en chaque lieu, de la taille personnelle et de la capitation taillable, et pour faire choix des moyens les plus convenables de convertir ces impôts en un autre genre de contribution.

On a fait des recherches pour arriver à connaître distinctement l’étendue respective de la taille purement territoriale et de la taille personnelle ; mais ces informations sont difficiles à acquérir, parce que dans plusieurs provinces la portion de taille que supporte un colon en raison de sa propriété territoriale se trouve corifondue dans le même article avec celle qui lui est imposée en raison de son industrie ou de sa fortune mobilière.

Il est des détails dont une Assemblée nationale peut difficilement prendre connaissance avec certitude et précision ; ainsi, comme on vient de le dire, lorsque vous aurez consacré le principe général, vous penserez sans doute que l’application l re Série, T. VIII.

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exacte de ce principe doit appartenir à l’administration particulière de chaque province. Les différences d’impôts dans les pays de droit écrit n’entraînent aucune distinction humiliante Le noble, propriétaire d’un bien roturier, paye toutes les taxes affectées à ce genre de possession, et le bourgeois propriétaire d’un fief iouit _ supporte par ..

divers fonds de terre, et la difficulté de rétablir la parité dérive du préjudice réel que souffriraient les possesseurs de biens nobles, ces biens ayant été acquis et comptés dans le partage des familles pour un capital proportionné aux prérogatives qui leur étaient assurées. L’on ne pourra donc détruire entièrement ces distinctions à l’égard des propriétaires laïques, sans admettre, sans chercher du moins en même temps un système de compensation ou d’indemnité. Ces règlements dissemblables sont vicieux dans l’ordre politique, puisqu’ils jettent sur une seule partie des terres tout le poids des impositions ; mais cette réflexion doit être balancée avec les égards dus aux droits de propriété. Les lois de la justice sont aussi un patrimoine commun, et chacun a droit de réclamer leur appui. Ce n’est donc pas sous de simples rapports d’administration qu’une si grande question peut être jugée ; il semblerait même qu’elle devrait appartenir aux délibérations particulières de chaque province, si l’on ne prévoyait pas que les Etats généraux seraient appelés à intervenir dans cette importante question, et si l’Etat pris collectivement n’était pas intéressé à maintenir dans toutes les provinces le plus d’égalité possible dans la répartition des impôts, afin que chaque partie du grand ensemble jouisse de toutes ses forces et puisse ainsi concourir dans une même proportion aux divers besoins du royaume.

III.

Une répartition plus équitable des impôts entre toutes les provinces ne peut être soumise qu’à l’examen et aux délibérations de la nation entière assemblée en Etats généraux. Il faut, pour se former une juste idée des disproportions qui existent aujourd’hui, acquérir une connaissance exacte de la somme contributive de chaque province, et s’instruire des exceptions et des franchises dont quelques-unes d’entre elles sont en possession. 11 faut ensuite, pour juger sainement du degré de justice ou de convenance de ces différentes inégalités, avoir une notion certaine de l’étendue et de la population de chaque province, et il faut examiner les diverses circonstances qui augmentent ou qui restreignent leurs ressources. On mettra sous vos yeux, Messieurs, un tableau général de la population, de l’étendue et des contributions de chaque généralité ; on vous fera connaître aussi les immunités dont jouissent plusieurs provinces : mais la réunion de vos lumières formera, sans contredit, la meilleure des instructions relativement aux avantages et aux désavantages respectifs de toutes les parties du royaume. Vous considérerez, Messieurs, si c’est à une première tenue des Etats généraux qu’il convient de chercher à établir plus d’égalité entre les contributions de chaque province. Vous observerez, sans doute, que plusieurs de ces inégalités dérivent d’anciens titres constitutifs, et vous vous trouveriez nécessairement engagés dans plusieurs contestations difficiles et délicates, si vous vou-