Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/89

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nt toujours, aux termes des lois, un don libre du souverain. •4° Je ne parle pas de la faculté que le Roi aurait eue d'assujettir à une retenue quelconque la tota- lité des rentes ou des intérêts dont l'Etat est grevé ; mais je fais observer seulement qu'on a imposé autrefois un dixième sur tous ces payements sans éprouver aucun obstacle, sans exciter aucun trouble ; et une pareille opération eût soulagé les linances du Roi de près de 20 millions par an. .> Je ne fais pas entrer dans cet aperçu les sommes destinées volontairement à des actes de bienfaisance, puisqu'un Roi qui renoncerait au pouvoir de secourir les malheureux perdrait le plus bel apanage et la plus grande jouissance de la souveraineté. Enfin, si le crédit s'était rétabli, le Roi aurait trouvé dans l'extinction annuelle de 1,500,000 li- vres de rentes viagères le moyen d'emprunter et de dépenser 20 ou 30 millions' tous les ans, sans altérer les rapports entre les revenus et les dé- penses ordinaires. Ainsi, tandis que la France, tandis que l'Europe entière attribue la convocation des Etats généraux à la nécessité absolue, au besoin inévitable d'aug- menter les impositions, l'on voit par ce résumé précis qu'un Roi jaloux uniquement de son auto- rité aurait trouvé dans les retranchements soumis à sa puissance ou à sa volonté un moyen de suf- fire aux circonstances et de se passer de nouveaux tributs. C'est uniquement en temps de guerre que les embarras des finances surpassent l'étendue des ressources ou des expédients de tout genre dont on pourrait faire usage, et dont les règnes précé- dents ont donné l'exemple. Il faut pendant la guerre un crédit immense, et ce crédit ne se com- mande point ; mais au milieu de la paix un Roi de France qui se permettrait d'exécuter tous les retranchements de rentes, d'intérêts, de pensions, d'appointements, d'encouragements, de secours, de remises, et d'autres dépenses de ce genre, dont le tableau de ses finances lui donnerait l'indica- tion, ne se trouverait jamais environné de diffi- cultés d'argent qu'il n'eût la puissance de fran- chir. C'est donc, Messieurs, aux vertus de Sa Majesté que vous devez sa longue persistance dans le des- sein et la volonté de convoquer les Etats généraux du royaume. Elle se fût tirée sans leur secours de l'embarras de ses finances, si elle n'eût mis un grand intérêt à maintenir les droits de la pro- priété, à conserver les récompenses méritées par des services, à respecter les titres que donne l'in- fortune, et à consacrer enfin tous les engagements émanés des souverains d'une nation fidèle à l'hon- neur et à ses promesses. Mais Sa Majesté, constamment animée par un esprit de sagesse, de justice et de bienfaisance, a considéré dans son ensemble et sous le point de vue le plus étendu l'état actuel des affaires publi- ques ; elle a vu que les peuples, alarmés de l'em- barras des finances et de la situation du crédit, aspiraient à un rétablissement de l'ordre et de la confiance qui ne fût pas momentané, qui ne fût pas dépendant des diverses vicissitudes dont on avait fait l'épreuve. Sa Majesté a cru que ce vœu de la nation était parfaitement juste ; et désirant y satisfaire, elle a pensé que, pour atteindre un but si intéressant, il fallait appeler de nou- veaux garants de la sécurité publique, et placer, pour ainsi dire, l'ordre des finances sous la garde de la nation entière. C'est alors en effet qu'on cessera de rapporter le crédita des circonstances passagères, c'est alors que les inquiétudes sur l'avenir ne troubleront plus le calme et la tran- quillité du présent; c'est alors que chacun s'esti- mera riche de tout ce qu'il possède en créances sur le Roi et sur l'Etat ; c'est alors que les pro- priétaires innombrables de toutes les portions de la dette publique seront en repos sur leur fortune, et se trouveront disposés à venir au secours de la France quand ses dangers pourront le de- mander. Ainsi, Messieurs, la connaissance positive et in- dispensable de la véritable situation des finances, l'établissement de l'ordre, la certitude de sa per- manence auront des effets incalculables. Qui se- rait assez inconsidéré pour se priver de l'intérêt de ses fonds, quand cet avantage ne serait aclieté par aucune certitude ? Cependant cette simple dé- termination, si elle avait lieu dans un royaume tel que la France, dans un royaume propriétaire bientôt de 2 milliards et demi d'argent mon- nayé, produirait le mouvement le plus prospère. Des capitaux immenses soigneusement renfermés, des capitaux semblables en ce moment aux murs et à rairain qui les environnent, ces capitaux viendraient par un heureux retour enrichir la circulation et grossir au milieu de nous ce flot de la richesse publique. Et qu'on se figure l'époque peut-être peu éloignée où l'exactitude des paye- ments, la rareté des emprunts, leur cessation ab- solue et l'action salutaire d'une caisse d'amortis- sement réduiraient l'intérêt à 4 0/0, et force- raient à considérer ce prix comme le seul auquel on doit aspirer. Alors, non-seulement les finances de l'Etat s'amélioreraient par la réduc- tion libre des intérêts les plus onéreux , mais un effet plus important , c'est qu'une diminution générale dans le produit des fonds publics rendrait des sommes considérables au commerce et à l'a- griculture, et leur procurerait sans efforts les se- cours les plus nécessaires, l'encouragement le plus efficace. Que l'on compare à tant d'effets salutaires, que l'on compare à tant d'avantages le bénéfice qui résulterait d'un rabais injuste sur les rentes légi- timement dues, et l'on verra promptement laquelle des deux politiques mérite la préférence. C'est ainsi, je dois le dire encore, c'est ainsi que la fidélité des engagements, c'est ainsi que la justice des rois entraînent une multitude île dépendances qui toutes ont une intime relation avec la durée et la prospérité des empires. Et sans ce principe de droiture qui doit servir de guide dans (toutes les déterminations, un prince, une nation même ne pourraient suffire à l'adminis- tration des affaires publiques; alors à chaque instant on chercherait sa route, on irait en avant, on retournerait sur ses pas, on s'égarerait en cir- cuits et l'on se trouverait insensiblement dans un labyrinthe de doutes et d'incertitudes. Oui, tout est personnel, tout est séparé, tout est excep- tion quand on abandonne ces deux grandes géné- ralités, la morale publique et la morale parti- culière. Cependant, Messieurs, ce serait sans doute considérer les Etats généraux d'une manière bien limitée, que de les voir seulement sous le rapport de la finance, du crédit, de l'intérêt de l'argent et de toutes les combinaisons qui tiennent im- médiatement aux revenus et aux dépenses. On aime à le dire, on aime à le penser, ils doi- vent servir à tout, ces Etats généraux ; ils doivent appartenir au temps présent et aux temps à venir ; ils doivent pour ainsi dire observer et suivre les principes et les traces du bonheur national dans