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et les sentiments par les élans d’une éloquence impérieuse ne vous entraîne pas au delà des )rnesque doit poser l’amour sacré du Roi et de nation.

Hommes de tous les âges, citoyens de tous les rdres, unissez vos esprits et vos cœurs, et qu’un îgagement solennel vous lie de tous les nœuds de la fraternité.

Enfants de la patrie que vous représentez, écartez loin de vous toute affection, toute maxime étrangères aux intérêts de cette mère commune ; que la pai, l’union et l’amour du bien public président à toutes vos délibérations ; mais si quelque nuage venait altérer le calme de vos séances , s’il était possible que la discorde y soufflât ses poisons, c’est à vous, ministres des autels, qu’il appartient de conjurer l’orage : vos fonctions saintes, vos titres sacrés, vos vertus et vos lumières impriment dans les cœurs ce respect religieux d’où naît l’ascendant qui maîtrise et dirige les passions humaines. Eh ! comment refuser aux interprètes d’une religion pure et sublime cette vénération, ces hommages, cet empire moral que des hommes enveloppés de ténèbres et livrés à d’extravagantes superstitions ont toujours accordés aux ministres de leurs fausses divinités ! C’est donc sur vous que la nation se repose en particulier du soin de ramener la paix dans cette Assemblée, s’il était possible qu’elle s’en bannît un instant. Mais pourquoi m’occuper du retour de la concorde, quand vous en donnerez des exemples que les deux ordres s’empresseront d’imiter ? En effet, quelle sorte de dévouement et quel concours patriotique ne doit-on pas attendre de ces braves et généreux successeurs de nos anciens chevaliers, qui, prodigues envers la France de leur fortune, de leur sang et de leur vie, n’hésitèrent jamais sur un sacrifice que l’utilité publique avait prescrit ou consacré ? Vous suivrez aussi ces grands exemples de désintéressement, desoumissionetd’attachement à la patrie, hommes sages et laborieux dont les travaux nourrissent, vivifient, instruisent, consolent, enrichissent la société. Tous les titres vont se confondre dans le titre de citoyen, et on ne connaîtra plus désormais qu’un sentiment, qu’un désir, celui de fonder sur des bases certaines et immuables le bonheur commun d’une nation fidèle à son monarque, si digne de vos respects et de votre amour.

L’intention du Roi est que vous vous assembliez dès demain, à l’effet de procéder à la vérification de vos pouvoirs, et de la terminer le plus promptement qu’il vous sera possible, afin de vous occuper des objets importants que Sa Majesté vous a indiqués.

La faiblesse de l’organe de M. de Barentin avait empêché d’entendre une partie de ce discours. Après quelques moments de silence, M. Necker, directeur général des finances, prend la parole pour faire connaître aux députés du royaume l’état de leur situation.

(Après avoir lu quelques pages de son discours, il le remet à M. Broussonet, secrétaire perpétuel de la société d’agriculture, qui en continue la lecture.)

M. Necker, directeur général des finances. Messieurs, lorsqu’on est appelé à se présenter et iï se faire entendre au milieu d’une Assemblée si auguste et si imposante, une timide émotion, une juste défiance de ses forces sont les premiers sentiments qu’on éprouve, el l’on ne peut être rassuré qu’en se livrant à l’espoir d’obtenir un peu d’indulgence et de mériter au moins l’intérêt que l’on ne saurait refuser à des intentions sans reproche ; peut-être encore a-t-on besoin d’être soutenu par la grandeur de la circonstance et par l’ascendant d’un sujet qui, en attirant toutes nos pensées, en s’emparant de nous en entier, ne nous laisse pas le temps de nous replier sur nous-mêmes, et ne nous permet pas d’examiner s’il y a quelque proportion entre notre tâche et nos facultés.

Quel jour, Messieurs, que celui-ci ! quelle époque à jamais mémorable pour la France ! les voilà donc, après un si long terme, les voilà rappelés autour du trône, ces députés d’une nation célèbre à tant de titres, d’une nation qui a rempli l’univers de sa renommée, et qui peut en appeler au témoignage incorruptible de l’histoire, soit pour attester ses hauts faits et sa valeur guerrière, soit pour se retracer à elle-même le tableau de ses progrès et de ses triomphes dans tous les genres de gloire et de rivalité ! Elle a parcouru les diverses routes qui sont ouvertes au talent et au génie ; elle s’est fait remarquer avec éclat dans toutes les carrières : les ans qui se sont écoulés servent presque à compter ses succès, et ses regards ne peuvent se tourner en arrière sans y contempler quelque monument de ses grandes destinées. Découvertes majestueuses dans les sciences, brillant éclat dans les lettres, ingénieuses inventions dans les arts, hardies entreprises dans le commerce ; elle a tout fait, elle a tout obtenu, et souvent sans autre secours que ses propres efforts, et souvent sans autre appui que les dons d’une heureuse nature. Oui, les pénibles recherches d’une attention laborieuse et les aperçus rapides du génie, la profondeur de la raison et les embellissements de l’éloquence, les talents utiles et la perfection du goût : elle a tout su réunir, cette noble et magnifique nation dont vous êtes aujourd’hui, Messieurs, les dignes représentants.

Que lui fallait-il donc encore pour son bonheur et pour sa gloire ? réussir dans le plus beau de tous les desseins, avancer, terminer, s’il est possible, la plus grande et la plus importante de toutes les entreprises, celle que vous êtes chargés de venir concerter sous les regards et la protection de votre monarque.

Ce n’est pas au moment présent, ce n’est pas à une régénération passagère que vous devez borner vos pensées et votre ambition ; il faut qu’un ordre constant, durable et à jamais utile, devienne le résultat de vos recherches et de vos travaux ; il faut que votre marche réponde à la grandeur de votre mission ; il faut que la pureté, la noblesse et l’intégrité de vos vues demeurent en accord avec l’importance et la gravité de la confiance dont vous êtes dépositaires. Partout où vous découvrirez les moyens d’accroître et d’affermir la félicité publique, partout où vous découvrirez les voies qui peuvent conduire à la prospérité de l’Etat, vous aurez à vous arrêter. C’est vous, Messieurs, qui en avant, pour ainsi dire, des générations futures, devez marquer la route de leur bonheur ; il faut qu’elles puissent dire un jour : C’est à Louis, notre bienfaiteur, c’est à l’Assemblée nationale dont il s’est environné, que nousdevons les lois et les institutions propices qui garantissent notre repos ; il faut qu’elles puissent dire : Ces rameaux qui nous couvrent d’une ombre salutaire sont les branches de l’arbre dont Louis a semé le premier germe. Il le soigna de ses mains généreuses, et les efforts réunis de sa nation en ont hâté et assuré le précieux développement.