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544 | Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 septembre 1789. 1 sa volonté connue ne constituât la loi ; et dans cet état de choses, à qui que fûtconiié le pouvoir exécutif, il ne lui serait accordé, après avoir reçu la loi du peuple que l’honneur d’obéir et celui de veiller à son exécution. Mais agir par ses représentants, ou agir par soi-même, sont des choses bien différentes. Quand le peuple lui-même fait la loi, et qu’il fait exécu- ter la loi, il y a unité de vues et unité d’action ; et il est hors de doute que le peuple ne fasse ri- goureusement exéculer ce qu’il était libre de vouloir, comme il est sûr que ce qu il fera exé- cuter sera la volonté générale. Quand le peuple confie le pouvoir législatif à des représentants, son premier soin est de s’as- surer qu’ils ne voudront jamais que ce que veut la volonté générale. Pour s’assurer qu’ils ne voudront jamais que ce que veut la volonté générale, il prend des moyens de les surveiller, et des moyens de leur résister. Le moyen de les surveiller, le plus puissant et le plus utile, fut de confier au pouvoir exécutif la sanction royale. Jaloux de sa prérogative et du pouvoir qui lui est confié, son intérêt l’attache à résister à toute usurpation du Corps législatif qui tenterait de s’attribuer une portion de la puissance execu- tive. En cela, ce moyen est puissant pour conserver la liberté. Il est utile, en ce que l’on ne peut espérer que le pouvoir exécutif emploie avec zèle tous ses efforts pour faire exécuter des lois qu’il désap- prouverait, et dont quelques-unes même pour- raient diminuer sa prérogative. C’est donc avec sagesse que le peuple a voulu, quand il n’a pas exercé lui-même la plénitude de la souveraineté, que les deux pouvoirs qui constituent essentiellement le gouvernement, et qui émanent de lui, s’accordassent pour établir la loi ; et quand il voulut que la loi ne fût établie que par cet accord, il prit le moyen le plus sûr pour maintenir chaque pouvoir dans ses limites, et s’assurer de la bonté des lois oui seraient pro- mulguées ; car il est utile de le répéter sans cesse : aussitôt que la moindre partie du pouvoir exécutif se trouve réunie au pouvoir législatif, à l’instant la légitime représentation du peuple n’existe plus, et il est menacé par la tyrannie. Mais quels sont donc les inconvénients de la sanction royale ? Ceux qui veulent la détruire craignent que le relus du Roi de sanctionner telle ou telle loi ne rende celte loi mutile ; et que, s’armant sans cesse de ce refus, il ne domine en maître absolu le Corps législatif. Ils craignent que. cette faculté de s’opposer aux décrets du Corps législatif ne devienne un moyen entre les mains du Hoi pour usurper sans cesse sur le pouvoir législatif. Je ne trouve aucun fondement réel à ces craintes. Le roi n’a intérêt de s’opposer constamment qu’aux lois qui tendraient à diminuer sa préro- gative, cette prérogative que la volonté du peuple lui accorde, et que la Constitution doit garantir ; et en cela l’intérêt du roi se trouve constamment réuni à l’intérêt du peuple. Il serait coupable en- vers le peuple s’il cédait jamais la plus légère portion du pouvoir exécutif ; il le serait même à présent que la volonté du peuple lui est mani- festée dans les cahiers de3 représentants de la nation, s’il ne préférait de descendre du trône, plutôt que de renoncer à la sanction royale, que le peuple a déclaré vouloir lui conserver. Mais, en laissant au roi une si grande, une si glorieuse prérogative, celle d’être partie néces- saire et intégrante du pouvoir législatif, le peu- ple a intéressé le roi, par tous les moyens qui ont de l’empire sur Jes cœurs généreux, à la con- servation de la Constitution ; il n’a d’existence légale qu’autant que la Constitution existe : ainsi il ne peut être intéressé à ce qu’une bonne loi ne suit pas faite, et il est très-intéressé à ce qu’il ne soit promulgué que de bonnes lois. Mais enfin, je suppose que des vues différentes les lui faisant envisager sous divers aspects, il refuse sa sanction à quelques-uns des décrets de l’Assemblée. Eh bien ! ces décrets deviendront de simples projets. Le peuple aura le temps de les juger, le roi celui d’être instruit de la volonté du peuple, et si ces lois sont réellement sages, utiles, nécessaires, elles seront établies, mais elles le seront par le peuple lui-même, après un examen réfléchi, nécessité par le refus de la sanction royale ; et je suis loin de regarder cet obslacle comme un mal, car le pire de tous les maux, à mes yeux, est la précipitation réunie au pouvoir ; et c’est un objet de terreur bien légi- time, qu’un corps à chaque instant peut créer, anéantir, réduire sa volonté en loi, et les lois existantes au néant. Mais j’admets encore qu’il se trouve un roi assez aveuglé sur ses plus chers intérêts pour re- fuser sa sanction à une loi nécessaire et juste, et dont l’établissement instant importe à la sûreté de l’empire ; en ce cas, très-hypothétique, n’avons-nous aucun moyen de lui résister ? Mais si son refus peut mettre l’Etat en péril, il dépend de vous de le réduire lui-même à l’impuissance la plus absolue, en tarissant à l’instant le trésor public. Je sais que ce moyen violent est très-alarmant, qu’il est même très-dangereux ; mais c’est préci- sément parce qu’il est alarmant et dangereux, que le Corps législatif se trouve dans l’impossi- bilité de l’employer légèrement. Mais quand une loi à laquelle est attachée le salut de l’Etat est rejetée, alors ce moyen alarmant pourrait être employé ; il avertit les peuples, il avertit le mo- narque, et aussitôt l’ordre est rétabli ; mais en même temps l’assurance que le peuple improu- verait fortement qu’un pareil moyen fût mis sou- vent en usage, garantit le pouvoir exécutif de la force d’empire que le Corps législatif, armé de ce puissant moyen, pourrait exercer sans cesse sur lui. Mais quels sont les moyens de suppléer à la sanction royale ? Car on sent bien qu’il faut un frein pour arrêter le pouvoir législatif ; on sent bien que le Roi, privé du pouvoir de s’opposer à aucune des lois du pouvoir législatif, ce pouvoir, pour devenir tyrannique, n’a que deux lois à faire : se déclarer permanent, et rendre ses membres inamovibles ; on sent bien que le pouvoir exé- cutif, dans la dépendance la plus absolue, perd toute son énergie, et qu’il sera réduit à servir le Corps législatif et à lui obéir, ou à être anéanti. Pour éviter ce danger imminent, on ne trouve que deux moyens. Le premier, de laisser au peuple le droit d’examiner les actes du pouvoir législatif, et celui de les réformer. Le second de limiter, dans la Constitution, les pouvoirs du Corps législatif, de manière qu’il ne puisse altérer la Constitution, et qu’il faille, pour changer la Constitution, une assemblée élue pour cet unique objet, n’ayant que ce seul objet