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[Assemblée nationale.

ARCHIVES PARLEMENTAIRES.

|5 août 1789.J

ne pas devoir conserver ; du Roi enfin qui est venu se jeter dans nos bras, et qui, ce matin encore, nous offrait et nous demandait une constante et amicale confiance ! Dans ce beau jour, que chacun recueille sa récompense, que chacun ait son bonheur ; que le bonheur public en soit le dernier résulat ; que l’union du Roi et du peuple couronne l’union de tous les ordres, de toutes les provinces et de tous les citoyens.

C’est au milieu des Etats généraux que Louis XII a été proclamé Père du peuple. Je propose qu’au milieu de cette Assemblée nationale, la plus auguste, la plus utile qui fut jamais, Louis XVI soit proclamé le Restaurateur de la liberté française.

La proclamation a été faite à l’instant par les députés, par le peuple, par tous ceux qui étaient présents et l’Assemblée nationale a retenti pendant un quart d’heure des cris de vive le Roi ! vive Louis XVI, restaurateur de la liberté française !

La séance s’était étendue bien avant dans la nuit, quand M. le président, après avoir pris le vœu de l’Assemblée, suspend le cours de ces déclarations patriotiques, pour en relire les chefs principaux, et les faire décréter par l’Assemblée, sauf la rédaction ; ce qui est exécuté sur l’heure à l’unanimité, sous la réserve exigée par les serments et les mandats de divers commettants.

Suivent les articles arrêtés.

Abolition de la qualité de serf et de la mainmorte,
sous quelque dénomination qu’elle existe.
Faculté de rembourser les droits seigneuriaux.
Abolition des juridictions seigneuriales.
Suppression du droit exclusif de la chasse, des
colombiers, des garennes.
Taxe en argent, représentative de la dîme.
Rachat possible de toutes les dîmes, de quelque
espèce que ce soit.
Abolition de tous privilèges et immunités pécuniaires.
Egalité des impôts, de quelque espèce que ce
soit, à compter du commencement de l’année
1789, suivant ce qui sera réglé par les assemblées
provinciales.
Admission de tous les citoyens aux emplois
civils et militaires.
Déclaration de l’établissement prochain d’une
justice gratuite, et de la suppression de la vénalité
des offices.
Abandon du privilège particulier des provinces
et des villes. Déclaration des députés qui ont des
mandats impératifs, qu’ils vont écrire à leurs
commettants pour solliciter leur adhésion.
Abandon des privilèges de plusieurs villes,
Paris, Lyon, Rordeaux, etc.
Suppression du droit de déport et vacat, des
annates, de la pluralité des bénéfices.
Destruction des pensions obtenues sans titres.
Réformation des jurandes.
Une médaille frappée pour éterniser la mémoire
de ce jour.
Un Te Deum solennel, et l’Assemblée nationale
en députation auprès du Roi, pour lui porter
l’hommage de l’Assemblée, et le titre de Restaurateur
de la liberté française, avec prière d’assister
personnellement au Te Deum.

Les cris de vive le Roi ! les témoignages de l’allégresse publique, variés sous toutes les formes, les félicitations mutuelles des députés et du peuple présent, terminent la séance.

Avant de la lever, M. le président lit une lettre qui lui est écrite par MM. Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, Le Franc de Pompignan archevêque de Vienne, et M. le comte de LaTour-Du-Pin, appelés par le Roi au ministère. Elle est conçue en ces termes :

« Monsieur le président, appelés par le Roi dans ses conseils, nous nous empressons de déposer nos sentiments dans le sein de l’Assemblée nationale.

« Les marques de bienveillance dont nous avons été comblés depuis l’instant heureux de notre réunion, et surtout notre fidélité aux principes de l’Assemblée nationale, et notre respectueuse confiance en elle, sont les motifs les plus capables de soutenir notre courage.

« Nous ne perdrons jamais de vue que, pour bien répondre aux intentions du Roi, nous devons toujours avoir présente à la pensée cette grande vérité, que l’Assemblée nationale a ramenée, et qui ne retentira plus en vain : que la puissance et la félicité des rois ne peuvent dignement s’asseoir et durablement s’affermir que sur les fondements du bonheur et de la liberté des peuples.

« Daignez, monsieur le président, être notre interprète auprès de l’Assemblée, et lui offrir, en notre nom, la protestation sincère de ne vouloir exercer aucune fonction publique qu’autant que nous pourrons nous honorer de son suffrage, et conserver notre dévouement à ses maximes. « Nous sommes avec respect, etc. « Signé : † J. G., arch. de Vienne ; J. M., arch. de Bordeaux, LATOUR-Du-PIN. »

(On applaudit.)

La séance est suspendue à deux heures après minuit, et continuée à demain midi.


ASSEMBLEE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. CHAPELIER.

Séance du mercredi 5 août 1789 [1].

M. le Président déclare la séance ouverte.

M. le bailli de Crussol dit :

Messieurs, permettez-moi d’avoir l’honneur de vous rendre compte d’un fait très-simple, arrivé hier, mais que les circonstances peuvent rendre de quelque importance.

L’absence de M. le comte d’Artois ayant permis de donner des congés à plusieurs de ses gardes du corps, des palefreniers ont été chargés, à mon insu, par le major et le commandant de l’hôtel, de porter les mousquetons des gardes absents dans leur salle au château ; ils portent l’inscription des gardes du corps, et l’on m’assure qu’ils sont au nombre de vingt.

Ces palefreniers, qui ont vu sortir de l’hôtel des gardes, où sont aussi mes écuries, ma voiture vide qui venait me prendre au château pour me mener dîner dans la ville de Versailles, ont

  1. Cette séance est incomplète au Moniteur.