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[Assemblée nationale.

ARCHIVES PARLEMENTAIRES.

[i août 1789.1

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Les députés des provinces appelés pays d’Etats, se livrant à l’impulsion de leur générosité, ou se prévalant de celle de leurs commettants, exprimée par leurs cahiers, ou enfin la présumant, et se rendant en quelque sorte garants de leur ratification, offrent la renonciation aux privilèges de leurs provinces, pour s’associer au régime nouveau que la justice du Roi et celle de l’Assemblée préparent à la France entière.

Les députés du Dauphiné ont ouvert cet avis en rappelant ce que leur province avait fait à Vizille sur cet objet, et l’invitation qu’elle avait adressée à tous les autres pays d’Etats, de vouloir l’imiter. A l’heure même, les députés des communes de Bretagne, s’approchant du bureau, allaient témoigner leur adhésion, conçue en termes divers, suivant la nature de leurs mandats, lorsque M. le président de l’Assemblée a réclamé le droit que sa place paraissait lui donner, de présenter lui-même le vœu de sa province à la nation : il a exposé les motifs de prudence qui avaient engagé quelques sénéchaussées, et notamment celles de Rennes, de Nantes, Guérande, Vannes, Dol, Fougère, Dinan, Quimperlay, Carhaix et Chantelin, à lier en partie les mains de leurs mandataires, jusqu’à ce que le jour du bonheur et de la sécurité, succédant pour toute la France à des jours d’attente et d’espoir, les autorisât à confondre les droits antiques et révérés de la Bretagne, dans les droits plus solides encore et plus sacrés que les lumières de l’Assemblée assuraient en ce moment à l’empire français tout entier. D’autres députés de Renne’s font remarquer combien il est naturel de présumer et d’attendre cet engagement et ce sacrifice de la part de leur ville, qui, la première de toutes, a adhéré aux arrêtés de l’Assemblée nationale ; qui, la première aussi, a voulu que la loi et l’impôt se déterminassent dans l’Assemblée, afin de ne compromettre aucun droit particulier, mais de les réunir et de les fortifier tous par l’adhésion générale, au moment même où se formerait l’acte destiné à défendre les droits de tous les citoyens.

Un autre député breton déclare que dès ce moment il adhère au sacrifice des privilèges de la province, ne se trouvant point lié par son cahier ; il stipule seulement, pour la Bretagne, la garantie mutuelle établie par les clauses du traité de réunion de sa province avec une monarchie dont toutes les parties allaient désormais s’appuyer, se soutenir, se fortifier et se défendre par une fédération dont le cœur du prince lui-même serait le centre, comme l’amour des peuples pour lui en serait le nœud.

Les députés du clergé de Bretagne, gênés par des mandats impératifs, ont témoigné le regret de ne pouvoir renoncer aux droits et franchises de leur province, et déclaré qu’ils allaient informer leurs commettants du sacrifice patriotique fait par d’autres députés, et solliciter de nouveaux pouvoirs.

A peine l’impatience des députés de Provence et de Forcalquier a-t-elle pu laisser achever aux membres qui venaient de parler leur déclaration patriotique ; tous les membres des sénéchaussées de cette province se sont avancés au milieu de la salle, et là il ont annoncé que, lorsque leurs commettants leur ont prescrit impérativement de ne pas renoncer aux privilèges dont la province jouit depuis sa réunion libre et volontaire à la couronne, ils ne prévoyaient pas sans doute l’heureuse réunion de tous les ordres ; qu’ils savent que leurs commettants n’ont pas moins de zèle et de patriotisme que les autres Français, qu’ils ne doutent pas qu’ils ne s’empressent de réunir leurs intérêts à ceux du reste du royaume, et de confondre leurs droits dans la constitution que cette auguste assemblée va donner à toute la France, et qu’ils vont leur rendre compte de cette mémorable séance, et les engager à envoyer sur-le-champ leur adhésion.

En ce moment, un membre des communes exprime la renonciation de la ville de Grasse aux privilèges pécuniaires desquels elle jouit comme propriétaire de fiefs.

Le député d’Arles annonce qu’il forme depuis plusieurs jours, et qu’il a déjà communiqué à ses commettants, le désir de les voir se réunir, sur cet objet, aux députés des provinces. La principauté d’Orange n’insiste que sur la conservation d’une administration particulière, réclamée par sa situation au milieu d’une terre réputée étrangère.

A cet instant, les députés de la Bourgogne réclament la parole ; mais ils sont interrompus par un député du clergé de Provence : celui-ci, revenant sur ce qui avait été allégué au sujet des mandats, rappelle ce principe salutaire, qu’ils ne peuvent lier aucune partie de la France sur la part contributoire que chacune des provinces du royaume doit supporter en proportion de ses forces dans l’impôt général, quoique en vertu des cahiers il faille le vœu des commettants pour renoncer aux formes de l’administration, de la répartition et de l’assiette des quotes-parts.

Le député noble de Dijon se rend garant du vœu de son bailliage pour la renonciation à ses privilèges, en se réservant d’en prévenir ses commettants.

Ceux des communes, autorisés (en cas d’abandon pareil de la part des autres provinces) au sacrifice de leurs privilèges, les déposent entre les mains de 1 Assemblée nationale. Us sont imités par les députés du bailliage d’Autun, par ceux de Châlon-sur-Saône, du Charolais, du Beaujolais, du bailliage de la Montagne, de l'Auxerrois, de Bar-sur-Seine.

Le député des communes de l’Auxois acquiesce aussi pleinement, y étant autorisé par ses pouvoirs. Celui de la noblesse est forcé de se référer à des mandats plus étendus que ceux dont il est porteur ; et les communes du Maçonnais, en renonçant sous les mêmes conditions que celle de Dijon, se réservent, comme elles l’ont eu de tout temps, le droit de former une province particulière, administrée par leurs Etats, auxquels l’Assemblée donnera une meilleure organisation et une plus juste représentation.

Les députés de la Bresse, du Bugey, et de la principauté de Dombes acquiescent pleinement au vœu de la Bourgogne, sauf.la réclama’ion insérée aux cahiers, sur l’échange de cette principauté. Les privilèges de la ville de Saint-Jean-de-Losne, déjà remis à l’Assemblée nationale dans une de ses séances précédentes, sont de nouveau sacrifiés à l’intérêt général du royaume. Les députés du Languedoc demandent à leur tour la parole, par l’organe de M. de Marguerites.

M. le baron de Marguerites. Les représentants de diverses sénéchaussées de Languedoc déclarent que l’ordre de leurs commettants leur prescrit, de la manière la plus impérative, une obligation dont il ne leur est pas possible de s’écarter.

La province de Languedoc est régie depuis longtemps par une administration inconstitution-