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[Asscrabléo nationale.]

ARCHIVES PARLEMENTAIRES.

|4 août 1789.)

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M. Dupont représente que les tribunaux charlés de maintenir la tranquillité publique, conforément à ces lois, existent de droit comme de it, tant qu’ils ne sont pas supprimés ; Qu’il n’est possible aux représentants de la naion de réformer la législation, qu’après qu’ils uront déterminé, par la constitution même, de quelle manière lus lois nouvelles doivent être proposées, adoptées et exécutées.

Et qu’il est très-nécessaire que le calme, la paix et la justice, rétablis dans tout l’empire, dispensent l’Assemblée nationale de toute autre sollicitude que de celle qui est inséparable du soin dont elle est occupée, de choisir et d’arrêter les éléments de cette constitution sage et durable.

En conséquence, il fait la motion suivante : Déclarer que tout citoyen est obligé d’obéir aux lois, en respectant la liberté, la sûreté et la propriété des autres citoyens ;

Que les tribunaux doivent agir sans cesse pour l’exécution de ces lois ;

Et qu’il est enjoint par elles, comme par le vœu des représentants de la nation, aux milices bourgeoises età tous corps militaires, de prêter mainforte pour le rétablissement de l’ordre et de la paix, et pour la protection des personnes et des biens, toutes les fois qu’ils en seront requis par les municipalités et les magistrats civils.

M. Leguen de Kérangal, député de la Basse-Bretagne. Messieurs, une grande question nous a agités aujourd’hui ; la déclaration des droits de l’homme et du citoyen a été jugée nécessaire. L’anus que le peuple fait de ces mêmes droits vous presse de les expliquer, et de poser d’une main habile les bornes qu’il ne doit pas franchir ; il se tiendra sûrement en arrière.

Vous eussiez prévenu l’incendie des châteaux, si vous aviez été plus prompts à déclarer que les armes terribles qu’ifs contenaient, et qui tourmentent le peuple depuis des siècles, allaient être anéanties par le rachat forcé que vous alliez ordonner.

Le peuple, impatient d’obtenir justice et las de l’oppression, s’empresse à détruire ces titres, monuments de la barbarie de nos pères.

Soyons justes, Messieurs : qu’on nous apporte ici les tities qui outragent, non-seulement la pudeur, mais l’humanité même. Qu’on nous apporte ces titres qui humilient l’espèce humaine, en exigeant que les hommes soient attelés à une charrette comme les animaux du labourage. Qu’on nous apporte ces titres qui obligent les hommes à passer les nuits à battre les étangs pour empêcher les grenouilles de troubler le sommeil de leurs voluptueux seigneurs.

Qui de nous, Messieurs, dans ce siècle de lumières, ne ferait pas un bûcher expiatoire de ces infâmes parchemins, et ne porterait pas le flambeau pour eu faire un sacrifice sur l’autel du bien public ?

Vous ne ramènerez, Messieurs, le calme dans la France agitée, que quand vous aurez promis au peuple que vous allez convertir en prestations en argent, rachetables à volonté, tous les droits féodaux quelconques ; que les lois que vous allez promulguer anéantiront jusqu’aux moindres traces dont il se plaint justement. Dites-lui que vous reconnaissez l’injustice de ces droits acquis dans des temps d’ignorance et de ténèbres.

Pour le bien de la paix, hâtez-vous de donner ces promesses à la France ; un cri général se fait entendre ; vous n’avez pas un moment à perdre ; un jour de délai occasionne de nouveaux embrasements ; la chute des empires est annoncée avec moins de fracas. Ne voulez-vous donner des lois qu’à la France dévastée ?

En établissant les droits de l’homme, il faut convenir de la liberté. Plusieurs membres de cette Assemblée trouvent inutile de traiter des droits de l’homme, disant qu’ils existent dans le cœur, que le peuple les sent ; mais qu’il ne faut les lui faire connaître que d’une manière simple et à la portée de tous. Les droits de l’homme ont été jugés être les préliminaires de la constitution ; ils tendent à rendre les hommes libres ; pour qu’ils le soient, il faut convenir qu’il n’y a qu’un peuple, une nation libre, et un souverain ; il faut convenir des sacrifices de la féodalité nécessaires à la liberté et à une bonne constitution ; autrement il existe des droits de champarts, des chefs-rentes, des fiscalités, des greffiers, des droits de moute ; nous verrons toujours exercer la tyrannie de l’aristocratie et le despotisme ; la société sera malheureuse ; nous ne ferons enfin de bonnes lois qu’en nous organisant sur un code qui exile l’esclavage.

Il ne faut pas, Messieurs, remonter à l’origine des causes qui ont successivement produit l’asservissement de la nation française, ni démontrer que la force seule et la violence des grands nous ont soumis à un régime féodal. Suivons l’exemple de l’Amérique anglaise, uniquement composée de propriétaires, qui ne connaissent aucune trace de la féodalité. Je frémissais hier au soir de voir adopter de sang-froid la motion qui tendait à punir les malversations dans les châteaux ; pour moi, je pense que, malgré la justice de cet arrêté, on devait en rendre inséparable la destruction du monstre dévorant de la féodalité, de l’assujettissement le plus fatal des vassaux pour les moulins, et la rapidité du fisc à répandre partout le désespoir, en saisissant féodalement, par des formes illicites et ruineuses, les propriétés des médiocres fortunés, qui n’ont pour garant de l’existence de leur famille qu’un triste hameau et un seul champ, sans que le seigneur du fief arrête le cours de l’agiotage auquel il donne lieu, en accordant sa confiance à des personnes avides de s’enrichir, par les séquestres des rentes et des propriétés, par des formalités outrées, par des exploits et autres suites de chicane, dont les frais montent souvent à 300 livres pour une rente de 60 livres. Le fisc finit par surprendre les titres des vassaux ; et pour fin de ses prétentions, se fait payer par le propriétaire, et jouit d’un bien pour fin de payement. Peu importe au fisc que le vassal doive ou ne doive pas, qu’il ait satisfait ou non au fief ; muni des archives de son seigneur, il regarde seulement les noms des vassaux, et dans deux heures de temps il forme cent exploits ; s’il trouve vingt personnes en solidité de chef de rente, il forme autant d’exploits et de requêtes.

Le seigneur, concédant des charges à des prix excessifs à tous ses agents et officiers de fief, les force d’excéder le tarif de leurs fixations, pour entretenir le luxe aux dépens d’un vassal ignorant. Les meuniers sont dans le même cas ; le droit de moute sera donc affranchi au seigneur de fief, à raison du denier vingt-cinq, ou denier trente, en admettant la valeur du droit de monte, par chaque année et pour chaque particulier, à trois livres, sauf d’en payer la rente de trois livres, jusqu’au remboursement et affranchissement d’icelle, et chaque particulier aura par ce moyen la liberté de faire moudre où il lui plaira.