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[Assemblée nationale.

ARCHIVES PARLEMENTAIRES.

[4 aeùt 1789.]

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et les devoirs, on les néglige, on les méconnaît, on les oublie.

Il faut établir un équilibre, il faut montrer à l’homme le cercle qu’il peut parcourir, et les barrières qui peuvent et doivent l’arrêter. Beaucoup ont soutenu la thèse contraire ; beaucoup ont dit qu’il était inutile de parler spécialement des devoirs , puisque l’on ne pouvait exister qu’autant qu’il existe des droits. Je ne suis Sas de leur avis, et je crois que la déclaration es droits est inséparable de celle des devoirs. M. de Clermont-Lodève. Je n’ai qu’un mot à dire sur la question incidente : chaque homme, ayant le même droit à la liberté et à la propriété, a des droits incontestables, comme il a aussi des devoirs qui le forcent à respecter la liberté et la propriété d’aulrui. Ces devoirs naissent naturellement des droits du citoyen.

On pourrait peut-être détailler, dans le corps de la déclaration, quelques-uns de ces devoirs ; mais je penserais que le titre seulement doit annoncer une déclaration des droits du citoyen, et non des devoirs. Ce mot de citoyen annonce une corrélation avec les autres citoyens, et cette corrélation engendre les devoirs.

Mais ces devoirs étant indéfinis, se multipliant autant que les droits, il serait impossible de les fixer, de les déterminer tous : et des gens peu instruits pourraient croire qu’il n’existe de devoirs que ceux qui seraient insérés dans la déclaration. Quelques orateurs absents ont perdu leur tour pour la parole ; d’autres ont voulu prendre leur place ; mais des cris répétés de tous les côtés de l’Assemblée : Aux voix, aux voix ! étouffent la parole de ceux qui veulent parler. M. Camus se lève, malgré les cris et le tumulte. Un moment de calme et de silence lui permet de se faire entendre pour soumettre un amendement. 11 propose d’ajouter le mot devoirs à la déclaration des droits, et il présente ainsi la question suivante :

Fera-t-on ou ne fera-t-on pas une déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen ? La salle retentit tout à coup d’applaudissements partis du côté du clergé.

M. l’évêque de Chartres annonce qu’il veut la parole. Il a beaucoup de peine à se faire entendre ; enfin on lui accorde le silence. M. de Lubcrsac, évéque de Chartres. S’il faut une déclaration des droits, il y a un écueil à éviter. On court risque d’éveiller Pégoïsme et l’orgueil. L’expression flatteuse de droits doit être adroitement ménagée ; on devrait la faire accompagner de celle de devoirs, qui lui servirait de correctif. 11 conviendrait qu’il y eût à la tête de cet ouvrage quelques idées religieuses noblement exprimées. La religion ne doit pas, il est vrai, être comprise dans les lois politiques ; mais elle ne doit pas y être étrangère. (Le côté du clergé applaudit vivement. On écoute avec calme dan3 la partie opposée.)

Plusieurs membres parlent pour et contre la proposition de M. Camus.

(De toutes parts on crie aux voix. — Les orateurs ne peuvent plus se faire entendre.) M. le Président met aux voix la proposition de M. Camus, comme amendement à la question principale.

L’épreuve par assis et levé est douteuse. On fait l’appel nominal. L’amendement est rejeté à la majorité de 570 voix contre 433. M. le Président fait part à l’Assemblée d’une note que le Roi vient de lui envoyer avec une lettre d’envoi. Il fait lecture de la lettre et de la note.

Lettre du Roi au président de V Assemblée nationale. « Je vous envoie, Monsieur, une note que, comme président, vous lirez de ma part à l’Assemblée nationale.

« Signé : LOUIS. »

Note du Roi à V Assemblée nationale. « Je crois, Messieurs, répondre aux sentiments de confiance qui doivent régner entre nous, en vous faisant part directement de la manière dont je viens de remplir les places vacantes dans mou ministère.

« Je donne les sceaux à M. l’archevêque de Bordeaux (Champion de Cicé) ; la feuille des bénéfices à M. l’archevêque de Vienne (Le Franc de Pompignan) ; le département de la guerre à M. de la Tour-du-Pin-Paulin, et j’appelle dans mon conseil M. le maréchal de Beauveau. « Les choix que je fais dans votre Assemblée même vous annoncent le désir que j’ai d’entretenir avec elle la plus constante et la plus amicale harmonie.

« Signé : LOUIS. »

De nombreux applaudissements retentissent dans la salle.

Cette note est lue une seconde fois ; les mêmes applaudissements se font entendre. L’Assemblée, sur la proposition de plusieurs de ses membres, vote unanimement une adresse de remercîment au Roi sur la marque de confiance qu’il vient de donner à l’Assemblée nationale. L’adresse est renvoyée au comité de rédaction. On revient à la discussion. La question est posée ; et, presque à l’unanimité, l’Assemblée décrète que la Constitution sera précédée de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. M. d’Avaray propose les articles suivants pour servir de déclaration des principaux devoirs des Français :

1° Tout Français doit respect à Dieu, à la religion et à ses ministres ; il ne doit jamais troubler le culte public.

2° Il doit respect au Roi, dont la personne est sacrée et inviolable.

3° La première des vertus d’un Français est la soumission aux lois ; toute résistance à ce qu’elles lui prescrivent est un crime.

4° 11 doit contribuer, dans la proportion de ses propriétés, de quelque nature qu’elles soient, aux frais nécessaires à la défense de l’Etat et à la tranquillité qu’un bon gouvernement lui assure. 5° 11 doit respecter le droit d’autrui. Ce projet est renvoyé à l’examen des bureaux. M. le Président, annonce que deux dôputations demandent à entrer.

La première est celle des six corps du commerce de la ville de Paris qui viennent présenter à l’Assemblée leurs respects et leurs hommages.