Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/223

Cette page n’a pas encore été corrigée

ment que nous amènerons l’union et la formation réelle des Etats généraux. II est bien temps, Messieurs, que l’union existe. Il est bien temps que les Etats généraux commencent. Voyez tous les fléaux qui nous menacent ; nous y avons échappé jusqu’ici pur un miracle qui a été celui

Ide tous les jours et de presque tous les instants. Si nos divisions se perpétuent, il viendra un moment où toute la prévoyance humaine n’y pourra rien. On parle de l’intérêt de la noblesse. Eh, Messieurs, qui, dans cette Chambre, n’en est pas pénétré ? Quel gentilhomme est capable de le trahir ; de ne pas défendre, au péril de sa vie, les vrais, les justes intérêts de la noblesse. Mais ce sont ces intérêts-là même que je vous conjure de ne pas méconnaître. Etudiez-les bien, songez que dans la marche des révolutions politiques, il est une force des choses qui l’emporle sur celle des personnes, et que si cette marche était trop rapide, le seul moyen de la ralentir serait de s’y prêter. 11 a été une époque à laquelle il a fallu que la servitude fut abolie, et elle l’a été ; une autre, à laquelle il a fallu que le tiers entrât dans les Assemblées nationales et il y est entré. En voici une ou les progrès de la raison, où les droits de l’humanité trop longtemps méconnus, où le respect que doit inspirer cette masse imposante de vingt-quatre millions d’hommes vont donner à ce même tiers l’égalité d’influence, la juste proportion de droits qui doit encore lui appartenir. Cette troisième révolution est commencée, rien ne l’empêchera. Je crois fermement qu’il ne tient qu’à la noblesse de s’y assigner une place d’honneur, de s’y couvrir d’une gloire plus brillante peut-être que toute celle qu’elle a jamais recueillie, de s’y inscrire pour jamais comme bienfaitrice de la nation. C’est à ce titre, Messieurs, c’est par vos plus chers intérêts, que je vous presse d’acquiescer à la motion de M. de Tonnerre, qui, non-seulement adopte le plan du Roi, mais qui en garantit l’exécution, et à laquelle j’adhère dans son entier.

La fin de la séance de la Chambre de la noblesse est consacrée à délibérer sur la première déclaration du Roi.

COMMUNES.

Présidence de M. Bailly.

Après la lecture du procès-verbal delà veille, il est arrêté qu’il sera établi une imprimerie à Versailles, pour les travaux de l’Assemblée nationale ; et M. Baudoin, député suppléant de Paris, a été nommé son imprimeur.

M. le Président lit une lettre du garde des sceaux, et une autre du marquis deBrézé. Toutes deux ont pour objet d’annoncer que les ordres du Roi sont que l’entrée de la salle des députés du tiers-état soit désormais dans la rue du Grand-Chantier.

Un membre dit qu’on a fermé les portes de communication intérieure de la salle, pendant que la force militaire avait empêché l’Assemblée d’y continuer ses séances ; qu’elle est actuellement investie de troupes sous les armes, soit dans l’intérieur de l’hôtel, soit dans les différentes’avenues ; ce qui est contraire également à la liberté de l’Assemblée et au droit qu’elle a d’exercer elle-même sa police intérieure et extérieure. Il propose de prendre des informations sur les ordres dont les troupes sont chargées, pour délibérer sur le tout.

Un officier des gardes de la prévôté de l’hôtel entre, et dit qu’il est chargé d’empêcher les étrangers d’entrer dans la salle de l’Assemblée, et qu’il y a une porte de communication intérieure, dont il n’a pas ordre d’empêcher l’usage à Messieurs les députés.

MM. de Rostainget de Gony, avec M. Pison

du Galand, l’un des secrétaires, sont chargés de prendre des informations sur les ordres dont étaient chargées les troupes placées à l’extérieur de l’hôtel ; ils sortent pour remplir l’objet de leur mission. Rentrés dans la’ salle, ils rapportent, par l’organe de M. Pison du lîaland, qu’ayant demandé l’ofticier commandant, M. le comte du Belley, lieutenant des gardes françaises, s’est présenté, et leur a dit qu’il avait l’ordre de laisser entrer à toute heure, tant individuellement que collectivement, tous les membres des Etats généraux dans la salle de l’Assemblée générale, et de ne pas y laisser entrer les étrangers ; et que les gardes placées aux différentes avenues n’étaient destinées qu’à indiquer les divers accès des salles particulières.

M. llounier. Je fais la motion de présenter une adresse au Roi, pour lui exposer que les représentants de la nation doivent avoir la police du lieu de leur Assemblée, et lui demander que les troupes aient à se retirer des environs de la salle des Etats libres et généraux, attendu que leur présence est incompatible avec la liberté do l’Assemblée ; et que si le Roi ne les écarte pas, l’Assemblée nationale se verrait forcée de se transférer ailleurs.

Celte proposition est fortement appuyée.

Pendant le cours de la discussion, quelques membres se plaignent de la conduite du garde des sceaux.

M. le comte de Mirabeau. J’aurais dénoncé dès aujourd’hui mon digne cousin, le garde des sceaux, si je n’avais la certitude excessivement fondée qu’il donnera ce soir sa démission ; mais je me réserve de le faire.

La délibération sur la motion de M. Mounier est interrompue par l’arrivée du clergé, précédé et annoncé par son huissier.

Cent cinquante-un ecclésiastiques formant la majorité, à la tête desquels sont MM. les archevêques de Vienne et de Bordeaux, les évoques de Coutances, Chartres et Rhodez, avancent au milieu "de la salle, qui retentit d’applaudissements et d’acclamations universels.

Un secrétaire porte devant eux les pouvoirs qui avaient été vérifiés dans le comité assemblé le lundi précédent.

M. Le Franc de Pompignan, archevêque de Vienne, après avoir pris place à côté du président, à l’invitation de l’Assemblée, dit :

Messieurs, la majorité du clergé a délibéré, ce matin, dans la salle où étaient assemblés les députés de l’ordre aux Etats généraux, qu’il fût référé aux trois ordres réunis du contenu du procès-verbal de la séance royale qui fut tenue hier.

Je prie l’Assemblée, à laquelle vient de se réunir la majorité de l’ordre du clergé, de procéder incessamment à la vérification commune des pouvoirs des membres du clergé, qui ne l’ont pas encore été, pour qu’ils puissent délibérer dans l’Assemblée générale des représentants de la nation de tout ce qui s’est passé dans la séance royale dont je viens déparier. »