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Nous l’avons juré, Messieurs, et notre serment ne sera pas vain, nous avons juré de rétablir le peuple français dans ses droits. L’autorité qui vous a institués pour cette grande entreprise, de laquelle seule nous dépendons, et qui saura bien nous défendre, est, certes, loin encore de nous crier : c’est assez ; arrêtez-vous. Au contraire, elle nous pousse, et nous demande une constitution. Et qui peut la faire sans nous ? qui peut la faire, si ce n’est nous ? Est-il une puissance sur terre qui puisse vous ôter le droit de représenter vos commettants ?

(fie discours est couvert d’applaudissements).

On prend les voix par assis et levé, et l’Assemblée nationale déclare unaniment qu’elle persiste dans ses précédents arrêtés.

M. le comte de Mirabeau. C’est aujourd’hui que je bénis la liberté de ce qu’elle mûrit de si beaux fruits dans l’Assemblée nationale. Assurons notre ouvrage, en déclarant inviolable la personne des députés aux Etats généraux. Ce n’est pas manifester une crainte : c’est agir avec prudence ; c’est un frein contre les conseils violents qui assiègent le trône.

Après un court débat, cette motion est adoptée à la pluralité de 493 voix contre 34 ; et l’Assemblée, se sépare après avoir pris l’arrêté suivant :

« L’Assemblée nationale déclare que la personne de chaque député est inviolable ; que tous particuliers, toutes corporations, tribunal, cour ou commission qui oseraient, pendant ou après la présente session, poursuivre, rechercher, arrêter ou faire arrêter, détenir ou faire détenir un député, pour raison d’aucunes propositions, avis, opinions, ou discours par lui faits aux Etats généraux ; de même que toutes personnes qui prêteraient leur ministère à aucun desdits attentats, de quelque part qu’ils fussent ordonnés, sont infâmes et traîtres envers la nation, et coupables de crime capital. L’Assemblée nationale arrête que, dans les cas susdits, elle prendra toutes les mesures nécessaires pour rechercher, poursuivre et punir ceux qui en seront les auteurs, instigateurs ou exécuteurs (l). »

Sur le surplus, l’Assemblée a continué la séance à demain neuf heures.

Ces arrêtés ont été pris en présence de plusieurs de MM. du clergé. Ceux dont les pouvoirs étaient vérifiés ont donné leur voix lors des opinions ; et les autres ont demandé qu’il fût fait mention de leur présence.

(1) Il a été imprimé diverses versions de l’arrêté

firis par l’Assemblée nationale, le 23 juin 1789, après a séance royale. Nous avons reproduit le texte du procès-verbal, comme le seul authentique. Néanmoins, nous insérons ici, à titre de document, un paragraphe que nous trouvons dans l’une des versions dont nous venons de parler. Il est ainsi conçu :

« Arrête pareillement que toutes poursuites civiles et criminelles, contre lesdits députés, seront interdites à toutes personnes, en quelque qualité qu’elles soient, et à tous tribunaux pendant la session, si elles ne sont expressément autorisées par l’Assemblée nationale. »

ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du mercredi 24 juin 1789.

CLERGE.

Les membres du clergé se sont rendus à neuf heures dans la salle où ils avaient coutume de s’assembler. On a proposé de commencer par la lecture de la déclaration du Koi. La plus grande partie des membres s’y sont opposés, et ont demandé qu’on allât auparavant aux voix pour savoir si la majorité avait été pour la vérification commune ou non. L’autre partie a objecté que ce qui avait été fait postérieurement à la séance du 19 de ce mois était inconnu à l’Assemblée ; que l’ordonnance du Roi cassant et annulant tout ce qui s’était fait, il ne fallait plus s’occuper des actes précédents, mais recommencer toutes les opérations, à dater de la séance royale.

On a insisté, d’un côté, sur la lecture de la déclaration du Roi, et de l’autre, sur la clôture du procès-verbal de la séanca du vendredi 19. Les différents partis n’ayant pu s’accorder, les membres qui avaient voté pour la vérification commune se sont retirés de la salle, et se sont rendus dans celle des communes.

Les membres du clergé restant dans la salle, au nombre de 132, en l’absence des secrétaires, ont nommé MM. de Barmond et Coster pour en remplir les fonctions. On a mis aux voix si l’on ferait la lecture de la déclaration du Roi, ce qui a été accepté et exécuté. On a ensuite délibéré sur ce qu’il y avait 5 faire dans les circonstances présentes ; l’arrêté suivant a été pris à la majorité de 118 voix.

Les membres du clergé assemblés dans la salle affectée à l’ordre, pour y reprendre leurs séances conformément à la volonté du Roi, lecture faite des discours et de la déclaration de Sa Majesté concernant la présente tenue des Etats généraux, et en conséquence des articles 1 et 11 de ladite déclaration, sont convenus de reconnaître comme valides tous les pouvoirs déjà légalement vérifiés des membres tant absents que présents, sur la députation desquels il ne s’est point élevé de contestations. Us ont en conséquence déclaré qu’ils se constituaient dès à présent en Assemblée active de l’ordre du clergé aux Etats généraux ; et ladite Assemblée a arrêté, à l’égard de la communication des pouvoirs entre les ordres, et les jugements à porter sur les pouvoirs contestés , de se conformer aux articles 2 et 10 de ladite déclaration. »

MM. Delomieu et de Saint-Albin ont déclaré que sur la vérification des pouvoirs ils adoptaient les formes proposées par le Roi ; mais que sur la constitution de la Chambre ; ils ne pouvaient, d’après leurs mandats, consentir à ce que le clergé se constituât, et qu’ils en demandaient acte, ce qui leur a été accordé.

On a procédé ensuite à l’élection d’un président. M. le cardinal de la Rochefoucauld a obtenu la majorité des suffrages, et a été proclamé en cette qualité.

La séance a été levée à cinq heures.

NOBLESSE.

M. le Président a donné lecture de la lettre suivante, qui lui a été adressée par la minorité

de la noblesse ;