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dans les deux côtés du milieu, jusqu’au fond, étaient les membres de l’Assemblée nationale ; les quatre hérauts et le roi d’armes étaient placés au milieu. Le trône était élevé sur une estrade qui occupait le fond de la salle jusqu’à la seconde colonne. Au bas de cette estrade, autour d’une table, se trouvaient rangés les ministres. Un seul tabouret était vacant : c’était celui de M. Necker.

Sur les onze heures, le Roi sortit de son château. La voiture du Roi était précédée et suivie de la fauconnerie , des pajjes, des écuyers, et enfin des quatre compagnies des gardes du corps.

Le Roi, accompagné des princes du sang, des ducs et pairs, des capitaines des gardes du corps, est entré dans la salle. A son arrivée, les députés se lèvent et ils se replacent ensuite.

Lie Roi prononce un discours pour annoncer l’objet de la séance. 11 est conçu en ces termes :

Messieurs, je croyais avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir pour le bien de mes peuples, lorsque j’avais pris la résolution de vous rassembler, lorsque j avais surmonté toutes les difficultés dont votre convocation était entourée, lorsque j’étais allé, pour ainsi dire, au devant des vœux de la nation, en manifestant à l’avance ce que je voulais faire pour son bonheur.

Il semblait que vous n’aviez qu’à finir mon ouvrage, et la nation attendait avec impatience le moment où, par le concours des vues bienfaisantes de son souverain et du zèle éclairé de ses représentants, elle allait jouir des prospérités que cette union devait leur procurer.

Les Etats généraux sont ouverts depuis près de deux mois, et ils n’ont point pu encore s’entendre sur les préliminaires de leurs opérations. Une parfaite intelligence aurait dû naître du seul amour de la patrie, et une funeste division jette l’alarme dans tous les esprits. Je veux le croire, et j’aime à le penser, les Français ne sont pas changés. Mais, pour éviter de faire à aucuu de vous des reproches, je considère que le renouvellement des Etats généraux après un si long terme, l’agitation qui l’a précédé, le but de cette convocation, si différent, de celui qui rassemblait vos ancêties, les restrictions dans les pouvoirs, et plusieurs autres circonstances, ont dû nécessairement amener des oppositions, des débats et des prétentions exagérées.

Je dois au bien commun de mon royaume, je me dois à moi-même de faire cesser ces funestes divisions. C’est dans cette résolution, Messieurs, que je vous rassemble de nouveau autour de moi ; c’est comme le père commun de tous mes sujets, c’est comme le défenseur des lois de mon royaume, que je viens en retracer le véritable esprit, et réprimer les atteintes qui ont pu y être portées.

Mais, Messieurs, après avoir établi clairement les droits respectifs des différents ordres, j’attends du zèle pour la patrie, des deux premiers ordres, j’attends de leur attachement pour ma personne, j’attends de la connaissance qu’ils ont des maux urgents de l’Etat, que dans les affaires qui regardent le bien général, ils seront les premiers à proposer une réunion d’avis et de sentiments que je regarde comme nécessaire dans la crise actuelle, qui doit opérer le salut de l’Etat.

Un des secrétaires d’Etat lit ensuite la déclaration suivante :

Déclaration du Roi, concernant la présente tenue des Etats généraux.

Art. î« r . Le Roi veut que l’ancienne distinction des trois ordres de l’Etat soit conservée en son

entier, comme essentiellement liée à la constitution de son royaume ; que les députés librement élus par chacun des trois ordres, formant trois Chambres, délibérant par ordre, et pouvant, avec l’approbation du souverain, convenir de délibérer en commun, puissent seuls être considérés comme formant le corps des représentants de la nation. En conséquence, le Roi a déclaré nulles les délibérations prises par les députés de l’ordre du tiers-état, le 17 de ce mois, ainsi que celle qui auraient pu s’ensuivre, comme illégales et inconstitutionnelles.

Art. 2. Sa Majesté déclare valides tous les pouvoirs vérifiés ou à vérifier dans chaque Chambre, sur lesquels il ne s’est point élevé ou ne s’élèvera point de contestation ; ordonne Sa Majesté qu’il en sera donné communication respective entre les ordres.

Quant aux pouvoirs qui pourraient être contestés dans chaque ordre, et sur lesquels les parties intéressées se pourvoiraient, il y sera statué, pour la présente tenue des Etats généraux seulement, ainsi qu’il sera ci-après ordonné.

Art. 3. Le Roi casse et annule, comme anticonstitutionnelles, contraires aux lettres de convocation et opposées à l’intérêt de l’Etat, les restrictions des pouvoirs qui, en gênant la liberté des députés aux Etats généraux, les empêcheraient d’adopter les formes de délibération prises séparément par ordre ou en commun, par le vœu distinct des trois ordres.

Art. 4. Si, contre les intentions du Roi, quelques-uns des députés avaient fait le serment téméraire de ne point s’écarter d’une forme de délibération quelconque, Sa Majesté laisse à leur conscience de considérer si les dispositions qu’elle va régler s’écartent de la lettre ou de l’esprit de l’engagement qu’ils auront pris.

Art. 5. Le Roi permet aux députés qui se croiront gênés par leurs mandats de demander à leurs commettants un nouveau pouvoir ; mais Sa Majesté leur enjoint de rester, en attendant, aux Etats généraux pour assister à toutes les délibérations sur les affaires pressantes de l’Etat et y donner un avis consultatif.

Art. 6. Sa Majesté déclare que, dans les tenues suivantes d’Etats généraux, elle ne souffrira pas que les cahiers ou mandats puissent être jamais considérés comme impératifs ; ils ne doivent être que de simples instructions confiées à la conscience et à la libre opinion des députés dont on aura fait choix.

Art. 7. Sa Majesté ayant exhorté, pour le salut de l’Etat, les trois ordres à se réunir pendant cette tenue d’Etat seulement, pour délibérer en commun sur les affaires d’une utilité générale, veut faire connaître ses intentions sur la manière dont il pourra y être procédé.

Art. 8. Seront nommément exceptées des affaires qui pourront être traitées en commun, celles qui regardent les droits antiques et constitutionnels des trois ordres, la forme de constitution à donner aux prochains Etats généraux, les propriétés féodales et seigneuriales, les droits utiles et les prérogatives honorifiques des deux premiers ordres.

Art. 9. Le consentement particulier du clergé sera nécessaire pour toutes les dispositions qui pourraient intéresser la religion, la discipline ecclésiastique, le régime des ordres et corps séculiers et réguliers.

Art. 10. Les délibérations à prendre par les trois ordres réunis sur les pouvoirs contestés et sur lesquelles les parties intéressées se pour-