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ments de noblesse qui ne sont pas dans la seconde ; mais dans celle-ci il y a la sensibilité qui manque à la première. Pour réunir tout ce que chacune a de plus intéressant, je propose de les refondre en une seule.

L’Assemblée adopte l’opinion de M. Target et s’en rapporte aux commissaires sur la rédaction de l’adresse.

La séance est levée.

Nota. — 11 n’y a pas eu de séance le 18 parce que les députés ont assisté à la procession du Saint-Sacrement.

ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du vendredi 19 juin 1789.

CLERGÉ.

Après six jours de délibération, il est enfin arrêté de recueillir les voix sur le parti que l’ordre du clergé doit prendre.

Vérifiera-t-on les pouvoirs en commun dans la salle générale, ou bien les vérifiera-t-on séparément ?

Telle est la question qui est proposée d’abord, 

et qui paraît, à une grande partie des membres, devoir être la seule qui puisse être admise. .

M- de Juigné, archevêque de Paris, avance que la matière sur laquelle on discute depuis huit jours n’est plus la même ; que la constitution de MM. des communes en Chambre nationale a absolument changé l’état de la question, et propose :

1° De vérifier les pouvoirs dans la Chambre du clergé, et de se constituer en Chambre active ;

2° De persévérer dans l’adhésion pure et simple au plan conciliatoire proposé par les commissaires du Roi ;

3° De communiquer la présente délibération aux ordres du tiers et de la noblesse ;

4° D’envoyer une députation au Roi pour le supplier de s’occuper, dans sa sagesse, des moyens d’établir une correspondance entre les trois ordres des Etats généraux.

Une partie de la Chambre refuse d’admettre une motion aussi compliquée, et représente qu’on ne doit délibérer que sur la question qui a été discutée.

M. Dccoulmiers, abbé d’Abbecourt (1), émet l’opinion suivante :

Messeigneurs et Messieurs, j’ose vous prier de me permettre quelques courtes réflexions sur l’objet de la présente délibération, quoiqu’elle ait été discutée avec autant de force que de lumière pour et contre.

En l’examinant avec toute l’impartialité d’un citoyen qui n’a rien à désirer, comblé des bienfaits du Roi, animé par la plus vive reconnaissance, prêt à sacrifier non-seulement sa fortune, mais même mille vies, si je les avais, pour le bonheur de mon Roi, le salut de ma patrie ; mon âme incertaine, égarée, voyant de tous côtés des abîmes, des précipices, le flambeau de la guerre

(1) Le discours de M. Decoulmiers n’a pas été inséré au Moniteur.

civile allumé, cherche à choisir le moindre de nos malheurs,

Il faut néanmoins se décider ; le danger augmente par notre incertitude : gémir sur le temps passé, vains regrets !

Quand j’examine la dernière lettre du Roi à MM. du tiers -état, j’y vois bien qu’il semble invoquer les formes anciennes , il s’exprime ainsi :

« Je ne refuserai jamais aucun des présidents des trois ordres.

« Je désapprouve l’expression répétée de classes privilégiées que le tiers-état emploie pour désigner les dpux premiers ordres.

« Le bien ne peut être effectué que par le concours des trois ordres qui composent les Etats généraux. »

Ces différents extraits, Messeigneurs et Messieurs, de la lettre du Roi à MM. du tiers-état, semblent présumer que son intention est qu’il y ait une Chambre du clergé, une Chambre de la noblesse et une Chambre du tiers-état.

Quand, d’un autre côté, j’examine les termes et la forme adoptée par MM. du tiers- état pour se constituer, l’arrêté qu’il sont fait aussitôt après, j’y vois avec la plus vive douleur qu’ils s’expriment ainsi :

V Assemblée nationale entend et décrète ; plus loin, j’y trouve ces mots : elle ordonne que ses décrets soient imprimés et répandus dans les prO’ vinccs. Le Roi, néanmoins, Messeigneurs et Messieurs, garde le silence et ne s’explique pas.

Je gémis ; mon cœur serré par la douleur ne vous dénonce pas ces expressions pour les censurer ; ce parti ne serait peut-êire pas prudent ; je crois, au contraire, que si nous rompons le silence, ce ne doit être que pour employer les armes victorieuses de votre éloquence en faveur delà religion et du respect que nous devons tous au meilleur des rois.

En effet, dans quelles circonstances plus pressantes sauriez-vous les employer, Messeigneurs et Messieurs, ces armes respectables, si ce n’est dans le moment où il s’agit de rétablir le calme dans les esprits et sauver notre commune patrie ? Cherchons à nous persuader et croyons que les intentions de nos concitoyens sont pures ; alors n’est-il pas de notre devoir de tout sacrifier ? privilèges pécuniaires, même nos droits honorifiques, nos prérogatives, oui, nous devons tout abandonner pour voler parmi nos frères.

Vos exemples de vertu, de modération, contribueront sans doute au bien général. Nous avons à traiter avec des citoyens vertueux : ils sont Français, et c’est tout dire : ils aiment la religion, ils en respecteront les ministres. Recherchons nos frères, n’ayons d’autre considération enfin que l’amour de la patrie et le service du Roi. Je ne blâme personne, à Dieu ne plaise ; mais, Messeigneurs et Messieurs, dans la chaleur et la longueur de nos discussions, notre zèle même a pu être mal interprété, on a pu nous prêter des vues suspectes ; justifions la pureté de nos intentions à la face de toute 1 Europe ; rendons vains les efforts de nos ennemis, qui le sont de la religion.

Dans des circonstances moins pressantes, je voterais pour que nos pouvoirs fussent vérifiés dans cette Chambre, suivant le plan de conciliation proposé par Sa Majesté et que nous avons adopté purement et simplement.

Mais je pense et je crois dans ce moment que l’amour de la patrie, le service même du Roi, le bien et le salut de la religion de l’Etat, sont des