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tend et décrète que toute levée d’impôts et contributions de toute nature qui n’auraient pas été nommément, formellement et librement accordée )ar l’Assemblée, cessera entièrement dans toutes es provinces du royaume, quelle que soit la forme de l’administration.

« L’Assemblée s’empresse de déclarer qu’aussitôt qu’elle aura, de concert avec Sa Majesté, fixé les principes de la régénération nationale, elle s’occupera de l’examen et de la consolidation de la dette publique ; mettant dès à présent les créanciers de l’Etat sous la garde de l’honneur et de la loyauté de la nation française.

« Enfin, l’Assemblée, devenue active, reconnaît aussi qu’elle doit ses premiers moments à l’examen des causes qui produisent dans les provinces du royaume la disette qui les afflige, et à la recherche des moyens qui peuvent y remédier de la manière la plus efficace et la plus prompte. En conséquence, elle a arrêté de nommer un comité pour s’occuper de cet important objet, et que Sa Majesté sera suppliée de faire remettre à ce comité tous les renseignements dont il pourrait avoir besoin.

La présente délibération sera imprimée et envoyée dans toutes les provinces.

M. Camus, l’un des secrétaires, est chargé de se transporter à Paris pour faire imprimer chez M. Baudouin les deux actes importants par lesquels l’Assemblée établit ses droits et en commence l’exercice.

La séance est levée à cinq heures, et remise au soir.

Séance du soir.

M . le garde des sceaux avait, dans la matinée, fait prier M. Bailly de se rendre à la chancellerie pour y recevoir une lettre du Roi.

L’Assemblée ne permet pas à M. Bailly de s’absenter,

M. Bailly ne peut se rendre à la chancellerie qu’à cinq heures pour y prendre la lettre du Roi. il en fait lecture à l’ouverture de cette séance.

Voici son contenu :

« Je ne refuserai jamais, Monsieur, de recevoir aucun des présidents des trois ordres lorsqu’ils seront chargés d’une mission auprès de moi, et qu’ils m’auront demandé, par l’organe usité de mon garde des sceaux, le moment que je veux leur indiquer. Je désapprouve l’expression répétée de classes privilégiées que le tiersétat emploie pour désigner les deux premiers ordres : ces expressions inusitées ne sont propres qu’à entretenir un esprit de division absolument contraire à l’avancement du bien de l’Etat, puisque ce bien ne peut être effectué que par le concours des trois ordres qui composent les Etats généraux, soit qu’ils délibèrent séparément, soit qu’ils le fassent en commun. ’

« La réserve que l’ordre de la noblesse avait mise dans son acquiescement à l’ouverture faite de ma part ne devait pas empêcher l’ordre du tiers de me donner un témoignage de déférence. L’exemple du clergé, suivi par celui du tiers, aurait déterminé sans doute l’ordie de la noblesse à se désister de sa modification. Je suis persuadé que, plus l’ordre du tiers-état me donnera de marques de confiance et d’attachement,

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et mieux leurs démarches représenteront les sentiments d’un peuple que j’aime et dont je ferai mon bonheur d’être aimé.

« Signé LOUIS. « A Marly, ce 16 juin. »

Au dos est écrit : A M. Bailly, doyen de l’ordre du tiers-état.

Apres la lecture de cette lettre, l’on s’occupe de la nomination des commissaires pour la rédaction de l’adresse au Roi arrêtée le malin. Le choix en est déféré au bureau qui nomme les anciens commissaires conciliateurs pour la rédiger. En conséquence, MM. Chapelier, Bergasse et Barnave sont chargés de faire l’adresse projetée.

MM. Chapelier et Bergasse se réunissent pour rédiger l’adresse, et M. Barnave en fait une seconde de son côté.

Un de Messieurs a observé à l’Assemblée qu’il s’était glissé une faute dans la rédaction de la motion qui a été adoptée, et qu’on y avait laissé mal à propos une phrase inutile, commençant par ces mois : nulle autre Chambre de députés, etc. Il a demandé que cette phrase fût retranchée de la rédaction de la délibération prise ce matin ; ce qui a été ainsi arrêté par l’Assemblée.

M. Guillotin. L’air pesant et pestilentiel exhalé du corps de plus de trois mille personnes concentrées dans la salle produira infailliblement un effet funeste sur tous les députés. Je crois qu’il convient à l’Assemblée de donner ses ordres pour faire faire des ouvertures suffisantes au renouvellement de l’air. J’observe de plus que la distribution des bancs est insalubre ; que chacun étant resserré derrière son voisin, à peine peut-il respirer ; l’air reste intercepté. Remarquez encore que les banquettes actuellement existantes sont des sièges très-incommodes pour des séances de douze et quatorze heures, comme celle d’aujourd’hui. Je crois donc qu’il est nécessaire d’y faire mettre des dossiers.

L’Assemblée adopte avec empressement les réflexions de M. Guillotin, et elle le charge de présider à tous les changements nécessaires à la conslruction de la salle et à la distribution des banquettes.

MM. Chapelier et Bergasse reviennent dans l’Assemblée ; ils lisent l’adresse qu’ils ont rédigée ensemble ; elle est entendue avec de grands applaudissements.

M. Barnave lit celle qu’il a faite ; elle est accueillie avec les mêmes sentiments que la première.

M. Bailly propose de refondre ces deux adresses en une seule.

Les députés qui préfèrent la première s’y opposent ; les partisans de la seconde veulentque Ion n’y change rien.

M. Barnave. Je n’ai osé lire cette adresse que parce que plusieurs députés qui l’ont approuvée me l’ont conseillé. Je sens toute la supériorité de la première. C’est moins par amour-propre que je me suis exoosé à faire lecture de la mienne que par déférence. Je retire mon projet d’adresse.

M. Targel. Il y a dans la première des senti-

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