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assez respecté en France, parce qn’il est obscurci, couvert de la rouille du préjugé ; parce qu’il nous présente une idée dont l’orgueil s’alarme et dont la vanité se révolte, parce qu’il est prononcé avec mépris dans les Chambres des aristocrates, c’e-tpour cela même, Messieurs, que je voudrais, c’est pour cela même que nous devons nous imposer non-seulement de le relever, mais de l’ennoblir, de le rendre désormais respectable aux ministres et cher à tous les cœurs.

Si ce nom n’était pas le nôtre, il faudrait le choisir entre tous, l’envisager comme la plus précieuse occasion de servir ce peuple qui existe, ce peuple qui est tout, ce peuple que nous représentons, dont nous défendons les droits, de qui nous avons reçu les nôtres et dont on semble rougir que nous empruntions notre dénomination et nos titres. Ah ! si le choix de ce nom rendait au peuple abattu de la fermeté, du courage... mon âme s’élève en contemplant dans l’avenir les heureuses suites quece nompeut avoir ! Le peuple ne verra plus que nous, et nous ne verrons plus que le peuple ; notre titre nous rappellera et nos devoirs et nos forces. A l’abri d’un nom qui n’effarouche point, qui n’alarme point, nous jetons un germe, nous le cultiverons, nous en écarterons les ombres funestes qui voudraient l’étouffer ; nous le protégerons ; nos derniers descendants seront assis sous l’ombrage bienfaisant de ses branches immenses.

Représentants du peuple, daignez me répondre ; irez-vous dire à vos commettants que vous avez repoussé ce nom de peuple ? que si vous n’avez pas rougi d’eux, vous avez pourtant cherché à éluder cette dénomination qui ne vous parait pas assez brillante ? qu’il vous faut un titre plus fastueux que celui qu’ils vous ont conféré ? Kh ! ne voyez-vous pas que le nom de représentants du peuple vous est nécessaire parce qu’il vous attache le peuple, cette masse imposante sans laquelle vous ne seriez que des individus, de faibles roseaux que l’on briserait un à un ? Ne voyez-vous pas qu’il vous faut le nom de peuple, parce qu’il donne à connaître au peuple que nous avons lié notre sort au sien, ce qui lui apprendra à reposer sur nous toutes ses pensées, toutes ses espérances.

Plus habiles que nous, les héros bataves qui fondèrent la liberté de leur pays prirent le nom de gueux ; ils ne voulurent que ce titre, parce que le mépris de leurs tyrans avait prétendu les en flétrir ; et ce titre, en leur attachant cette classe immense que l’aristocratie et le despotisme avilissaient, fut à la fois leur force, leur gloire et le gage de leur succès. Les amis de la liberté se choisissent le nom qui les sert le mieux, et non celui qui les flatte le plus ; ils s’appelleront les remontrants en Amérique, les pâtres en Suisse, les gueux dans les Pays-Bas ; ils se pareront des injures de leurs ennemis ; ils leur ôteront le pouvoir de les humilier avec des expressions dont ils auront su s’honorer.

La dernière partie du discours de M. de Mirabeau excite beaucoup de murmures. Au milieu du tumulte et des plaintes. M. de Mirabeau s’écrie : Si ce morceau de mon discours est coupable, je ne crains pas de l’avouer, je le laisse, signé de ma main, sur le bureau.

Lorsque le tumulte est apaisé, on crie de toutes parts : Aux voix ! aux voix !

M. Legrand demande à relire son projet d’arrêté. Il obtient du silence avec peine.

M. Galand demande la parole ; chacun se récrie, s’impatiente, tout le monde veut aller aux voix : il persiste cependant ; quelques-uns veulent l’entendre, et il est écouté.

Voici l’extrait du discours de M. Galand :

Je demande qu’on se constitue en Assemblée légitime et active des représentants de la nation française. La nation est une, indivisible ; le clergé n’est qu’une corporation stipendiaire de la nation pour la servir au pied des autels ; la noblesse est une corporation de gens illustrés.

A peine a-t-il achevé qu’il reçoit les applaudissements les plus vifs.

M. l’abbé Sieyès demande de nouveau la parole ; il annonce un très-grand changement dans sa motion. H propose de substituer à la dénomination de représentants connus et vérifiés le titre d’Assemblée nationale.

Cette motion, ainsi changée, paraît à quelques membres exiger une nouvelle discussion. Les autres veulent délibérer sur-le-champ.

On va aux voix pour savoir si on discutera, ou si on délibérera.

La majorité est pour le dernier parti.

Plusieurs membres se retirent. D’autres veulent opiner sans désemparer. La majorité se déclare pour ce parti.

Les débats se prolongent jusqu’à minuit.

M. de Biauzat. Messieurs, nous allons nous constituer. Un acte aussi important et aussi solennel doit être fait en plein jour, avec tous les membres, en présence de la nation. Mes sentiments vous sont connus, je déclare que je vote pour qu’on se constitue en Assemblée nationale, non pas dans le moment actuel, mais demain je le signerai de mon sang.

Cette observation détermine l’Assemblée à se réparer et remettre la décision à demain.

La séance est levée.

ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du merdredi 17 juin 1789.

CLERGÉ.

La discussion sur la question relative à la réunion est continuée.

M. de Bolsgelin, archevêque d’Aix, soutient, dans un discours fort étendu, la distinction des ordres.

M. de Lubersac, évêque de Chartres, qui a parlé la veille pour demander la vérification des pouvoirs en commun, veut répondre.

La parole lui est refusée, pour l’accorder à M. l’abbé Villeneuve de Bargemont.

M. l’archevêque d’Arles, qui lui succède, demande l’impression du discours de M. l’archevêque d’Aix :

Une députation de l’ordre de la noblesse communique un arrêté de cet ordre relatif aux députations du bailliage d’Auxerre et du Dauphiné.

NOBLESSE.

La Chambre se partage en plusieurs bureaux