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îir l’unanimité dans tous les représentants de nation ; espérons-la toujours, et gardons-nous le calomnier les intentions de ceux qui hésitent. Vous gémissez sur les maux qui aflligent vos pasteurs : oubliez leurs intérêts, Messieurs, oubliez-les pour un moment. De plus grands désastres appellent votre attention : oubliez-les pour toujours s’il le faut ; c’est le soulagement, c’est le bonheur de nos paroissiens que nous vous demandons avant tout, et à quelque prix que ce soit.

M. Laurent a remis sespouvoirs sur le bureau, et a pris séance sur les bancs du clergé.

MM. le duc du Ghâtelet, le vicomte de Noailles, le marquis de Digoine, des Fossés, le prince de Broglie, et le comte de la Marck, députés des membres de la noblesse, se sont présentés, et ont été reçus en la forme ordinaire. Ils ont pris place sur les bancs de la noblesse, et ont communiqué un arrêté des députés de leur ordre, qu’ils ont remis sur le bureau après en avoir fait lecture.

Teneur de cet arrêté :

« An été que Tordre de la noblesse nommera des commissaires à l’effet de se concerter avec ceux des autres ordres, pour aviser aux propositions qui luiont été faites par l’ordre du clergé, et examiner les moyens de remédier à la cherté des grains et à la misère publique. Signé : Montmorency-Luxembourg, Bouthillier. »

M. le Doyen a répondu : Messieurs, vous nous voyez occupés de l’exécution de la délibérationdont nous avons eu l’honneur de vousdonner connaissance vendredi dernier. Quand nous serons constitués, nous nous occuperons sans relâche d’un objet aussi pressant.

MM. Glerget, curé d’Onan ; Longpré, chanoine deChamplitte ; Rousselot, curédeThiennaut, tous trois députés du clergé du bailliage d’Amont en Franche-Comté ; Jouberl, curé de Saint-Martin, député du clergé du bailliage d’Angoulême ; et Lucas, recteur de Minitri, député du clergé du diocèse de Tréguier, sont entrés, et ont pris séance sur les bancs de MM. du clergé.

M. Joubert a dit : Messieurs, pénétrés de la grandeur de notre caractère, connaissant toute l’étendue des obligations qu’il nous impose, nous n’avions pas besoin d’être entraînés par l’exemple de ceux de nos confrères qui nousont précédés dans la noble carrière du patriotisme. Intimement persuadés que la force de la raison, la solidité des principes, et surtout l’intérêt de la nation, exigeaient que la vérification des pouvoirs fût faite en commun, soyez persuadés, Messieurs, que l’espèce de délai que nous avons apporté à notre démarche a été le sacrifice te plus douloureux à notre cœur, et n’a été motivé que par l’espérance de réunir à notre opinion tous ceux que nous avons vus avec une amère douleur, faire les plus grands efforts pour consacrer d’iniques usages qui perpétueraient les abus que nous sommes venus détruire. Pressés par les mouvements de notre conscience, altérés du bonheur public, effrayés des funestes conséquences que produiraient infailliblement les irrésolutions perpétuelles de la Chambre du clergé , honorés, ainsi que vous, Messieurs, du titre glorieux de députés de la nation française à ses Etats généraux, nous vous apportons nos titres, nous soumettons nos pouvoirs à votre vérification, en vous priant de nous donner également connaissance des vôtres, et d’être intimement convaincus que notre seule

ambition, le désir le plus cher à notre cœur, est de coopérer efficacement avec vous au grand œuvre de la félicité de la nation.

M. Longpré a dit (1) : Nous venons enfin, Messieurs, rendus à nos vœux les plus chers, paraître au milieu des représentants de la nation, y produire le titre honorable qui nous associe à leur travail et à leur zèle, et reconnaître ceux à qui elle a confié ses plus grands intérêts, l’ouvrage immortel de son bonheur.

Nous aurions peut-être dû, Messieurs, donner plus tôt l’essor au patriotisme qui nous anime, nous hâter de le confondre avec celui de nos concitoyens ; sûrs de trouver parmi eux la lumière et des guides, cet attrait puissant devait doubler notre ardeur. Notre empressement plus tardif n’en était moins réel ; dans les premiers, il a été un sentiment ardent qui n’a pu se contenir et se défendre. Celui qui, mesurant sa marche, a cherché à se communiquer et à se répandre ; celui qui a combiné ses forces pour mieux en assurer l’effet ; celui qui regrettant, dans les liens de la confraternité, de ne pouvoir entraîner avec lui tous les esprits et tous les cœurs, n’est pas moins digne de vous être offert.

M. Lucas a pareillement fait un discours, mais il ne l’a pas déposé.

MM. Clerget, Longpré, Uousselot, Joubert et Lucas ont remis leurs pouvoirs sur le bureau.

La discussion sur la question du mode de constitution est reprise.

M. llounicr donne de nouveaux développements à sa motion, et combat les réponses de M. l’abbé Sieyôs. Vous vous constituerez, dit-il, Assemblée composée de la majorité en l’absence de la minorité. Depuis que les hommes délibèrent, ils doivent céder, obéir à la majorité, nonobstant les refus, les oppositions de la minorité : or, par le titre de cette constitution, vous auriez incontestablement le droit de tout faire, de tout décider, puisque vous êtes la majorité ; et ce droit ne dérivera pas de celle de M. l’abbé Sieyès.

Il est encore une autre argument, c’est que vous seriez forcés d’abandonner le titre qu’il vous présente, puisqu’il ne vous appartiendra pas à vous seuls, puisque les autres Chambres se disent vérifiées, et que vous leur laissez le droit de le dire.

M. le comte de Mirabeau. Messieurs, la manière dont un des honorables membres a parlé, je ne dirai pas contre ma motion, elle reste entière, mais contre la dénomination que j’ai choisie pour nous constituer représentants du peuple français ; l’approbation qu’ont donnée aux objections plusieurs de ceux qui ont parlé après l’honorable membre, m’ont causé, je l’avoue, une extrême surprise. Je croyais avoir énoncé clairement mon opinion touchant la séparation des ordres, et l’on m’accuse d’avoir favorisé la séparation des ordres. Je croyais avoir présenté une série de résolutions qui montraient les droits et la dignité du peuple ; et l’on m’apprend que ce mot de peuple a une acception basse, qu’on pourrait nous adapter exclusivement. Je me suis peu inquiété de la signification des mots dans la langue absurde du préjugé ; je parlais

(1) Le discours de M. Longpré n’a pas été inséré au Moniteur.