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ces peuples célébra que M. de Mirabeau avait cités ; que l’on disait le peuple athénien, le peuple anglais mais que l’on n’avait jamais dit le peuple assyrien lorsqu’il obéissait à des satrapes ; que, quant au droit de veto, d’après les raisons de M. Camus, il paraissait inutile de demander la sanction royale, dont le défaut, quoiqu’on dise M. de Mirabeau, n’amènerait pas le despotisme ; que ses alarmes et ses craintes sur l’anarchie, dont il menaçait la nation, ne seraient pas l’effet de l’autorité législative résidant dans la nation ; que, loin de retomber dans le despotisme, on tomberait plutôt dans les malheurs de la guerre civile ; que ce serait alors que la nation en aurait l’honneur ; que ce serait alors que M. le comte de Mirabeau, qui, descendant du rang où la naissance l’avait placé, n’a pas craint de descendre au milieu delà nation pour défendre ses intérêts, ne balancerait sans doute pas de se montrera sa tête pour la protéger de son courage, et opposer sa poitrine aux coups qu’on voudrait lui porter.

Plusieurs personnes discutent encore les trois motions principales. Un jeune homme, appelé M. Robert, parle avec une éloquence rare, une précision au-dessus de son âge.

On demande de toutes parts à aller aux voix.

M. Legrand demande la parole. On la lui refuse pendant longtemps. Il annonce une motion tout à fait différente, des idées nouvelles, et il obtient la parole.

M. Lcgrand, député duBerry (1). L’Assemblée considérant :

1° Que la dénomination d’Etats généraux du royaume est corrélative entre Jes trois ordres de citoyens qui sont appelés à représenter la nation ; que cetle dénomination n’est pas applicable à la circonstance présente, tant que la plus grande partie des membres qui représentent le clergé et la noblesse ne se réuniront pas aux autres députés pour y faire connaître leur qualité par la vérification commune dans leurs pouvoirs ;

2° Que ces deux classes privilégiées ne sont pas la nation, usais dans la nation ;

3° Que la nation en admettant dans son sein des classes distinctes de citoyens, n’a jamais pu consentir que l’absence des représentants de ces classes l’empocherait elle-même de se constituer dans ses représentants. Que si cela était, il s’ensuivrait qu’un peuple, composé de vingt-quatre millions d’individus, cesserait d’être un corps politique et national, ne pourrait se constituer, parce que les députés de trois ou quatre cent mille hommes de la na ion s’opposeraient à sa constitution et à sa représentation légale ;

4o Qu’une telle maxime, que l’abus du pouvoir des grands a établie dans les gouvernements aristocratiques, est absolument contraire au gouvernement monarchique ; ce serait une autorité élevée contre le Roi et la nation, ce serait détruire les principes de la monarchie, que l’Assemblée soutiendra toujours dans toute leur intégrité ;

5° Que l’Assemblée reconnaît que les députés des ordres privilégiés ont le droit, comme représentant une partie des citoyens, d’assister et d’être membres de l’Assemblée générale des représentants de la nation, mais qu’ils n’ont pas celui de s’arroger à eux seuls cetle qualité, en vérifiant leurs pouvoirs en particulier, qu’ils ont encore

(1) La motion de M. Legrand n’a pas été insérée au Moniteur.

moins celui de détruire et d’anéantir l’Assemblée des représentants de la nation, en refusant de s’y réunir ;

A arrêté de se constituer en Assemblée nationale ;

A arrêté en outre que les députés, de quelque ordre qu’ils soient, qui n’auront pas encore fait vérifier leurs pouvoirs dans la salle commune, seront toujours admis à le faire et à prendre ensuite part aux délibérations. Klle a arrêté qu’elle ne reconnaîtra dans les députés non vérifiés dans son sein, aucun droit ni qualité, même partielle, de représentants de la nation. Enfin elle a déclaré qu’elle ne pourra être arrêtée dans ses délibérations par aucun droit de veto, que nul ordre de représentants de la nation ne peut opposer à ses co -représentants et qui serait destructif de l’indivisibilité d’une Assemblée nationale.

Cette motion est suivie de vifs applaudissements.

M. Pison du Galland présente une autre motion en ces termes (1) :

Les députés du clergé et des communes de France, dont les pouvoirs ont été reconnus légitimes dans les séances de la présente Assemblée des 13 et 14 de ce mois et autres jours suivants, constituent dès à présent, l’assemblée active et

LÉGITIME DES REPRÉSENTANTS DE LA NATION FRAN-ÇAISE ; mais elle se fait une loi de déclarer qu’une partie du clergé et de la noblesse ont été vainement invités à se réunir à cette Assemblée, pour concourir à la régénération de l’État ; qu’elle ne reconnaîtra jamais d’empêchement ou veto de leur part, entre elle et son souverain, et qu’elle ne cessera de les inviter et de les attendre, sans néanmoins qu’aucun retard ou refus puisse mettre obstacle à l’activité nécessaire au besoin de l’Etat et à l’établissement de la félicité publique.

M, Bailly, doyen, propose de délibérer ; les uns le veulent, les autres prétendent qu’il faut continuer la discussion.

La séance est levée à 2 heures et remise à 5 heures du soir.

Séance du soir. M. le Doyen a ouvert la séance a 5 heures.

M.Laurent, curé d’Huillaux (2), député du clergé du Bourbonnais, est entré, et a dit : Messieurs, quarante-deux jours se sont écoulés en vœux inutiles : et nous venons vous assurer qu’aucun de ces jours précieux n’a fini sans que nous en ayons amèrement regretté la perte ; et le lendemain nous a constamment trouvés plus affermis dans la résolution de nous unir à vous , Messieurs, pour opérer le bien commun. La contradiction, les longues discussions de ce projet nous en ont de plus en plus fait connaître la sagesse, Hàtons-nous donc de porter des mains secourables à ce grand édifice, qui s’écroule de toutes parts ; réparons, par une plus grande activité, nos premières lenteurs et le malheur de n’avoir pu ob-

(1) La motion de M. Pison du Galand n’a pas été insérée au Moniteur.

(2) Le discours do M. Laurent n’a pas été inséré au Moniteur. *