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et examiner les moyens de remédier à la cherté des grains et à la misère publique. »

On nomme ensuite deux députations pour communiquer cet arrêté aux deux autres ordres.

La séance est levée.

COMMUNES.

Séance du matin.

M. le Doyen ayant ouvert la séance, a proposé de faire une visite de condoléance, au nom de l’Assemblée, à la veuve de M. Liquier, député, à l’inhumation duquel plusieurs membres ont assisté. L’Assemblée l’a approuvé.

M. Bertereau, curé de Teille (1), député du clergé de la sénéchaussée du Maine, est entré, et a dit : Messieurs, le second député du clergé de la sénéchaussée du Maine, intimement persuadé que l’ordre des communes de France est fondé à demander une vérification commune et respective des pouvoirs entre les trois ordres, s’empresse de vous présenter les siens. La justice, son inclination naturelle lui prescrivent également cette démarche. Citoyen avant que d’être promu au sacerdoce, il n’a point cessé de l’être, ni oublié le rang auquel il doit sa naissance. Il n’a vu dans sa qualité de pasteur que des raisons multipliées de s’unir plus étroitement aux malheureux et à la classe si nécessaire des cultivateurs laborieux, victimes infortunées de la main cruelle du lise. Il ne se croit pas moins que vous, Messieurs, chargé de leurs plus chers intérêts ; et le désir le plus ardent de son cœur a été de pouvoir les soulager. Un monarque bienfaisant nous en procure l’occasion en nous rassemblant ici, Messieurs, pour tarir les sources diverses des malheurs publics. Vos procédés, conçus avec sagesse, conduits avec prudence, pesés’dans la balance de la plus sévère justice et soutenus avec fermeté, seront toujours étayés du suffrage de ma faible voix. Ce sont les sentiments et les dispositions sincères de mon cœur ; et je vous prie, Messieurs, de les consigner dans le procès-verbal de votre Assemblée.

M. Bertereau a remis ses pouvoirs sur le bureau, et a pris séance sur les bancs du clergé. L’Assemblée a chargé le bureau des adjoints d’en faire l’examen et le rapport.

MM. du bureau des adjoints, après avoir procédé à cet examen, ont dit , M. Enjubault de la Roche portant la parole, que les pouvoirs remis par M. Bertereau consistaient en un procès- verbal de prestation de serment relatif à son élection ; que ce procès-verbal était sans contradiction et paraissait régulier, mais qu’il n’apparaissait pas de procès-verbal d’élection.

L’Assemblée a statué que M. Bertereau rapporterait le procès-verbal de son élection dans quinzaine, et cependant qu’il prendrait séance provisoire. Le procès-verbal de sa prestation de serment lui a été rendu.

M. Henriot, député du bailliage de Langres, a remis ses pouvoirs, et ceux de M. Thevenot de Maroise, son collègue, qui s’est présenté.

La discussion commencée hier est reprise.

(1) Le Moniteur n’a reproduit qu’une partie du discoure de M. Bertereau.

M. l’abbé Sleyès prend la parole pour défendre et rétablir sa motion ; il s’attache particulièrement à réfuter le mode de constitution présenté par M. le comte de Mirabeau, et celui présenté par M. Mounier.

M. Camus. Que vous propose-t-on ? de vous constituer les représentants de la nation française légalement vérifiés. Et certes, n’est-ce pas là une vérité sensible et assez publique ? ha vérification en commun est un principe dont vous ne vous êtes jamais départis : cette vérification a été faite entre les membres des communes et une partie de ceux du clergé ; et qu’allez-vous donc publier maintenant par voire arrêté, ou plutôt par le titre de votre constitution ? Un simple fait, une vérité authentique. Vous êtes les seuls représentants vérifiés, et vous le publierez à la face de la nation. Maintenant pourquoi nous parler de la sanction du Roi, de son veto ? Son veto peut-il empêcher que le fait que nous énoncerons, que la vérité que nous publierons ne soit toujours une et toujours immuable ? Son veto peut-il empêcher que nous sovons ce que nous sommes et ce que nous devons" être ? La sanction royale ne peut changer l’ordre des choses, altérer leur nature. Nous sommes les représentants vérifiés de la nation ; le Roi ne peut faire que nous ne le soyons pas : il peut nous forcer à ne point exercer les droits que nous donne ce titre ; mais ce titre, il ne peut nous l’enlever.

Il ne me reste plus qu’une objection à faire. Avec quel étonnement ai-je entendu prononcer, hier matin, parmi nous, le mot d’emprunt ! Quoi 1 nous ne sommes rien encore, et nous commencerions le bien que chacun de nous se vante de faire par consentir un impôt, par violer le serment que nods avons tous juré de n’accorder aucun subside tant que la liberté, la propriété et la sûreté publique ne reposeront pas sur des bases immuables ! Nous ne sommes rien, ci nous priverions la nation des ressources que la Providence lui préparait pour secouer le joug du despotisme ! Nous ne sommes rien, et nous lui ferions tout le mal que ses plus cruels ennemis, les vainqueurs les plus barbares pourraient lui faire 1

Et quel est le motif de cet emprunt ? vous a-t-on dit : c’est de mettre le Roi de notre côté ; c’est de dissiper ces intrigues sourdes et secrètes dont les communes seraient incessamment victimes ; c’est, en un mot, de rendre notre cause plus favorable. Notre cause est juste, et nous avons pour nous le témoignage de notre conscience. Le Roi n’est pas moins juste ; et, comme la justice est une, il ne peut être contre elle. Mais il est obsédé, trompé ! s’écrie-t-on. tist-ce pour cela qu’il faut acheter la faveur ? Si, par un emprunt modique, vous cherchez à l’acquérir, la noblesse, le clergé, ligués ensemble, en consentiront un plus considérable pour mettre à leur tour le Roi de leur côté ; et cîst alors qu’ils vous diront que vous vous opposez à leur générosité, à leur désintéressement. Non, ne songeons pas a mettre la faveur du Roi à l’encan ; notre parti est celui de la raison et de l’équité, et honorons assez notre monarque pour croire que ce n’est pas à prix d’argent qu’on lui fait embrasser la défense de la justice. . * ; :

M***, procureur du Roi d un bailliage royal de Lorraine, parle ensuite. Il adopte la motion de M. l’abbé Sievès, il réfute celle de M. Mounier rejette celle de M. de Mirabeau, en disant qu il suffit que le mot peuple prête à l’équivoque pour qu’on le rejette ; que la France est encore loin de