Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/194

Cette page n’a pas encore été corrigée

Si je cherche maintenant ce que c’est qu’une loi, je trouve que c’est une in tention juste et utile exprimée par une volonté souveraine. Car ce qui est injuste peut bien être ordonné et exécuté par la force, mais n’aura jamais le caractère auguste de la loi.

D’après ces principes qui sont, je crois, incontestables, je demande ce que signifie le mode de constitution des représentants de la nation ? Quelle est la loi qui l’autorise ? Où est la volonté souveraine qui a exprimé cette intention juste et utile ? Sommes-nous seuls la puissance législative ? Pouvons-nous y suppléer ? La volonté générale vous y a-t-elle autorisés ? Vos constituants vous ont-ils enjoint de résoudre de cette manière la question qu’ils n’avaient pas même prévue , sur la vérification des pouvoirs ? ont-ils môme réclamé dans tous les bailliages, sur le refus des deux premiers ordres d’y procéder en commun ? Ce n’est pas que je ne regarde comme injuste, de la part du clergé et delà noblesse, de s’y refuser aujourd’hui.

J’ai déjà eu occasion de le dire, et je le répète maintenant : aucun motif, aucun fait historique ne pouvait détruire cette raison irrésistible qui n’avait jamais été alléguée dans les précédents Etats généraux. Si la vérification commune et réciproque n’a pas toujours eu lieu, c’est parce qu’il n’y apasde preuve qu’elle ait été réclamée ; mais la’réquisition d’une des parties contractantes suffit pour y obliger les autres.

Cependant, par ce refus obstiné des deux ordres, faut-il que tout périsse ? Et la priorité d’une injustice légitimerait-elle celle qui la suivrait ?


Si le clergé et la noblesse ne veulent point se lier envers vous, ne vous liez pas envers eux. Que leurs pouvoirs ignorés agissent sur l’ordre dans lequel ils veulent rester circonscrits. Ils en sont les représentants ; et vous l’êtes d’un peuple immense. Mais ils font partie de la nation ; ils sont sans doute connus des corps auxquels ils appartiennent ; et vous, les députés des communes, pourauoivous appelleriez-vous les seuls représentants e la nation ?

Les députés du clergé et de la noblesse vont nous demander qui nous a donné ce caractère d’authenticité et qui les en a privés ? Nous répondrons que nous avons sur eux l’avantage d’une intention juste et légale, d’une doctrine vraiment nationale. Mais, ajouteront-ils, il n’y a pas eu plus de vérification commune pour vous que pour nous ; et ce n’est pas de la formule de l’appel et de la forme matérielle de cette salle que vous tirez votre force. L’Assemblée qui a ordonné l’appel n’avait elle-même aucune juridiction sur les autres ordres ; et le lieu dans lequel s’est fait cet appel n’est pas exclusivement celui où peuvent se tenir les Etats généraux.

Il est vrai, Messieurs, que vous êtes plus essentiellement les représentants de la nation, que ne le sont les députés du clergé et de la noblesse ; car les premiers éléments de la force sociale et politique consistent dans le corps national qui nous a députés. C’est sous ce rapport que votre existence est grande, que votre influence doit l’être, et qu’elle est indépendante des prétentions négatives des deux autres ordres.

Mais au lieu de les anéantir, vous les mettez en action si vous allez au delà de vos pouvoirs. Or, je n’en connais point parmi nous qui nous permette d’adopter et de créer un mode absolument nouveau de constitution. Que disent en effet les pouvoirs les plus impératifs sur l’opi-

nion par tête ? de se retirer si l’on vote par ordre. Cette recommandation est très-différente de celle de s’établir les seuls représentants connus de la nation, qui ef t une attaque directe aux autres ordres. Cette attaque provoque dans l’instant une défense, une résistance, une scission ; et c’est là, Messieurs, le malheur que je désirerai toujours éviter.

Mous l’éviterons en restant ce que nous sommes, les représentants du peuple, ou de la majeure partie de la nation ; car l’une et l’autre désignation nous conviennent également. Je demande seulement qu’on prenne en considération les arrêtés proposes ; et j’adopte de préférence ceux qui donnent un plus grand développement à nos motifs.

Cette motion n’est pas goûtée par l’Assemblée.

Les débats augmentent de plus en plus.

Plusieurs membres veulent que la question soit décidée sans désemparer ; d’autres demandent d’ajouraer au lendemain.

M. le Doyen consulte l’Assemblée, et il est décidé que la question sera renvoyée à demain.

M. Dcsmazière fait, au nom de Messieurs du premier bureau, le rapport de l’examen des pouvoirs de MM. Besse, curé de Saint-Aubin ; Grégoire, curé d’Embermesnil, Dillon, curé du vieux-Pouzages ; Bodineau, curé de Saint-Bien heure de Vendôme ; Marolles , curé de Saint-Quentin. L’Assemblée prononçant sur ce rapport déclare les pouvoirs bons ; et les actes qui les constituent sont rendus à Messieurs les curés.

La séance est levée à dix heures passées.

ETATS GÉNÉRAUX. Séance du mardi 16 juin 1789.-

CLERGÉ.

On reprend la discussion sur la proposition de se réunir au tiers.

Les débats occupent toute la séance sans produire de résultats.

La discussion est interrompue par une députation de l’ordre de la noblesse, à la tête de laquelle est M. de Beaumetz, qui apporte l’arrêté pri3 aujourd’hui par cette Chambre sur les moyens de remédier à la cherté des grains.

NOBLESSE.

M. le Président dit qu’il a été mardi porter au Roi l’arrêté de la Chambre ; que Sa Majesté lui a répondu qu’elle le recevra, par égard pour la noblesse ; mais que l’usage est qu’on le lui fasse parvenir par le garde des sceaux.

Cette réponse excite des réclamations, et donue lieu à des réserves de la part d’un grand nombre de membres de l’Assemblée.

Dans la même séance, on prend en considération la proposition du clergé de s’occuper de la misère du peuple.

Voici ce qui est arrêté sur cet objet :

« Arrêté que l’ordre de la noblesse nommera des commissaires à l’effet de se concerter avec ceux des autres ordres pour aviser aux propositions qui lui ont été faites par l’ordre du clergé,