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ront présentés, el que Sa Majestée sera suppliée d’y donner sa sanction.

Je demande, de plus, qu’on députe vers le ministre des finances, pour lui faire connaître que l’Assemblée désire prendre connaissance de L’état actuel des finances, et qu’elle va voter un emprunt pour subvenir aux besoins de l’Etat.

Il s’élève de vifs débats sur celte motion : on combat surtout le projet d’un emprunt.

Nos cahiers, disent plusieurs membres, ne nous prescrivent pas une marche si rapide. Nos commettants nous ont envoyés pour corriger les vices de l’administration, pour éteindre les dettes de l’Etat, et non pour les augmenter par des emprunts. Donnons une constitution à la nation ; assurons les propriétés ; puis nous aviserons au moyen d’établir des impôts.

Toutes oes diverses motions sont vivement défendues de part et d’autre. Les débats se prolongeaient, lorsqu’on annonce une députation de la noblesse. Quatre membres sont envoyés au-devant d’elle, et elle est introduite : elle est composée de MM. de Bressey, le duc de Luynes, le marquis de Thiboutot, le baron de Flachsauden, le duc de Croï, le comte de Laglissonniôre.

Après avoir pris place sur leurs bancs, M. de Bressey, au nom de la députation, expose les motifs de"Ja démarche de lanohlesse, fait lecture de l’arrêté pris par Ja Chambre le 13 de ce mois, et en remet une copie.

(Voyez plus haut le texte de cet arrêté, séance de la noblesse du 13 juin.)

M . Bailly répond à la députation en ces termes :

Messieurs, vous nous voyez occupés de l’exécution de la délibération prise le 10 de ce mois, et que nous avons eu l’honneur de vous communiquer le 12- Nous espérons toujours que vous vous réunirez à nous pour y concourir.

La députation se retire ensuite, et elle est accompagnée par les mêmes membres qui l’ont introduite.

La séance est levée à deux heures.

Séance du soir.

M. le Doyen ouvrela séance à cinq heures et demie du soir.

M. Lavenue, l’un des députés de la sénéchaussée de Bazas, se présente et dit qu’il n’a pas répondu à l’appel fait le 13 parce qu’il était indisposé. 11 observe que ses pouvoirs sont contenus au même cahier que ceux de M. Saige, son codéputé, qui ont été vérifiés et trouvés bons. Il est admis à prendre séance.

On reprend la discussion sur la manière dont l’Assemblée se constituera.

Plusieurs membres proposent de décider la question sans désemparer, et de se constituer dans le jour.

M. Target. Messieurs, autant je crois que l’importance de la question que nous agitons mérite d’attention, autant je crois que toute lenteur serait dangereuse ; il faut décider avec prudence , mais avec célérité ; et ce n’est qu’avec effroi que j’arrive à la discussion.

Béduisons-nous à des idées simples et à nos principes ; surtout ne perdons jamais de vue la réunion des ordres, la votation par tête comman-

dée par nos cahiers, la raison et la justice, Ja crainte du veto qui pourrait paralyser les Etats.

Sans doute, il faut nous constituer, mais quand ? Aujourd’hui. De quelle manière ? Gomme M. l’abbé Sieyès nous l’a indiqué. Le mot peuple ne remplit pas notre idée. Signifie-t-il communes ? Alors ce n’est pas assez dire. Signifie-t-il la nation entière ? Ce serait trop dire. Choisissons donc le moyen qui, placé entre ces deux extrêmes, ne compromet ni nos droits ni nos principes.

Nous sommes les représentants connus de la nation , voilà ce que nous sommes ; et c’est avec cette qualité que nous sommes autorisés à discuter les droits de nos commettants. Je me bâterai de répondre à une objection qui nous a été faite ce matin.

11 faut compter les citoyens par les propriétés. Certes ce paradoxe est bien étrange ; la propriété du pnuvre est plus sacrée que l’opulence du riche ; il faut compter les têtes, et non pas les fortunes. Un système contraire serait destructif de tout droit national ; il éteindrait l’amour de la patrie et nourrirait l’égoïsme.

Je pense encore qu’il faut renvoyer au bureau l’examen de cette grande question, et dans deux heures se réunir ici pour prendre un parti, et achever cette opération.

M. Bergasse (1). Messieurs, j’adopte, presque dans tous ses points , la motion de M. l’abbé Sieyès. J’en eusse fait une à peu près semblable, s’il ne m’eût prévenu, et vous me permettrez de développer ici les motifs qui me portent à penser comme lui.

Il n’est aucun de nous qui ne sente que nous ne pouvons différer davantage de nous constituer.

Nous avons dû nous condamner à l’inaction dans laquelle nous avons vécu jusqu’à présent, tant que nous avons eu l’espoir de ramener dans la salle de l’Assemblée nationale, pour y délibérer en commun avec nous, les députés de la noblesse et les députés du clergé. Peut-être cet espoir n’est-il pas perdu sans retour, du moins faut-il toujours le conserver ; mais, quoi qu’il en soit, notre inaction, qui fut sage dans le principe, cesserait de l’être aujourd’hui, si nous pouvions y persister encore.

Le moment est donc arrivé où nous devons nous occuper des grands objets que la nation a soumis à notre examen ; mais pour nous occuper de ces objets avec la dignité qui convient au caractère auguste dont elle nous a revêtus, il importe que nous nous constituions dans les circonstances difficiles où nous sommes, de manière à ne pas perdre aucun des droits qu’elle nous a chargés de défendre, de manière à n’abandonner aucun des principes dont ces droits ne sont que l’heureuse conséquence.

Vous avez regardé, Messieurs, comme un de ces principes essentiels, et dont vous ne pouviez vous départir sans nuire sans retour à la tâche importante que vous avez à remplir, le principe qu’il faut délibérer par tête, et non par ordre, dans l’Assemblée nationale.

D’après cette opinion, il ne nous a pas paru convenable de souffrir que ce principe fut altéré ou modifié, même par aucun système ayant pour objet Ja conciliation entre les ordres, quelques avantages néanmoins que de tels systèmes pussent

(1) Le Moniteur n’a reproduit qu’une faible partie du discours de M. Bergasse.