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d’être constitués ? Le pouvez-vous en vous constituant ?

De quel droit sorliriez-vous aujourd’hui 

des limites de votre titre ? N’êtes-vous point appelés en États ? Le législateur provisoire n’a-i-il pas supposé trois ordres, quoiqu’il les ait convoqués en une seule Assemblée ? Vos mandats, vos cahiers, vous autorisent-ils à vous déclarer l’Assemblée des seuls représentants connus et vérifiés ?

et ne dites point que le cas où vous vdus 

trouvez n’a pas été prévu ; il l’a trop été, puisque quelques-uns de vos mandats, heureusement en très-petit nombre, vous enjoignent de vous retirer, s’il est impossible de parvenir à la délibération en commun, sans qu’il y en ait un qui vous autorise à vous dire les seuls représentants connus et vérifiés. Il ne vous suffira donc pas de vous donner ce titre pour l’avoir en effet, ni pour qu’on vous en croie légalement revêtus.

Mais si vous échouez, si le Roi vous refuse sa sanction, si les ordres réclament son autorité, qu’arrivera-l-il ? dissolution ou prorogatiou.

La suite évidente en est le déchaînement de toutes les vengeances, la coalition de toutes les aristocraties, et la hideuse anarchie qui toujours ramène au despotisme. Vous aurez des pillages, vous aurez des boucheries ; vous n’aurez pas môme l’exécrable honneur d’une guerre civile ; car on ne s’est jamais battu dans nos contrées pour les choses, mais pour tel ou tel individu ; etles bannières des intérêts privés ne permirenten aucun temps à l’oriflamme de la liberté de s’élever.

D’ailleurs, ce titre de représentants connus et vérifiés est-il bien intelligible ? Frappera-t-il vos commettants, qui ne connaissent que les Etats généraux ? — Les réticences qu’il est destiné à couvrir conviennent-elles à votre dignité ? — La motion de M. l’abbé Sieyès vous donne-t-elle des racines assez profondes ? — N’est-elle pas évidemment une détermination première, laquelle a des conséquences qui doivent être développées ?

Doit-on vous lancer dans la carrière, sans vous montrer le but auquel on se propose de vous conduire ?

l’ouvez-vous, sans une précipitation indigne de votre prudence, et vraiment périlleuse dans les circonstances, ne pas avoir un plan arrêté d’opérations successives, qui fait le garant de votre sagesse et le mobile de vos forces ? •

Le titre de députés connus et vérifiés de la nation française ne convient, ni à votre dignité, ni à la suite de vos opérations, puisque la réunion que vous voulez espérer et faciliter dans tous les temps vous forcerait à le changer.

Ne prenez pas un titre qui effraye. Cherchezen un qu’on ne puisse vous contester, qui plus doux, et non moins imposant dans sa plénitude, convienne à tous les temps, soit susceptible de tous les développements que vous permettront les événements, et puisse, au besoin, servir de lance comme d’aide aux droits et aux principes nationaux.

Telle est, à mon sens, la formule suivante : représentants du peuple français.

Qui peut vous disputer ce titre ? Que ne deviendra-t-il pas quand vos principes seront connus, quand vous aurez proposé de bonnes lois, quand vous aurez conquis la confiance publique !

— Que feront les deux autres alors ? — Adhéreront-ils ?

Il le faudra bien ; et s’ils en reconnaissent 

la nécessité, que leur en coûtera-t-il de plus pour adhérer dans une forme régulière ? — Refuseront-ils d’adhérer ? Nous prononcerons contre eux, quand tout le monde pourra juger entre nous.

Mais ce n’est point assez de constituer notre Assemblée, de lui donner un titre, le seul qui lui convienne, tant que les deux autres ordres ne se réuniront pas à nous en Etats généraux. Il faut établir nos principes : ces principes sages et lumineux, qui jusqu’à présent nous ont dirigés. Il faut montrer que ce n’est pas à nous, mais aux deux ordres, qu’on doit attribuer cette non-réunion des trois Etats que Sa Majesté a convoqués en une seule Assemblée.

11 faut montrer pourquoi et comment nous allons entrer en activité : pourquoi et comment nous soutenons que les deux ordres ne peuvent s’y mettre eux-mêmes en se séparant de nous. Il faut montrer qu’ils n’ont aucun veto, aucun droit de prendre des résolutions séparées des nôtres. Il faut annoncer nos intentions et nos vues ; il faut assurer, par une démarche également sage, légale et graduée, la solidité de nos mesures, maintenir les ressources du gouvernement, tant qu’on les fera servir au bien national, et présenter aux créanciers de l’Etat l’espoir de cette sécurité qu’ils désirent, que l’honneur national exige que nous leur offrions ; mais toujours en la faisant dépendre du succès de cette régénération nationale, qui est le grand et le premier objet de notre convocation et de nos vœux.

C’est dans ce but qu’a été dressée la résolution que je vais avoir l’honneur de vous lire.

Les députés des communes ayant, en conséquence de leurs délibérations du 10 juin, fait signifier aux députés du clergé et de la noblesse une dernière invitation à se rendre le même jour, tant individuellement que collectivement, en Assemblée nationale, pour faire vérifier leurs pouvoirs, conjointement avec ceux des députés des communes, sur l’appel qui y serait fait de tous les bailliages convoqués par Sa Majesté en ladite Assemblée ; et le susdit appel n’ayant été suivi que de la comparution d’un petit nombre de députés du clergé, le plus grand nombre des députés de cette classe, ainsi que ceux delà noblesse, paraissant persister dans le funeste esprit de séparation et d’éloignement qu’ils ont manifesté en différentes occasions depuis l’ouverture des Etats généraux, les députés des communes se sont vus obligés, en conformité de leurs susdites délibérations, de procéder à la vérification de leurs pouvoirs en l’absence du plus grand nombre des députés du clergé et en celle de la totalité des députés de la noblesse.

Lecture faite du procès-verbal de vérification des susdits pouvoirs, en date des 13 et 14 juin, les députés dont les pouvoirs ont été vérifiés ledit jour, pénétrés des malheureux effets que pourrait avoir une plus longue durée de l’inaction à laquelle ils ont été jusqu’à présent forcés, par la persévérance des députés des classes privilégiées dans leur refus de se réunir, et voulant autant qu’il est en eux se mettre en état de concourir aux vues bienfaisantes de Sa Majesté et au vœu général de la nation, pour la régénération du royaume, ont pris et arrêté les résolutions suivantes :


1° Résolu que le Roi n’ayant pas estimé pouvoir remplir ses vues de sagesse, de justice et de bonté envers ses peuples, autrement que par la convocation d’une Assemblée nationale composée des députés des trois ordres, nommés respectivement dans les divers bailliages, sénéchaussées, villes et provinces du royaume, les susdits dé-

Sutés, de quelque ordre qu’ils soient, ont un roit individuel et commun à siéger ensemble dans cette Assemblée nationale, et à y faire véri-