Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée

missions sanguinaires, les distributeurs de ces ordres arbitraires, les dilapidateurs du Trésor public, les violateurs du sanctuaire de la justice, ceux qui ont trompé les vertus d’un Roi, ceux qui ont flatté les passions d’un autre, ceux qui ont causé le désastre de la nation, n’ont rendu aucun compte, n’ont subi aucune peine.

Enfin vous n’avez pas une loi générale, positive, écrite, un diplôme national et royal tout à la fois, une grande charte sur laquelle repose un ordre fixe et invariable, où chacun apprenne ce qu’il doit sacrifier de sa liberté et de sa propriété pour conserver le reste qui assure tous les droits, qui définisse tous les pouvoirs. Au contraire, le régime de votre gouvernement a varié de règne en règne, souvent de ministère en ministère ; il a dépendu de l’âge, du caractère d’un homme. Dans les minorités, sous un prince faible, l’autorité royale qui importe au bonheur et à la dignité de la nation a été indécemment avilie, soit par les grands qui d’une main ébranlaient le trône, et de l’autre foulaient le peuple, soit par des corps qui, dans un temps, envahissaient avec témérité ce que, dans un autre, ils avaient défendu avec courage. Sous des princes orgueilleux qu’on a flattés, sous des princes vertueux qu’on a trompés ; cette même autorité a été poussée au delà de toutes les bornes. Vos pouvoirs secondaires, vos pouvoirs intermédiaires, comme vous les appelez, n’ont été ni mieux définis ni plus fixés. Tantôt les parlements ont mis en principe qu’ils ne pouvaient se mêler des affaires d’Etat ; tantôt ils ont soutenu qu’il leur appartenait de les traiter comme représentants de la nation. On a vu d’un côté des proclamations annonçant les volontés du Roi, de l’autre des arrêts dans lesquels les officiers du Roi défendaient au nom du Roi, l’exécution des ordres du Roi. Les cours ne s’accordent pas mieux entre elles, elles se disputent leur origne, leurs fonctions, elles se foudroient mutuellement par des arrêts.

Je borne ces détails que je pourrais étendre jusqu’à l’infini ; mais si tous ces faits sont constants, si vous n’avez aucune de ces lois que vous demandez ou si ; en les ayant (et faites bien attention à ceci), vous n’avez pas celle qui force à les exécuter, celle qui en garantit l’accomplissement et qui en maintient la stabilité, définissez-nous donc ce que vous entendez par le mot de constitution, et convenez au moins qu’on peut accorder quelque indulgence à ceux qui ne peuvent se préserver de quelques doutes sur l’existence de la nôtre. On parle sans cesse de se rallier à cette constitution ; ah ! plutôt, perdons de vue ce fantôme pour y substituer une réalité. Et quant à cette expression d’innovations, quant à cette qualification de novateurs dont on ne cesse de nous accabler, convenons encore que fes premiers novateurs sont dans nos mains, que les premiers novateurs sont nos cahiers ; respectons, bénissons cette heureuse innovation qui doit tout mettre à sa place, qui doit rendre tous les droits inviolables, toutes les autorités bienfaisantes et tous les sujets heureux.

C’est pour cette constitution, Messieurs, que je forme des vœux, c’est cette constitution qui est l’objet de tous nos mandats, et qui doit être le but de tous nos travaux ; c’est cette constitution qui répugne à la seule idée de l’adresse qu’on nous propose, adresse qui compromettrait le Roi, autant que la nation, adresse enfin qui me paraît si dangereuse, que non-seulement je m’y opposerai jusqu’au dernier instant, mais que s’il était possible qu’elle fût adoptée, je me croirais réduit

à la douloureuse nécessité de prolester solennellement contre elle.

La séance est levée.

COMMUNES.

Séance du matin.

Le peuple s’était porté en foule à cette séance.

A l’ouverture, M. le doyen propose de renouveler MM. les adjoints et de procéder à l’élection d’un nouveau doyen. L’Assemblée décide que M. le doyen et MM. les adjoints actuels continueront leurs fonctions.

M. Marolles, curé de Saint-Jean de Saint-Quentin, se présente à l’Assemblée, en remettant ses pouvoirs pour les soumettre à la vérification. Il prononce le discours suivant :

Messieurs, depuis l’ouverture des Etats généraux, mon cœur est au milieu de vous. Dans une Chambre qui s’est séparée, j’ai combattu pour vos intérêts nécessairement unis aux nôtres et à ceux de la nation entière. Je viens ici, Messieurs, professer hautement cette vérité, et reconnaître la nécessité indispensable de la vérification commune des pouvoirs d’une Assemblée nationale. Je soumets les miens à votre examen ; c’est dans cet acte que vous trouverez le titre de votre coopôrateur dans l’œuvre importante de la régénération de l’Etat ; dans ma conduite, vous trouverez les principes de la tendre affection d’un frère. Si cet exemple n’est pas suivi par le plus grand nombre, vous ne désapprouverez pas sans doute mon retour dans la Chambre du clergé, où la défense de votre cause exigera ma présence.

M. Marolles va, au milieu des applaudissements, prendre place sur les bancs du clergé.

M. Fouqtiicr «PfiEcrouel, l’un des députés des communes de Saint-Quentin, et M. Thibaudeau, l’un des députés des communes de Poitiers, qui n’avaient pas répondu à l’appel de leur bail lage et sénéchaussée, fait le 13 de ce mois, se sont présentés et ont dit qu’ils avaient été absents pour cause d’indisposition ; ils ont ajouté que leurs pouvoirs étaient compris dans les mêmes actes qui avaient été produits par leurs co-députés et qui avaient été reconnus légitimes.

L’Assemblée, délibérant sur le rapport qui lui a été fait, au nom des différents bureaux, des titres des députés, a déclaré que les députés sur les titres desquels il ne s’était trouvé aucune difficulté jouiraient définitivement de leur effet ; qu’à l’égard de ceux qui n’avaient point prêté de serment ou qui n’en rapportaient pas l’acte, ils prêteraient, avec les autres membres de l’Assemblée, un serment général aussitôt après sa constitution ; enfin, qu’à l’égard des députations qui ont donné lieu à quelques difficultés, il y serait pourvu après la constitution de l’Assemblée.

Le3 pouvoirs et autres pièces qui avaient été remis par MM. les députés et distribués aux différents bureaux, pour rendre compte de leur examen, sont rapportés sur le bureau. L’Assemblée ordonne qu’elles demeureront, quant à présent, entre les mains de M. Camus, l’un des secrétaires provisoires.

L’Assemblée a renvoyé à la commission établie dans la séance d’hier l’examen des pouvoirs de M. Marolles, curé de Saint-Quentin.

M. le Uoyen annonce à l’Assemblée que M. de