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nous ont chargés de présenter à Votre Majesté leur délibération du 10 juin, et cette adresse qui contient les motifs de leur conduite, et les témoignages de leur respect et de leur amour ; » qu’il avait remis en même temps à Sa Majesté une copie de la délibération et de l’adresse ; et que le Roi avait répondu en ces termes : « Je ferai savoir mes intentions à la Chambre du tiers-état sur le mémoire que vous me présentez de sa part. »

Suit la teneur de l’adresse présentée au Roi :

« Sire, les députés de vos communes, en présentant à Votre Majesté les délibérations qu’ils ont prises sur les moyens de conciliation proposés par vos commissaires, croient devoir mettre sous vos yeux les motifs qui les leur ont prescrites.

« Dès l’ouverture des États généraux, les députés de vos communes ont employé tous leurs efforts pour obtenir de la noblesse et du clergé la réunion et la concorde.

« Empressés de répondre à l’invitation que Votre Majesté avait faite par l’organe de son garde des sceaux, ils se sont réunis au jour indiqué, dans la salle des États généraux, pour vérifier les pouvoirs, et ils y ont attendu inutilement les députés du clergé et de la noblesse.

a Le jour suivant, ils les ont invités à s’y rendre.

« Cette démarche a été sans succès.

« Les députés du clergé ont cru, dans cette circonstance, qu’il serait possible de parvenir à s’accorder en nommant des commissaires de chaque ordre, et ils en ont fait la proposition à la noblesse et aux communes.

« Les députés des communes l’ont acceptée ; et dans le désir sincère de la conciliation, ils ne se sont permis aucun acte qui ait pu la contrarier.

« La noblesse a paru l’accepter aussi ; mais dans le même temps, se déclarant Chambre constituée, elle a semblé vouloir se prémunir contre toutes propositions de rapprochement qui pourraient être faites. Les conférences ont eu lieu cependant. Après deux séances et de longues discussions, un commissaire de la noblesse a présenté une proposition conciliatoire ; mais cette proposition, qui n’était conciliatoire qu’en apparence, ne tendait qu’à faire adopter par les députés des communes le système que la noblesse avait embrassé. Un commissaire du clergé a présenté un autre moyen. Sur le rapport qui en a été fait par les commissaires respectifs, la noblesse l’a refusé, tandis que les communes n’attendaient, pour y donner la plus sérieuse attention, que Je moment où la proposition serait avouée par l’Assemblée du clergé.

« Ayant ainsi perdu l’espoir d’obtenir la conciliation par le travail des conférences, les députés des communes l’ont cherchée par des moyens nouveaux. Ils se sont portés en députation solennelle dans l’Assemblée du clergé. Ils l’ont invité, ils l’oni pressé, Sire, au nom du Dieu de paix et de l’intérêt national de se réunir à eux pour travailler de concert à l’établissement de la concorde.

« Le lendemain de cette invitation, nous attendions, Sire, l’effet de notre démarche. La délibération du clergé nous était annoncée. La lettre de Votre Majesté nous est parvenue. Cette lettre nous manifestait le désir de Votre Majesté de voir continuer les conférences, et l’intention où elle était de contibiuer directement elle-même au rétablissement de l’harmonie entre les ordres.

« Chacun des ordres a paru mettre de l’empressement à remplir les vues de Votre Majesté. Mais

la noblesse a pris, au même instant, un arrêté dont elie s’est fait un litre depuis, pour se défendre d’adopter le plan proposé par vos commissaires.

« Ainsi, les communes se sont toujours présentées à la conciliation, libres d’accepter les plans qui leur seraient offerts.

« La noblesse au contraire y est toujours arrivée liée par des arrêtés formés au moment même où elle acceptait les conférences.

« il était facile de prévoir l’effet de ces démarches respectives.

« Les commissaires de Votre Majesté ont proposé, de sa part, une ouverture de conciliation : et sans doute, Sire, elle eût été plus favorable à nos principes, si lorsque Votre Majesté en a conçu le projet, la discussion de nos raisons eût été entièrement développée ; si le procès-verbal des conférences eût pu être mis sous vos yeux ; et si, dès lors, l’accès que nous sollicitions auprès de Votre Majesté avait pu être accordé à nos instances.

« Ces raisons, Sire, ont dû nous engager à différer l’examen de la proposition de vos commissaires, jusqu’au temps où la vérité vous serait parvenue ; mais nous n’en étions pas moins disposés à porter dans cet examen l’esprit de confiance et d’amour qu’inspire à tous les Français la profonde conviction de vos intentions bienfaisantes.

« La noblesse s’est déterminée dans cet intervalle. Elle a fait un arrêté par lequel, en se référant à ceux qu’elle avait précédemment délibérés, elle réserve à sa Chambre seule le jugement exclusif et définitif des simples députés de son ordre, et ne se prête au moyen proposé par vos commissaires, que pour le "jugement des députations entières.

a Cet arrêté, Sire, rend l’ouverture de conciliation absolument illusoire. La noblesse ne l’adopte pas, puisqu’elle persiste dans des arrêtés évidemment contraires. Elle en repousse la lettre et l’esprit, puisqu’elle prétend retenir le jugement des députés de son ordre, quoique le moyen proposé embrasse toutes les contestations, et quoiqu’il soit fondé surle principe, implicitement reconnu, que des députés qui concourent à une œuvre commune doivent mutuellement connaître et sanctionner leur composition.

« Après ce refus de la noblesse, Sire, les députés de vos communes se seraient inutilement livrés aux discussions qui devaient naturellement s’élever entre la force des principes et le sacrifice passager que, par amour de ta paix, Votre Majesté paraissait désirer d’eux. Le motif exprimé dans le plan proposé par vos commissaires était, en opérant la conciliation des ordres, de donner à l’Assemblée une activité que l’intérêt de l’État et les vœux de toute la nation ne permettaient plus de retarder. La conciliation étant devenue impossible par l’arrêté de la noblesse, que restait-il à faire aux députés de vos communes ? Il ne leur restait autre chose à faire, Sire, qu’à se mettre promptementen activité, sans perdre le temps davantage à de vaines discussions, et à satisfaire ainsi le vœu le plus pressant de votre cœur.

« Telles ont été, Sire, les circonstances qui ont nécessité la délibération que nous avons l’honneur de vous présenter. Les députés des communes, pénétrés de la sainteté et de l’étendue de leurs devoirs, sont impatients de les remplir. Déjà ils ont mis sous les yeux de Votre Majesté quelques-uns des principes qui les dirigent. Ils font le serment de se dévouer, sans réserve, à