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du Dauphiné, pour qu’elle eût à avertir les députés des trois ordres nommés dans les séances des I er janvier et jours suivants, dese rendre à Versailles le 27 pour l’ouverture des Etats généraux. Ils s’y sont rendus.

Voilà le tableau résumé, mais fidèle, de ce qui s’est passé en Daupliiné, voilà comment et par qui ont été choisis, nommés, appelés, les réprésentants de cette province ; et je doute que l’on ait jamais vu un plus beau développement de constitution politique, un accord plus noble et plus touchant de toutes les parties du pouvoir législatif, de la puissance nationale et de la puissance royale, de l’autorité légitime et d’une sage liberté.

Eût-on cru que de tels députés pussent jamais éprouver de contestations, qui a donc pu les élever ? Le Roi dit-il qu’il a été surpris ? Non. La nation prétend-t-elle qu’on l’a trompée ? Non. La majorité des représentants revient-elle contre son choix ? Non. Les procès-verbaux offrent-ils traces de violence, de surprises, de réclamations, de protestations ? Non.

Qu’a-t-on donc opposé à une élection qui a été graduellement l’ouvrage de 700,000 hommes réunis eu corps de nation ? L’histoire sera embarrassée de le dire, et la postérité refusera de le croire, on a opposé aux vœux de700,000 hommes, 146 signatures isolées, sansautorité, sansmission, môme sans authenticité, d’abord dispersées sur des mémoires qu’on a fait courir dans les châteaux, dans les villes, dans tous les coins de la France et réunies au nombre de 142 sur un acte de protestation, (Hité du 18 janvier, qu’on a fait signer à la commission intermédiaire des Etats, trois mois après la clôture des Etats.

Je vois à la tête de ces signatures celle d’un prélat qui a suivi, approuvé, signé, depuis le commencement jusqu’à la fin, toutes les opérations de la province, de ses assemblées, de ses états, de ses élections et qui n’avait pas assez de toute la chaleur de son âme et de son éloquence pour bénir, pour exalter cette même constitution, contre laquelle il s’élève aujourd’hui.

Si je parcours les noms qui suivent le sien, quel inconcevable calcul que celui qui se présente !

sur 142 réclamants dont on produit, dit-on, 

les signatures, j’en trouve :

Dix-neuf qui avaient signé, qui avaient rédigé les plans de la constitution, les procès-verbaux des Etats, la nomination, les pouvoirs, le mandat des députés.

Cinquante-trois qui avaient formé, approuvé, si’nié les assemblées et instructions élémentaires.

ISept doublement employés sur la liste de manière qu’ils en présentent quatorze.

Onze qui ont désavoué ou l’usage de leurs signatures ou leurs signatures, sans en compter quatre qui avaient également désavoué la leur avant la signification de la liste.

Un, enfin, que l’on prétend avoir signé et qui est mort depuis quatre ans.

Je ne parle pas de vingt-sept étrangers dans la provinc, ou inconnus, ou sans propriété ni domicile, ou mineurs, parce que les dissidents hier m’ont paru en nier vingt et un, et que c’est le seul article sur lequel ils aient pu répandre quelques doutes ; sur tout le reste, leur silence a été un aveu, ou leur dénégation, en ébranlant un fait, en a contirmô dix autres.

A la suite de cette première liste signifiée par huissier, j’en trouve une seconde produite devant la Chambre et formée de dix-huit autres, sur laquelle les cent-quarante-six noms, déjà dimi-

nués de quatre, se trouvent encore diminués de douze et réduits à cent-trente. Mais qui nous assure qu’une troisième liste n’offrirait pas encore de nouveaux retranchements ? S’il ne fallait pas en croire la première, pourquoi faudrait-il en croire la seconde ? Quel caractère légal, quel titre d’authenticité peuvent jamais avoir pour nous toutes ces signatures môme produites comme originales ? Sont-ce des particuliers isolés nui ont signé ? Alors de quel droit un individu s’élève-t-il contre la société entière ? Se sont- ils assemblés ? Alors c’est une Assemblée illicite, car elle n’a été autorisée ni par la nation ni par le Roi.

C’est au nom de trois gentilshommes, qu’un quatrième, fondé par eux de procuration a signifié aux Etats du Daupliiné représentés par leur commission intermédiaire, une protestation par laquelle il prétendait les frapper de nullité. Ces trois gentilshommes étaient qualifiés dans la procuration : députés des deux premiers ordres du Dauphiné, chargés des pouvoirs d’un très-grand nombre de membres de ces deux ordres. Je voudrais qu’on me fît comprendre comment on est député d’un ordre en étant chargé des pouvoirs d’un très-grand nombre de membres de cet ordre. C’est une expression vague et relative que celle d’un très-grand nombre. Cent-huit gentilshommes pris isolément peuvent paraître un très-grand nombre, ils en deviennent un très-petit, rapprochés de cinq cents gentilshommes qui composent la noblesse du Dauphiné.

Quant aux vingt-deux ecclésiastiques réclamants, comparés aux dix-neuf cent soixante-dix-huit non réclamants, j’ai plus de peine encore à concevoir comment *ils peuvent former un très-grand nombre de membres de leur ordre, et comment les chargés de pouvoirs de vingt-deux, peuvent se dire députés de deux mille, car pour les douze cents curés qui s’ébranlent, ainsi que nous l’avons dit hier, je cherche à oublier celte expression qui me présente involontairement, non pas une réclamation spontanée, mais l’effet d’une impulsion étrangère de trouble et de discorde.

J’avoue, Messieurs, qu’il ne m’en faut pas davantage pour fixer mon opinion.

J’avoue que je ne puis pas prendre sur moi d’entrer dans l’examen d’objections produites avec ces seuls garants, fussent-elles aussi solides qu’elles sont frivoles ; où il n’y a pas de contradicteurs, je ne puis voir de contradictions.

Les dissidents, pour échapper et à l’autorité des Etats qu’on leur citera toujours, et au reproche de désavouer leur propre ouvrage, prétendent que tout a été entraîné dans les Etats du Dauphiné, par une majorité constante, qui augmentait, disent-ils, chaque jour, parce que les ambitieux et les pusillanimes se tournaient du côté du plus fort, et qu’ils prirent le parti de ne plus répliquer à leurs adversaires que par des huées indécentes.

Mais les signatures que ces dissidents ont opposées aux délibérations des Etats, à la nomination, au mandat, aux pouvoirs des députés, estce la majorité qui les leur a arrachées ?

Mais ces éloges, ces bénédictions qu’ils ont prodiguées à leur constitution, qui sont consignées dans les procès-verbaux, est-ce la majorité qui les a forcés de les proférer ?

En vérité, Messieurs, c’est une majorité bien imposante que celle des Etats du Dauphiné, quand on songe qu’elle a été consacrée par la majorité, je dirais presque l’universalité de la France. Qui de nous n’a pas partagé ce sentiment ?

Nous l’avons vue cette province dont on