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sa force de résistance, lorsque rassemblé, il porte des yeux attentifs sur les objets qui peuvent l'inquiéter?

Mais faut-il sans cesse parler d'ordre et jamais de patrie? Ne penserons-nous qu'à être en garde contre nos coopérateurs, comme si nous avions à combattre contre des ennemis déclarés ? La vé- rification des pouvoirs a déjà assez aigri les es- prits. Sans doute, la noblesse engagée ne peut revenir sur ses pas ; mais adoptons une marche suivie. Disons aux deux autres ordres que notre résolution est prise de continuer à vérifier nos pouvoirs; que nous les engageons à valider comme nous ceux de leurs commettants ; que cette opération sera le signal de la concorde, et offrons-leur, pour prix d'une juste condescen- dance, la délibération que j'ai l'honneur de pro- poser ; oublions dès lors les noms de communes, de noblesse, de clergé. Réunis sous l'étendard du bien général, embrassons, sous des divisions sim- ples, les grands objets qui doivent nous occuper.

La séance est levée à 9 heures et demie du soir et indiquée au lendemain à l'heure ordinaire.

ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du vendredi 5 juin 1789.

CLERGÉ.

Le clergé accepte la proposition des commis- saires du Roi sans aucune réserve, et arrête deux députations aux deux autres ordres pour leur annoncer demain matin l'acceptation qu'il en a faite.

NOBLESSE.

Après la lecture du procès-verbal, on nomme, par la voie du scrutin, quatre commissaires ré- dacteurs, savoir : MM. de Grosbois, deSérent, de Digoine et de la Roussière.

M. de Bouilli lier fait le rapport de la conférence d'hier; il dit que le procès-verbal, rédigé par les commissaires du tiers, est exact en apparence, mais que les raisons de la noblesse y sont affaiblies et que le rédacteur a offert de rectifier les arti- cles dont les commissaires de la noblesse pou- vaient avoir à se plaindre.

M. d'JLntraigues lit ensuite l'ouverture faite par les commissaires du Roi ; elle est d'abord reçue avec de vifs applaudissements; mais elle excite de très-vifs débats. On met aux voix pour savoir si on l'adoptera purement et simplement, ou si on l'adoptera avec des amendements. Ce dernier avis passe à la pluralité de 158 voix contre 76.

COMMUNES.

M. Bailly. Vous m'aviez chargé de témoigner à Sa Majesté la sensibilité et la douleur des communes sur la mort de Mgr le Dauphin. En conséquence, je me suis rendu chez M. le duc de Duras, pour le prier de m'introduire chez le Roi. M. le duc me répondit qu'il demanderait l'heure de Sa Majesté. Je me rendis également chez la princesse de Ghiraay, qui me dit que la douleur où la reine était plongée actuellement ne lui per- mettait pas de m'annoncer pour le moment, mais qu'elle demanderait l'heure de la Reine.

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.M. le Doyen propose d'aller jeter de l'eau bé- nite sur le corps de Mgr le dauphin. Accepté à l'unanimité.

M. Bailly. L'Assemblée veut-elle entendre la lecture du règlement?

Un membre. Hâtons-nous d'agir, il en est temps; raidissons-nous avec courage contre les chicanes et les embarras qu'on nous suscite à chaque instant; constituons-nous en Chambre nationale, nous avons assez employé les voies de modération, de temporisation pour ramener les esprits au bien public, si on le voulait réelle- ment; mais puisque l'on en a abusé et que l'on en abuse encore, il est temps de commencer l'œuvre importante de la régénération que la na- tion attend depuis si longtemps.

On délibérait sur cette motion, lorsqu'un de MM. les commissaires nommés pour les confé- rences se présente et fait le rapport de celle qui a eu lieu hier.

Après le rapport, M. le Doyen lit un billet de M. le garde des sceaux conçu en ces termes :

« M. le garde des sceaux prévient M. • Bailly que, lui étant survenue une affaire importante qui l'occupera nécessairement le reste du jour, il lui sera impossible de tenir aujourd'hui la con- férence ; en conséquence, elle ne pourra avoir lieu que demain samedi, à six heures et demie du soir : il prie M. Bailly de vouloir bien avertir MM. les commissaires. »

M. le Boyen propose de renvoyer au lende- main la discussion sur le projet de conciliation présenté par les ministres.

Les avis sont partagés sur cette proposition. Les uns prétendent que l'on doit se former dès ce soir en bureau pour discuter les points de ce projet, et renvoyer à demain à proposer des ob- servations ultérieures en Assemblée générale. Ils se fondent sur l'importance de l'objet, sur le besoin de lumières, et ils assurent que c'est le moyen de prendre un parti digne des Etats gé- néraux.

D'autres pensent que cette délibération est pré- maturée, que c'est perdre le fruit des conférences que d'en prendre une avant leur clôture; le mé- moire dont il s'agit, ainsi que les moyens de droit naturel, n'ont pas encore été discutés.

Un membre. Je crois qu'il faut présenter la question sous ce point de vue : discutera-t-on le moyen de conciliation avant ou après la clôture du procès-verbal des conférences ? et je suis d'avis qu'il faut conclure à ce que l'on termine préala- blement les conférences et que le procès-verbal soit clos ensuite.

On insiste sur cette dernière proposition. Des députés déclarent qu'il ne suffit pas que la né- cessité de la vérification des pouvoirs par les trois ordres réunis soit établie par les anciens faits ; que dans les conférences tenues jusqu'alors, les principes d'équité et de raison qui démon- trent la même vérité n'ont été qu'indiqués; qu'il est essentiel de les présenter dans toute leur force; que les commissaires des communes se sont réservé expressément de les développer et de les consigner ensuite dans le procès-verbal ; et que l'unique moyen d'assurer cette réserve est de surseoir à délibérer sur l'ouverture proposée jus- qu'après la clôture de ce même procès- verbal.

On oppose à ces raisonnements des raisons de