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nion serait portée aux Chambres respectives ; que, si elle y était adoptée, tout serait terminé ; que si, au contraire, les décisions des ordres étaient en opposition sur cet objet; que si en- core elles ne paraissaient pas susceptibles de conciliation, l'affaire serait portée au Roi, qui rendrait un jugement final.

Qu'on ajoute encore, si l'on veut, que ces conventions sur la vérficiation des pouvoirs n'auraient aucune liaison avec la grande ques- tion de la délibération par tête ou par ordre ; que l'on ajoute encore que la marche adoptée pour cette tenue d'Etats serait requise dans le cours de la session, afin de considérer si un nouvel ordre de choses devrait être adopté à l'avenir; qu'on réunisse au fond de cette proposi- tion les précautions qui paraîtraient convenables, mais qu'on adopte enfin ce moyen de concilia- lion ou tout autre, et que le Roi ne reste pas seul, au milieu de sa nation, occupé sans relâche de l'établissement de la paix et de la concorde. Quels véritables citoyens pourraient se refuser à seconder les intentions du meilleur des Roi3 ? Et qui voudrait charger sa conscience de tous les malheurs qui pourraient être la suite de la scission qui se prépare au premier pas que vous faites, Messieurs, dans la carrière où le bien de l'Etat vous appelle, où la nation est impatiente de vous voir aller en avant, et où les plus grands dangers vous environnent? Ah! Mes- sieurs, lors même que vous pourriez arriver à ce bien par la division des cœurs et des opi- nions, il serait trop achevé. Le Roi vous invite donc à prendre en considération sa proposition, et il vous presse de tout son amour de l'accep- ter et de lui donner ce contentement.

Cette lecture achevée, les commissaires des trois ordres témoignent l'empressement avec lequel ils porteront cette ouverture à leurs co- mettants respectifs.

M. le baron rie Harem bure remet aux com- missaires de la noblesse un projet de conciliation en ces termes :

Nous avons des droits sacrés à défendre, mais la nation en a de plus saints encore à établir. Ce sont ceux-ci qui doivent nous occuper les pre- miers. Je vois avec douleur que des instructions impératives nous arrêtent dès les premiers pas, et que la vérification des pouvoirs nous offre des obstacles toujours renaissants. Les volontés de chaque ordre lutteront-elles sans cesse l'une con- tre l'autre? Une méfiance mutuelle sera-t-elle notre guide ; et perdrons-nous en vains débats un temps précieux dont la patrie commence à nous demander compte? La constitution, voilà quel doit être le premier de nos soins ; j'entends par ce mot les droits généraux assurés à la nation, droits qui nous intéressent tous en qualité de sujets. Ces objets ne sont pas plus particuliers à la noblesse qu'au tiers-état ; ils ne peuvent com- promettre nos iutéiêts, ni affecter nos privilèges. Tous les citoyens s'accordent pour les demander à grands cris, et s'ils ne sont pas la constitution dans le sens le plus étendu, ces droits en sont la basa.

Mais comment s'en occuper, si, réunis par les motifs, divisés par les opinions, nous ne pouvons convenir de la forme de la délibération? Les uns, resserrés dans leurs pouvoirs par ceux qu'ils re- présentent, sont obligés sous la religion du ser- ment à ne délibérer que par tête ou par ordre. D'autres, moins gênés dans leurs instructions, voient dans l'une ou l'autre de ces formes le salut

de l'Etat et celui de leurs commettants. Je ne pro- nonce point sur une matière aussi délicate ; je respecte la fidélité que l'on doit à sa province ; je respecte la fidélité de ceux que des raisons sans doute mûrement pesées ont engagé à l'un ou l'autre parti ; mais si la noblesse divisée entre elle dans sa Chambre même, ne peut prendre une résolution exclusive généralement consentie; si le tiers-état, effarouché de nos prétentions, s'y refuse avec opiniâtreté, n'est-il pas un port ou nous puissions trouver le calme, la concorde et la paix? 11 existe sans doute dans la volonté de chaque membre des Etats, il existe dans un sage tempérament ; puissé-je être assez heureux pour le proposer! Puissent les députés de la Touraine, au nom desquels je parle, rappeler dans les trois ordres l'union et l'harmonie ! voici le projet qu'ils proposent par ma voix :

Députons vers le clergé et le tiers-état ; pro- posons-leur de réunir les trois ordres, de les di- viser en bureaux, composés des membres de l'Assemblée, suivant la proportion établie. Que chacun soit chargé de discuter les points de constitution article par article ; mais que ces bu- reaux n'aient le droit que de rédiger et ne soient considérés que comme des lieux de conférences ; que leurs cahiers, réduits en un seul par des commissaires nommés à cet effet, soient portés ensuite dans chaque Chambre séparée ; qu'ils y

Eassent à un tour d'opinion, pour s'assurer d'a- ord si la rédaction est convenable, pour voir si elle ne blesse pas les intérêts de l'ordre ; que des membres choisis pour cet objet se rassemblent, se rendent compte des objections ou du consente- ment des Chambres, et viennent les rapporter en- suite à celles dont ils font partie ; qu'alors les articles rédigés par les bureaux, et consentis par l'unanimité des ordres, soient proclamés, comme le résultat de-leur vœu, dans une Assemblée gé- nérale Lorsque après ces débats inévitables

dans les grandes questions, un accord universel aura rendu notre système complet, nous mettrons nos demandes sous les yeux du Roi, et secondant ses intentions paternelles, nous recueillerons avec lui les bénédictions du peuple qu'il gouverne.

M. «l'Hareinburc s'adresse ensuite aux deux partis et leur dit :

Les partisans du vote par tête croiront-ils que le point impératif de leur mission n'est pas rempli? qu'ils réfléchissent un moment. La dis- cussion des articles est livrée aux bureaux : leur confection est le résultat des opinions de chaque individu balancées entre elles. La rédaction des cahiers est l'ouvrage d'une partie organisée comme le tout, et enfin la sanction de chaque objet pro- posé est l'accord de toutes les lois réunies. N est- ce pas là délibérer par tête? La réclamation de chaque Chambre sur les articles où elle pourra se croire lésée n'esl-elle pas une forme usitée dans tous les temps ? N'est-elle pas pour tout un corps le droit, qui appartient à chacun de nous, d'exprimer et de soutenir son vœu ? Les provin- ces ont-elles circonscrit à leur gré la marche des Etats? Ont-elles décidé qu'on ne se séparerait jamais, même pour les délibérations préparatoi- res ? Je m'adresse aux partisans du système op- posé. Quel peut être leur but ? N'est-il pas de garantir leur ordre des coups qu'on voudrait lui porter ? N'est-il pas de le soustraire au torrent des suffrages trop nombreux qui pourraient se réunir contre lui? Eh bien 1 si sa volonté, ce que je ne puis croire, est forcée dans les bureaux, à raison de la minorité, ne retrouve-t-il pas toute