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l'Assemblée; le sieur Hubert, commis de la chan- cellerie, est nommé et accepté pour cette fonc- tion.

Après la lecture du procès-verbal de la séance précédente, M. le garde des sceaux dit que l'ob- jet de la conférence étant de parvenir à une con- ciliation, les ministres du Roi s'en étaient occupés et avaient arrêté un projet de conciliation qu'ils allaient communiquer à l'Assemblée.

M. Wecker, chargé de le présenter, fait lecture d'un mémoire en ces termes :

Messieurs , les anciens faits prouvent évi- demment que le conseil est intervenu dans tou- tes les questions qui ont occasionné des débals relatifs à la validité des élections et à la vérifi- cation des pouvoirs.

11 serait donc de toute justice que Sa Majesté examinât, sous le rapport de ses propres droits, les difficultés qui s'élèvent dans ce moment; et lorsque chacun des ordres est activement occupé des prérogatives qui peuvent lui appartenir, il paraîtrait naturel que Sa Majesté fixât elle-même son attention sur celles dont la couronne a cons- tamment joui. Mais Sa Majesté, fidèlement atta- chée aux principes de modération qui peuvent hâter l'accomplissement du bieu public, permet à ses ministres de considérer d'abord sous ce point de vue le plus grand nombre des affaires. Les ordres ne s'éloigneraient pas vraisem- blablement de confier à des commissaires choisis dans les trois Chambres l'examen préliminaire des difficultés relatives à la validité des pouvoirs et des élections ; mais, en cas de division d'avis, la Chambre du tiers demanderait que la déter- mination décisive fût remise à l'Assemblée des trois ordres réunis. L'ordre de la noblesse s'y refuse absolument et veut que chaque Chambre soit arbitre en dernier ressort.

Il est sur que les trois ordres ont un intérêt à prévenir qu'aucun des trois n'abuse de son pouvoir pour admettre ou pour rejeter avec par- tialité les députés qui viennent prendre séance dans les Etats généraux ; et cet intérêt commun existerait, soit que les ordres eussent à délibérer réunis, soit qu'ils restassent constamment sépa- rés, puisque, dans cette dernière supposition, les personnes qui seraient appelées à décider, par leurs opinions, d'un veto, d'un empêchement quelconque, acquerraient le droit d'influer direc- tement sur le sort général de la nation.

En même temps, il est naturel et raisonna- ble que les deux premiers ordres fixent leur at- tention sur la supériorité des suffrages assurés à l'ordre du tiers; car, s'il est vrai que tous les dé- putés aux Etats généraux, sans distinction, soient intéressés à l'impartialité des vérifications de pouvoirs, il est également certain que, dans un moment où les esprits sont divisés, chaque or- dre a des motifs personnels' pour désirer d'éloi- gner des autres Chambres les députés dont les sentiments ne seraient pas favorables à ses opi- nions.

Ces motifs personnels sont égaux, dira-t-on, entre les ordres. Ainsi, en les admettant à déli- bérer en commun sur la régularité des élections, aucun n'a droit de se plaindre. Ce raisonnement ne serait pas juste, car, si les motifs de partialité sont les mêmes, les moyens d'agir conformé- ment à ces motifs ne sont point égaux, puisque le tiers-état, par la grande supériorité de ses suffrages, aurait un avantage décisif si le juge- ment final sur les pouvoirs contestés appartenait à l'Assemblée des trois ordres réunis,

On ne pourrait pas combattre cette opinion en rappelant que tes deux premiers ordres en- semble sont en nombre égal au tiers-état; car ces deux premiers ordres réunis par leurs pri- vilèges pécuniaires ne le sont pas de même dans les considérations relatives à l'examen. Enfin, ces privilèges ne forment qu'une union passagère dans un moment où leur prochaine suppression paraît assurée.

On dira peut-êlre encore que la supériorité de suffrages du tiers-état une fois admise, il doit lui être permis d'en faire usage pour une affaire commune; mais la supériorité des suffrages ap-. pliquée aux décisions sur la validité des pou- voirs et des élections des trois ordres n'est pas un simple usage de cette supériorité ; c'est encore un moyen d'en accroître l'avantage. Une telle faculté, un tel emploi de supériorité de suffrages serait un supplément de concession, une force nouvelle qui dérangerait, dans une mesure quel- conque, l'équilibre établi par le souverain lors- qu'il a fixé le nombre des députés de chaque ordre.

Le pouvoir de juger en dernier ressort de la régularité des élections ne pourrait donc être at- tribué avec équité, ni aux trois ordres réunis, ni à chacun d'eux en particulier. Ce pouvoir ne doit pas appartenir à chaque ordre en particulier, parce qu'ils ont tous intérêt à ce qu'un seul n'abuse pas de son influence : il ne peut pas ap- partenir non plus au trois ordres réunis, puisque ce serait l'attribuer essentiellement aux repré- sentants du tiers-état, vu la supériorité de leurs suffrages, pour en augmenter la puissance, en obtenant une influence prépondérante sur la for- mation même de l'Assemblée.

C'est donc au Roi que semble appartenir, en raison et en équité, le jugement final sur toutes les contestations relatives aux élections. Ce prin- cipe est une suite, une dépendance du règlement souverain qui a déterminé pour cette fois le nombre respectif des députés aux Etats généraux. Ainsi, les trois ordres qui se soumettent à la fixation établie par Sa Majesté feraient une exception minutieuse s'ils répugnaient à la prendre pour juge dans le très-petit nombre de contestations qui pourraient s'élever sur la vé- rification des pouvoirs. L'intérêt de Sa Majesté, le seul qui la dirige, c'est l'amour de l'union, et elle mériterait encore d'être votre arbitre quand vous ne voudriez pas du monarque pour juge.

Ce serait le Roi seul qui, en cette occasion, ferait une cession de ses prérogatives, puisque de simples particuliers appelaient autrefois au souverain de la décision d'un ordre, relative à la vérification des pouvoirs, et que Sa Majesté se réserverait seulement de juger les questions sur lesquelles les ordres seraient divisés d'opinions.

Il parait donc que tous les motifs de justice, de raison, d'équité et de convenance réciproque doivent déterminer les ordres à adopter ce moyen de conciliation. Voici donc, d'après ces idées, la marche qu'on proposerait.

Les trois ordres, par un acte de confiance libre et volontaire, s'en rapporteraient les uns aux autres pour la vérification des pouvoirs sur lesquels aucune difficulté ne s'élèverait, et ils se communiqueraient leurs actes de vérification pour en faire un examen rapide.

Ils conviendraient de plus :

Que les contestations, s'il en, survenait, se- raient portées à l'examen d'une commission composée des trois ordres ; que ces commissai- res se réuniraient à une opinion ; que c?tte opi-