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connaître d'intermédiaire entre le Roi et son peu- ple, chargent leur doyen de s'adresser directement a Sa Majesté pour la supplier d'indiquer aux repré- sentants des communes le moment où elle voudra bien recevoir leur députation et leur adresse. »

M. le Doyen. Pour accélérer la délibération sur l'arrêté, je propose de se lever tour à tour pour l'adopter ou le rejeter.

L'Assemblée se lève tout entière pour l'adoption de l'arrêté.

Conférence en présence des commissaires du Roi.

La séance s'ouvre par la lecture du procès-ver- bal de la précédente. Les commissaires de la no- blesse déclarent que leur Chambre leur a interdit de signer le procès-verbal, si les commissaires du tiers-état y donnent à leur ordre le titre de communes.

Ceux-ci justifient cette expression en obser- vant que le nom de communes n'est pas une in- novation ; que les anciennes ordonnances l'ont rappelé fréquemment ; que le mot de tiers-état n'exprime que le rang de la partie la plus nom- breuse de la nation, relativement à la présence du clergé et de la noblesse; mais que le tiers- état est le peuple ou les communes; que ce titre primitif se trouve de nouveau donné au peuple de France dans le rapport fait ministériellement au Roi, et annexé par son ordre au résultat du Conseil du 27 décembre dernier.

La discussion est reprise et continuée sur les faits historiques. Plusieurs membres de la no- blesse cherchent de nouveau dans les actes des anciens Etats des inductions favorables à leur sys- tème. L'un d'eux lit un mémoire tendant à prouver qu'on délibérait par ordre, même dans les temps les plus reculés de l'antiquité et sous le règne de Charlemagne. Il cite, les expressions de Tacite : de minoribus principes consultant, de majoribus omnes, et les lois des barbares ainsi que les ca- pitulaires où il est souvent parlé des Magnâtes et I'roceres; de plus, il cite la lettre d'Hincmar de ordine palatii.

Un commissaire des communes, en remarquant que la discussion à laquelle on vient de se livrer est entièrement hors de la question, bornée à la vérification des pouvoirs, dit que s'il est néces- saire de traiter celle que MM. de la noblesse en- gagent, il offre de prouver qu'il n'y a aucun rap- port entre les grands du royaume, sous la première et la seconde race de nos rois, et l'ordre actuel de la noblesse, né de la féodalité; et que la lettre d'Hincmar ne contient rien qui puisse s'appliquer à la division des ordres, laquelle n'existait cer- tainement pas du temps de Charlemagne.

Un autre membre des communes discute la partie du mémoire qui embrasse les premiers temps de la monarchie; il établit que le mot pro- ceres ne désigne point un ordre; qu'il n'y avait point d'ordres parmi les Francs, et que le mot de proceres ne veut pas dire nobles, mais doit avoir le même sens que seniores.

Les débats étant ramenés à la question princi- pale, un des commissaires des communes con- clut en disant que, sur la vérification des pou- voirs, l'usage n'établit rien en faveur de la prétention de la noblesse, et que la raison justifie la demande des communes, pour que les trois ordres réunis jugent de ce que le Roi, dans sa sa- gesse et son équité, s'abstient de juger.

Un de3 commissaires du Roi dit qu'on établit

l' c Série, T. VIII.

trop comme un fait que le Roi ait renoncé à la vérification des pouvoirs.

Le même membre des communes répond que la présence des commissaires de Sa Majesté rend plus impérieuse la nécessité d'établir combien il est digue de la sagesse du Roi de laisser la nation décider elle-même du droit que ceux qui la re- présentent peuvent avoir de parler en -son nom au monarque et à ceux qui partagent avec eux l'honneur de la représenter. Il rappelle que dans la première conférence tenue dans la salle du comité des Etats généraux, les commissaires de la noblesse ont dit que c'est par erreur que le ju- gement des pouvoirs a été anciennement renvoyé au conseil du Roi.

Un des commissaires du clergé dit que, dans une des conférences qui ont précédé, il a entendu MM. du tiers-étal discuter les inconvénients qui pourront résulter de la vérification des pouvoirs des députés aux Etats généraux par MM. du con- seil. Les mêmes réflexions qui viennent d'être reproduites lui en suggèrent une très-courte et très-simple qu'il va se permettre de présenter à l'Assemblée.

Si l'arbitraire, dit-il, que l'on croit avoir à redouter de la part de MM. du conseil, maîtres, par le droit de vérification, d'introduire aux Etats généraux les députés qui leur seront agréables, et d'en éloigner ceux qui auront le malheur de leur déplaire, a des iuconvénients, n'est-il pas permis aux ordres du clergé et de la no- blesse d'en voir d'aussi affligeants pour eux dans la vérification qui sera faite par les trois ordres réunis?

Dans l'état actuel des choses, ajoute-t-il, le tiers-état a lui seul, non-seulement un nombre de députés égal à celui des membres du clergé et de la noblesse ensemble, mais une supériorité considérable dans cette position. .N'est-il pas évi- dent que MM. du tiers-état auront les moyens d'admettre ou d'exclure chacun des députés des autres ordres, ainsi qu'ils le jureront à propos? Cet arbitraire ue serait-il pas aussi redoutable que le premier? Et dans l'alternative, ne serait- on pas dans le cas de préférer le jugement de ceux qui ont moins d'intérêt personnel?

Un autre membre du clergé interpelle celui qui vient de faire ce raisonnement, de déclarer s'il prétend parler au nom de son ordre ou au sien propre. Sur la réponse de celui-ci, que c'est seulement en son nom, le même membre ajoute qu'il est singulier qu'il abandonne ainsi le rôle de conciliateur pour multiplier les difficultés.

Un commissaire des communes dit qu'il est heureux que le commissaire du clergé n'énonce que son opinion particulière, puisque l'on ne peut parler ainsi de la part du clergé sans que cet ordre quitte les couleurs de la médiation.

Un commissaire du clergé, prenant la parole, offre un plan de conciliation; mais comme il est fort tard, la séance est levée à dix heures et de- mie, et la suite de la conférence renvoyée au lendemain.

ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du mercredi 4 juin 1789.

CLERGÉ.

Le clergé attend la fin des conférences pour se déterminer à prendre un parti. La séance est lovée.