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yons cessé de convenir que nous n'étions pas constitués; devons-nous nous permettre des for- mules qui aient toutes les apparences d'un acte de juridiction? Avons-nous eu tort de prétendre que la puissance doit précéder l'action? Si cela était vrai hier, cela ne l'est-il plus aujourd'hui? Si cela l'est encore, pouvons-nous, plus que les jours passés, faire des déclarations secrètes, com- mencer des registres, donner des pouvoirs? Tout peut se défendre, Messieurs, excepté l'inconsé- quence.

Envoyez au clergé, Messieurs, et n'envoyez point à la noblesse, car la noblesse ordonne et le clergé négocie. Autorisez qui vous voudrez à con- férer avec les commissaires du clergé, pourvu que vos envoyés ne puissent pas proposer la plus légère composition, parce que sur le point fonda- mental de la vérification des pouvoirs dans l'As- semblée nationale vous ne pouvez vous départir de rien. Et quant à la noblesse, tolérez que les adjoints confèrent avec elle comme individus ; mais ne leur donnez aucune mission, parce qu'elle serait sans but et ne serait pas sans danger.

En effet, ne nous dissimulons pas que dans notre sein même on s'efforce de former un parti

Êour diviser les Etats généraux en trois Cham- res, pour les faire délibérer et opiner par ordre; unique ambition des privilégiés en cet instant et qui est l'objet d'un véritable fanatisme. Toute dé- viation du principe, toute apparence de composi- tion encouragera le parti et entraînera ceux d'entre nous qu'on est parvenu à ébranler. Déjà l'on a répandu, déjà l'on professe qu'il vaut mieux opiner par ordre que de s'exposer à une scission (ce qui revient à dire : Séparons-nous de peur de nous séparer) que le ministre désire, que le Roi veut, que le royaume craint. Si le ministre est faible, soutenez-le contre lui-même, prêtez-lui de vos forces parce que vous avez besoin de ses forces. Un aussi bon Roi que le nôtre ne veut pas ce qu'il n'a pas le droit de vouloir. Le royaume craindrait s'il pouvait vous croire vacillants. Qu'il vous sache fermes et unis, vous serez investis de toute sa sécurité. On vous flatte entin (et c'est le plus adroit des pièges que depuis vingt-quatre heures seulement on n'a pas craint de dresser, même à découvert), on vous flatte que les ordres privilégiés vont sacrifier leurs exemptions pécu- niaires. Et quel intérêt, dit-on alors, d'opiner plu- tôt par tête que par ordre? Quel intérêt! Je com- prendrais ce langage s'il était adressé à ceux qui s'appellent les deux premiers ordres; car comme ils n'ont pas un seul privilège au delà des exemp- tions pécuniaires, comme hors de ce cercle tous nos intérêts sont évidemment communs, je ne leur vois pas une seule raison de s'opposer à la déli- bération par tête, s'ils sont de bonne foi; et voilà, pour le dire en passant, pourquoi je ne crois en- core que faiblement à la sincérité de leurs sacri- fices. Mais nous, qui malgré leur fierté dédai- gneuse avons de grandes raisons de douter qu'ils aient le privilège exclusif de l'instruction et des lumières; nous qui ne regardons point l'Assemblée nationale comme un bureau de subdélégués; nous qui croyons que travailler à la constitution est le premier de nos devoirs et la plus sainte de nos missions; nous qui savons qu'il est physique- ment impossible de s'assurer d'avoir obtenu le vœu national autrement que par la votation par tête, la renonciation la plus complète et !a moins ambiguë aux exemptions pécuniaires ne nous désintéressera nullement du seul mode de déli- bérer et d'opiner, auquel nos pouvoirs nous au- torisent et nos consciences nous contraignent.

Ne compromettons pas ce principe sacré, Mes- sieurs, n'encourageons pas les intrigants, n*ex- posons pas les faibles, n'égarons pas, n'alarmons pas l'opinion publique, marchons avec une cir- conspection prévoyante, mais marchons.

La noblesse a rompu par le fait l'ajournement du Roi ; nous devons en aviser M. le garde des sceaux, pour constater que le provisoire est fini, et annoncer ainsi par la voie la plus modérée et la plus respectueuse, mais la plus régulière et la plus directe, que les communes vont s'occuper des moyens d'exercer leurs droits et de conserver les principes.

Envoyons ensuite au clergé des hommes munis de notre contiance et autorisés à inviter, à en- tendre, mais non à proposer. Laissons la noblesse continuer paisiblement sa marche usurpatrice autant qu'orgueilleuse ; plus elle aura fait de chemin, plus elle se sera donné de torts ; plus les communes, qui n'en veulent point avoir, qui n'en auront jamais, seront encouragées aux principes, sûres de leur force et par cela même de leur mo- dération ; plus la concorde, l'ensemble, l'harmonie s'établiront parmi nous, plus l'esprit public se for- mera, et de lui seul se composeront notre irrésis- tible puissance, nos glorieux et durables succès.

La motion de M. Rabaud de Saint-Etienne, avec les deux amendements qui ont été proposés, est adoptée en ces termes :

« L'Assemblée des communes a résolu qu'elle nommerait des personnes pour conférer avec celles qui ont été ou qui seront choisies par MM. du clergé et de la noblesse sur les moyens proposés pour réunir tous les députés afin de vérifier tous les pouvoirs en commun ; et il sera fait une rela- tion écrite des conférences. »

ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du mardi 19 mai 1789.

CLERGÉ.

On propose de faire annoncer au tiers-état la disposition où est la Chambre de renoncer, au nom du clergé, à toutes exemptions pécuniaires.

La discussion amène plusieurs amendements.

On met aux voix ; il y a quelques doutes.

On demande un second tour d opinion, mais l'heure étant trop avancée, la séance est levée.

NOBLESSE.

La Chambre de la noblesse nomme les commis- saires chargés de conférer avec les deux autres ordres sur les moyens de conciliation. Ce sont MM. le marquis de Bouthilier, le duc de Luxem- bourg, le marquis de la Queuille, le comte d En- traigues, le duc de Mortemart, le vicomte de Pouilly, de Cazalès, de Bressand.

La séance est levée.

communes.

La séance est entièrement employée au choix des seize membres qui doivent assister aux con- férences. Ce sont MM. Rabaud de Saint-Etienne, Target, Chapelier, Mounier, d'Ailly, Thouret, Du-