Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/114

Cette page n’a pas encore été corrigée

de l'Assemblée nationale constituée, mais d'une collection de citoyens patriotes, envoyés et non arbitres, ne seront'point chargés de concerter des plans de conciliation nuisibles au vœu exprés et rigoureux de nos mandats -, mais, l'olivier à la main et la patrie devant les yeux, ils porteront des paroles de paix, ils emploieront les grandes considérations d'intérêt public et tous les moyens que le patriotisme leur suggérera pour engager les ordres privilégiés à se soumettre à l'opinion publique qui a déjà prononcé ; ils sèmeront, pour me servir de l'expression heureuse d'un membre de cette Assemblée, la lumière parmi les ténèbres; et nous obtiendrons peut-être l'avantage inap- préciable de voir les deux premiers ordres vo- lontairement incorporés à l'Assemblée nationale, concourir à l'établissement d'une constitution qui ne sera telle qu'il nous convient de l'avoir que dès qu'elle sera l'ouvrage de tous les codé- putés aux Etats généraux.

Ces conférences, nous dit-on, ne produiront rien, et on nous cite le colloque de Poissy et une multitude d'autres conférences rendues inu- tiles par l'esprit de parti ; mais si l'on jugeait du temps présent par les temps passés, quel triste augure pour les Etats généraux de 1789 I

Elles ne produiront rien, je le veux ; mais n'est- ce pas un succès que de convaincre nos commet- tants que nous avons délibéré avant d'agir ; que la réflexion, l'esprit de sagesse et de maturité ont présidé aux résolutions vigoureuses et dé- finitives que nous serons dans le cas de prendre après avoir épuisé tous les moyens possibles de conciliation? Eh ! que risque-t-on d'adopter ce parti? On perd du temps. Oui ; mais il faut savoir en perdre ; il faut savoir aussi que l'on gagne tout celui qui est donné à la prudence. On perd du temps... Mais s'agit-il donc d'une occasion telle- ment décisive qu'il ne nous soit plus possible de la retrouver et qu'il ne nous reste que le regret de ne l'avoir pas saisie? Dans huit jours, comme aujourd'hui, nous serons à môme de donner à la motion de M. Chapelier toute l'attention qu'elle mérite ; dans huit jours, et j'en atteste l'accueil qu'elle a reçu, nous nous trouverons ici avec les mêmes principes, la même fermeté, le même patriotisme; dans huit jours, corroborés par les députations de la capitale, nous ne nous expose- rons pas aux reproches d'avoir pris une délibé- ration infiniment importante sans le concours d'une portion aussi considérable que précieuse de nos collègues.

Tant d'avantages attachés à la lenteur de notre marche seraient-ils balancés par la considération que l'on se propose de faire, que nos démarches pourraient être présentées par les corps privilé- giés comme une adhésion à leurs principes, ou comme une espèce de reconnnaissance que l'As- semblée nationale s'est constituée en Chambre du tiers ? Je respecte l'excès de délicatesse qui a in- spiré cette crainte ; j'en aime la cause, et je me garderais bien d'attaquer la conséquence si je ne

Êouvais le faire sans porter atteinte au principe, e tels soupçons, pour être fondés, devraient avoir un but d'utilité pour les ordres privilégiés; et ce but, que j'ai peine à apercevoir en politi- que, devrait être quelque chose de vraisemblable ou de possible.

Or, en admettant la supposition et en portant les choses à l'extrême, que résulterait-il de ce que les ordres privilégiés nous regarderaient comme constitués et s'efforceraient de nous faire regarder comme tels? Que nous serions consti- tués? non vraiment.

Qu'en résulterait-il donc encore? que ce bruit répandu nous priverait de la confiance de nos commettants et du secours de l'opinion publique? Cela est plus à craindre que possible. Il faudrait d'autres preuves que des propos pour persuader au public, qui a les yeux ouverts sur nous, qui sait et juge les motifs de nos démarches, que l'élite de la nation, qui a les mains liées sur la délibération en commun et la votalion par tête, qui ne peut s'en écarter sans perdre ses pou- voirs, a, dès le premier pas, compromis ses in- térêts et trahi sa confiance. Respectons assez nos collègues privilégiés, respectons assez le public, respectons-nous assez nous-mêmes pour écarter ces vaines terreurs. Le public attend de nous de la fermeté ; il en a le droit, et il ne sera pas trompé. Mais c'est à la prudence de diriger et d'éclairer cette fermeté. Elle peut et doit s'allier avec les égards dus aux premiers citoyens de l'Etat, même lorsqu'ils se trompent, et avec les démarches conciliatoires propres à les ramener au but dont ils s'écartent. Et quelles sont donc celles que nous avons faites? Les avons-nous multipliées à raison de notre intérêt, du désir et du besoin qu'a la patrie de leur concours pour une bonne constitution ? Un seul envoi officiel de quelques membres a eu lieu dans le principe... Est-ce là avoir épuisé les procédés, les invitations, les instances? Sont-ce là tous les efforts préli- minaires à un schisme si terrible dans ses con- séquences, et à un manifeste authentique de séparation?... La voie des conférences proposées peut devenir inutile, mais elle ne saurait, sous aucun rapport, être nuisible.

Cette motion est écoutée avec le plus grand intérêt. Elle détermine un grand nombre de membres à voter d'après le plan de M. Rabaud.

M. Delandinc, député du Forez, fait une motion semblable à celle de M. Rabaud.

M. de Volney désire que les auteurs des deux motions confèrent ensemble, en associant à leurs conférences quelques membres de l'Assemblée à leur choix, à l'effet de chercher à fondre les deux motions en une seule, dont le but serait: 1° de renouveler une invitation aux deux pre- miers ordres de se rendre dans la salle commune pour compléter l'Assemblée des Etats généraux; 2° de contérer avec les autres commissaires sur les moyens de les engager à revenir; 3° de pro- poser le parti à prendre en cas de refus constant et invincible.

La suite des délibérations est remise à la séance suivante.





ÉTATS GÉNÉRAUX.

Séance du samedi 16 mai 1789[1].

CLERGÉ.

Plusieurs curés lisent et déposent sur le bureau une déclaration signée d'eux, contenant qu'ils ne se croient pas liés par la résolution relative à la rédaction des cahiers prise par des individus qui ne représentaient point les Etats généraux ; que leurs pouvoirs les chargeaient de remettre les cahiers dont ils sont porteurs aux Etats généraux ;

  1. Cette séance est incomplète au Moniteur.