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ÉTATS GÉNÉRAUX.

Séance du vendredi 15 mai 1789[1].


CLERGÉ.


M. le Président rend compte de la mission dont il a été chargé près du Roi, relativement à la députation que le clergé se proposait de lui envoyer. Il fait part de la réponse du Roi : « Je vous verrai tous avec plaisir. »

On propose ensuite de faire provisoirement le dépouillement des cahiers de tous les bailliages. Cette proposition est acceptée à la pluralité, à condition que l’on ne fera pas mention des pouvoirs concernant la délibération par ordre ou par tête, et que le dépouillement se fera par ordre de matière.

NOBLESSE.


M. le comte de Montboissier, président, donne lecture de la lettre suivante qu’il vient de recevoir de M. le comte d’Artois :

Versailles, ce 15 mai 1789.

Je vous prie, Monsieur, de faire part à la Chambre de la noblesse que j’ai reçu par M. le baron de Batz, sénéchal du duché d’Albret, l’offre de la députation de la noblesse de la sénéchaussée de Tartas ; elle m’a été offerte de la manière la plus flatteuse et la plus honorable, et je n’oublierai jamais la sensible reconnaissance que je dois à cette marque d’estime et de confiance ; je vous prie encore, Monsieur, de bien exprimer à la Chambre de la noblesse qu’un descendant d’Henri IV sera toujours honoré de se trouver parmi des gentilshommes français ; assurez-les que mon désir le plus ardent eût été de siéger avec eux et de partager leurs délibérations, surtout dans une circonstance aussi importante. Mais chargez-vous en même temps de déposer dans le sein de la Chambre les regrets aussi pénibles que sincères que j’éprouve d’être forcément obligé, par des circonstances particulières, à ne pas accepter cette députation ; il m’eût été bien doux de mieux connaître, de mieux apprécier encore, s’il est possible, les sentiments qui distinguent la noblesse française. Mais, Monsieur, certifiez en mon nom à toute la Chambre, que forcé de renoncer en ce moment à l’espoir d’être un de ses membres, elle peut compter qu’elle trouvera toujours en moi les mêmes sentiments que je n’ai jamais cessé de démontrer et que je conserverai éternellement. Je profite avec empressement de cette occasion pour vous témoigner, Monsieur, mes sentiments et ma parfaite estime.

Votre affectionné ami
CHARLES-PHILIPPE.

Après la lecture de cette lettre la Chambre prend l’arrêté suivant :

Du 15 mai 1789.


La Chambre de la noblesse a arrêté que son président se retirerait par-devant M. le comte d’Artois, pour assurer ce prince, que la noblesse a reçu avec la plus grande sensibilité la communication de la lettre dont il a honoré le président ; qu’elle a reconnu dans cette lettre les sentiments d’un digne descendant d’Henri IV ; et que le président offrirait à M. le comte d’Artois les remerciements, les regrets et les respects de la Chambre.

MONTBOISSIER, président.
CHALLOUET, secrétaire.


Le président s’étant rendu auprès de M. le comte d’Artois, fait connaître, à son retour, la réponse verbale du prince qui a dit :

Monsieur, j’essayerais en vain de vous exprimer toute la reconnaissance que m’inspire la démarche honorable pour moi, dont la Chambre de la noblesse vous a chargé et les regrets qu’elle veut bien éprouver ; ils augmenteraient ceux que ressent mon cœur, si cela était possible ; mais, Monsieur, veuillez parler encore en mon nom à la Chambre et lui donner la ferme et certaine assurance, que le sang de mon aïeul m’a été transmis dans toute sa pureté, et que tant qu’il m’en restera une goutte dans les veines, je saurai prouver à l’univers entier, que je suis digne d’être né gentilhomme français.

On continue ensuite l’examen et le jugement des pouvoirs contestés. Le baillage d’Auxerre, à qui le règlement ne donnait qu’une députation, a cru que sa population lui permettait d’en faire deux. En reconnaissant la légitimité de cette prétention, on prononce que le bailliage doit suivre le règlement.

Un membre fait considérer que si on tolère une pareille infraction, on sera assailli d’une foule de doubles et de triples députations.

La séance est levée.

COMMUNES.

L’importance de la question dont l’Assemblée est occupée, et la diversité des opinions qu’elle a fait naître, déterminent à recueillir les voix par appel de bailliage, en laissant à chacun la liberté de motiver son avis.

Plusieurs membres proposent de protester sur la déclaration faite par la noblesse qu’elle se regarde comme constituée, et de nommer ensuite des commissaires pour chercher, par des motifs d’intérêt national, à les ramener à l’union entre les ordres. D'autres sont d’avis de nommer des commissaires conciliateurs, sauf à protester ensuite si leur mission ne procure aucun effet.

M. Viguier, député de Toulouse. J’observe qu’avant de se livrer à des moyens rigoureux, propres à éteindre à jamais tous les principes d’harmonie, il faut du moins entendre ce que les commissaires veulent proposer ; la paix est trop précieuse pour ne pas l’acheter, s’il est possible, par quelques jours d’attente.

MM. Thouret et Barnave présentent les mêmes sentiments.

M. Boissy-d’Anglas, député du Languedoc. Le même principe détermine en vous des résolutions différentes, et quoique vos avis soient opposés en plusieurs points, des motifs semblables les ont excités. Sans avoir la prétention d’ajouter beaucoup de lumières à la masse de celles que la discussion actuelle a déjà fait naître, j’o-

  1. Cette séance est incomplète au Moniteur.