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quand leur volonté suprême a prononcé des mandats rigoureux.

Quand donc un député exprime son opinion, il n’est pas permis à personne d’oser l’interrompre. C’est manquer au respect dû au bailliage qu’il représente, c’est manquer à celui que nous devons tous à notre ordre, c’est infirmer par cet acte seul la validité des délibérations. Elles sont nulles de droit, si un seul député n’a pas eu la possibilité d’expliquer sa pensée ; d’autant, Messieurs, que trop souvent l’extrême timidité est le partage des grands talents et que tel qui, caché au milieu de vous, ose à peine élever la voix et qu’une interruption brusque intimide, n’a conservé cette timidité que par les mêmes moyens qui forment l’indépendance des principes, la pureté des opinions : ils ne naissent et ne se fortifient que dans le silence et la retraite ; tandis que l’usage seul inspire l’assurance de parler devant une si auguste Assemblée.

Un règlement sage mais précis, et sévèrement exécuté, maintiendra parmi nous la liberté et la décence ; et on ne nous verra pas, en demandant la liberté publique, proscrire la liberté des opinions.

Au milieu des orages qui peut-être nous entourent, notre Chambre, toujours calme et guidée par cette fermeté inébranlable, qui naît du témoignage de sa conscience et du respect pour les lois, offrira un spectacle imposant, fait pour rallier à nous les ordres de l’Etat.

Egalement pénétrés d’égards pour le clergé et les communes, notre sagesse, notre calme et la tranquillité de nos débats prouveront à tous les ordres que nos diversités d’opinions ne sont maintenues par aucun éloignement, fomentées par aucune aigreur ; que, soumis à la loi, asservis à la raison, nous ne savons au péril de notre vie nous soumettre qu’à elles seules , mais aussi que toutes les voies de conciliation et de concorde seront toujours accueillies dans une Chambre qui sait écouter les avis divers sans émotion et entendre sans tumulte le débat des opinions les plus opposées.

De sages règlements peuvent seuls nous procurer cet avantage, et je supplie la Chambre de délibérer sur le moyen de nous les procurer.

Les dissidents du Dauphiné sont admis et entendus dans la même séance.

M. le marquis de Blacons, député par les Etats de cette province, leur demande s’ils agissent en leur nom seulement, ou comme députés ? Il ajoute que, dans le cas où ils prétendent agir au nom d’autres gentilshommes ou ecclésiastiques, ils doivent remettre leurs pouvoirs.

M. de Leyssin, archevêque d’Embrun, répond qu’ils agissent individuellement et en leur seule qualité de citoyens.

Un des membres de la noblesse demande aux députés du Dauphiné s’ils reconnaissent la Chambre pour juge.

M. de Blacons répond qu’ils ne peuvent avoir d’autres juges que les ordres réunis, puisqu’ils ont été élus par les trois ordres, et représentent la province du Dauphiné ; mais que, par respect pour la noblesse, ils s’empressent de lui prouver que les protestations des dissidents sont peu fondées, sans entendre néanmoins être jugés par elle.

Une députation de l’ordre du clergé remet à la Chambre l’arrêté pris par celle du clergé, le 7 mai, pour nommer des commissaires conciliateurs.

La séance est levée.

COMMUNES.


Une députation de quinze gentilshommes dissidents du Dauphiné, à la tête desquels est M. de Leyssin, archevêque d’Embrun, se présente. Ils annoncent qu’ils attaqueront la constitution de leur province et la nomination de ses députés.

Les communes déclarent qu’elles ne sont encore rien, qu’elles ne forment point un ordre, mais une simple assemblée de citoyens réunis par une autorité légitime pour attendre d’autres citoyens ; qu’elles ne peuvent par conséquent examiner leur réclamation.
Un des membres annonçant que les communes allaient recevoir une députation du clergé, demande qu’on délibère pour savoir qui recevra les députés du clergé, comment on les recevra, et comment on leur répondra.

M. Malouet, l’un des députés de Riom, dit que l’Assemblée ne pouvant pas délibérer comme Chambre constituée, doit au moins se former en grand comité, parce que sous cette forme elle peut conférer de ses intérêts, les discuter et les connaître sans compromettre aucun de ses droits, aucune de ses protestations.

La majorité de l’Assemblée rejette cette opinion.





ÉTATS GÉNÉRAUX.

Séance du mardi 12 mai 1789.



CLERGÉ.


On nomme une députation de douze membres pour assister au service du feu Roi. La vérification des pouvoirs est suspendue jusqu’à l’issue des conférences conciliatoires proposées aux deux autres ordres ; la séance est terminée sans aucune opération ultérieure.

NOBLESSE.


L’arrêté apporté hier par la députation de l’ordre du clergé est pris aujourd’hui en considération.

La proposition du clergé est adoptée en ces termes :

Sur ce qui a été observé que l’arrêté pris par l’ordre du clergé, le 7 de ce mois, et remis hier à la Chambre par les députés de cet ordre, contenait, de sa part, l’invitation de nommer des commissaires, à l’effet de concerter et conférer avec les commissaires des autres ordres, il a été proposé de prendre cet objet en considération ; et la matière mise en délibération, il est arrêté, à la pluralité de 173 voix, de nommer, dès à présent, des commissaires pour se concerter avec les deux autres ordres.

Il est décidé que cet arrêté et ceux précédemment pris par la Chambre seront communiqués aux deux autres ordres par une députation.

Une députation de douze membres est nommée pour assister au service de Louis XVI.

La séance est levée.