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faisant les fonctions de président, emporte la clef.

NOBLESSE.


La noblesse ne s’est pas assemblée.

COMMUNES.


L’appel nominal qui avait été commencé dans la séance de la veille est continué dans celle-ci. L’objet de la délibération est d’adopter le règlement ou de le rejeter, ou bien, sans statuer à cet égard, de laisser provisoirement la police de l’Assemblée à M. le doyen.

Ce dernier avis obtient la majorité, et l’on décide que M. le doyen aura la police provisoire de l’Assemblée jusqu’à ce qu’elle soit constituée. La séance est levée et remise au lundi 11 mai.





ÉTATS GÉNÉRAUX.

Séance du lundi 11 mai 1789.



CLERGÉ.


On procède à la continuation de l’ouverture des billets du scrutin pour la nomination des commissaires conciliateurs. La vérification faite, M. le président annonce que la pluralité s’est réunie en faveur de :

MM. Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux
144 voix.
De la Luzerne, évêque de Langres.
118
Coster, chanoine de Verdun
103
Dillon, curé
49
Richard
49
Thibault, curé
42
Lefèvre, curé
41
Lefranc de Pompignan, archevêque de Vienne


Ensuite on nomme une députation pour l’ordre de la noblesse, chargée de lui faire part du désir de MM. du clergé de former une commission des différents ordres pour conférer à l’amiable sur les moyens de procéder à la vérification des pouvoirs. La délibération est portée, écrite et non signée, attendu que l’ordre du clergé n’ayant pas vérifié ses pouvoirs d’une manière définitive n’est pas légalement constitué.

Les gentilshommes opposants du Dauphiné se rendent à l’Assemblée du clergé. M. l’archevêque de Vienne dit qu’il se réserve et à ses co-députés, lorsqu’il en sera temps, de repousser leur prétention.

NOBLESSE.


L’Assemblée de la noblesse tient ce jour une séance de 7 heures, dans laquelle elle délibère qu’elle se regarde comme suffisamment constituée pour procéder à la vérification des pouvoirs.

M. le comte d'Antraigues prononce, à cette occasion, le discours suivant[1]:

Je vous prie, Messieurs, de permettre qu’avant d’énoncer mon opinion sur la démarche que les communes ont faite pour engager l’ordre de la noblesse à reprendre sa place dans la Chambre où le Roi a ouvert les États généraux, je rappelle ici notre première délibération, son objet, les motifs qui, en nous assujettissant à nos mandats, nous ont engagés à prendre les résolutions qui ont été sanctionnées lors de notre première Assemblée.

Cette Assemblée d’États généraux a été précédée, de la part de l’administration, d’une foule d’irrégularités qui ont occasionné les embarras qui nous investissent de toute part. L’administration nous a considérés, avant l’ouverture des États généraux, comme une Assemblée incomplète, puisque, par sa faute, nous étions dénués de plusieurs députés des bailliages qui n’ont pas eu la possibilité d’élire et d’envoyer leurs députés à Versailles ; ou elle nous a reconnus, malgré l’absence de quelques-uns de nos collègues, comme suffisamment complets pour procéder à l’ouverture des États généraux.

Si l’administration nous a regardés comme incomplets, pourquoi nous a-t-elle mis en activité après avoir, par sa faute, causé l’absence de nos collègues ?

Si elle nous a envisagés comme autorisés à procéder sans eux et formant légalement les États généraux, pourquoi nous a-t-elle ravi nos usages et nos privilèges ?

Nos usages sont de nous assembler dans la Chambre de chaque ordre, avant l’ouverture des États généraux, d’y procéder à l’élection d’un président, d’un secrétaire, de deux orateurs évangélistes, du secrétaire, et à faire le choix d’un orateur pour parler au Roi et lui porter le vœu de l’ordre. Nos privilèges sont, en ce jour si solennel, de nous adresser au Roi par l’organe de nos orateurs, de lui présenter, avec nos vœux pour son bonheur, des vérités que souvent on lui cache et qu’il lui importe de connaître à l’ouverture des Etats généraux, afin que le Roi, chargé de gouverner la nation, le soit lui-même par l’opinion publique.

Privés de tous nos usages, dénués de nos privilèges, l’ordre l’a été aussi de la possibilité de faire vérifier les pouvoirs de ses membres avant la tenue des États, en telle sorte qu’ils ont été composés jusqu’à ce jour de personnes que la seule notoriété a placées au rang de députés des bailliages.

Les États généraux ont été composés, depuis 1303, de trois ordres de citoyens : des députés, du clergé, de ceux de la noblesse et de ceux des communes. La loi de 1355, sur le fait des délibérations, et l’usage de cette loi depuis 1550, prouvent que chaque ordre délibérant à part, le consentement des trois ordres, et la sanction du Roi ont formé les lois et légitimé les subsides.

On a émis le désir, dans plusieurs bailliages, de changer cet ordre et de réunir tous les citoyens de tous les ordres dans une même Chambre, afin que les voix y étant recueillies par tète, la pluralité des suffrages y forme la loi.

Le temps n’est pas venu encore de discuter les avantages ou les inconvénients de cette manière de délibérer ; mais la plupart des mandats de notre ordre nous prescrivent de conserver l’ancienne manière d’opiner aux Etats généraux.

En cet état de cause, la motion de vérifier nos pouvoirs dans notre ordre, ou en commun avec les trois ordres, s’est élevée : elle a été débattue avec sagacité et chaleur.

  1. Le discours de M. le comte d’Antraigues n’a pas été inséré au Moniteur.