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[Convention nationale.] Archives Parlementaires. [21 septembre 1792.]

intérêts, délibérer dans un moment d’enthousiasme. Je demande que la question soit discutée.

Plusieurs membres : À l’ordre ! à l’ordre !

Basire. Je ne crains pas que l’on m’accuse d’aimer les rois ; le premier, j’ai élevé la voix contre Louis XVI, et certes je ne serai pas le dernier à prononcer l’abolition de la royauté ; mais, citoyens, ce que je crains, ce que je redoute, c’est l’enthousiasme. Certes, il faut abolir la royauté ! Le peuple veut cette abolition ; il le faut ! Mais une décision de cette importance, que sans doute tous les peuples d’Europe prendront avec vous, mérite d’être précédée d’une discussion solennelle. (Murmures prolongés.)

Grégoire. Eh ! qu’est-il besoin de discuter quand tout le monde est d’accord ? Les rois sont dans l’ordre moral ce que les monstres sont dans l’ordre physique. Les Cours sont l’atelier du crime, le foyer de la corruption et la tanière des tyrans. L’histoire des rois est le martyrologe des nations. Dès que nous sommes tous également pénétrés de cette vérité, qu’est-il besoin de discuter ? Je demande que ma proposition soit mise aux voix, sauf à la rédiger ensuite avec un considérant digne de la solennité de ce décret. (Double salve d’applaudissements.)

Ducos, l’aîné. Le considérant de votre décret, ce sera l’histoire des crimes de Louis XVI, histoire déjà trop bien connue du peuple français. Nous devons le prononcer dans notre première séance ; le peuple l’a prononcé avant nous. (Applaudissements.) Je demande donc qu’il soit rédigé dans les termes les plus simples ; il n’a pas besoin d’explication après les lumières qu’a répandues la journée du 10 août.

Billaud-Varenne et plusieurs autres membres : Appuyé ! appuyé !

Manuel. Le pacte social commence aujourd’hui ; quand le peuple commence un pacte social, il n’a pas de roi, puisque c’est lui qui les fait. Vous ne pouvez pas abolir la royauté ; elle n’existe pas. Mais vous pouvez déclarer que la nation ne veut pas de roi ; que la nation ne reconnaît pas de royauté. Ainsi, substituons au mot d’abolition un mot qui soit d’accord, et avec les principes, et avec nos sentiments profonds de haine. (Applaudissements.)

Un membre : Je demande que le premier qui sera assez lâche pour proposer un roi à sa patrie, soit condamné à mort.

D’autres membres : La clôture ! la clôture !

(L’Assemblée ferme la discussion.)

(Il se fait un profond silence.)

Le Président. Je mets aux voix la proposition de M. l’abbé Grégoire :

« La Convention nationale décrète que la royauté est abolie en France. »

(L’Assemblée décrète cette proposition à l’unanimité.)

(Des acclamations de joie, des cris de : Vive la nation ! répétés par tous les spectateurs se prolongent pendant plusieurs instants.)

Thuriot. Je demande de décréter que le procès-verbal de la séance sera envoyé aux départements et aux armées, par des courriers extraordinaires, et que le décret qui prononce l’abolition de la royauté sera proclamé solennellement demain par la municipalité de Paris, et, dans toutes les municipalités, le lendemain de la réception.

(L’Assemblée adopte la proposition de Thuriot.)

Rabaut de Saint-Étienne. Je propose pour célébrer un si mémorable événement que le canon soit tiré et que ce soir on illumine les rues de Paris.

Basire. Le peuple français aime trop ardemment la liberté pour qu’il soit nécessaire de l’exciter à témoigner sa joie lorsqu’on prononce la destruction de la tyrannie. Je réclame l’ordre du jour.

(L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur la proposition de Rabaut de Saint-Étienne.)

La compagnie de chasseurs, qui avait sollicité son admission, est admise à la barre.

Elle entre au son de la trompe militaire et jure, sur ses armes, de ne revenir qu’après avoir triomphé de tous les ennemis de la liberté et de l’égalité.

Le chef qui les commande offre, en leur nom, une journée de paye montant à 225 livres, pour les veuves et les orphelins des héros de l’égalité. (Applaudissements.)

Le Président. Citoyens, l’Assemblée nationale, confiante en votre courage, reçoit vos serments. La liberté de votre patrie sera la récompense de vos efforts. Pendant que vous la défendrez par la force de vos armes, la Convention nationale la défendra par la force des lois. La royauté est abolie... (Il s’élève des applaudissements universels.)

Les jeunes guerriers républicains réitèrent avec une nouvelle énergie le serment de défendre jusqu’à la mort la liberté et l’égalité. Ils offrent, par un mouvement spontané, deux journées de leur solde.

(L’Assemblée reçoit leur hommage et leur permet de défiler.)

Vive la Nation ! s’écrient-ils aussitôt ; ils mettent leurs casques au bout de leurs fusils, et, élevant en l’air cet emblème, ils traversent la salle.

Chasseurs, pas de roule ! leur dit le commandant.

Au chant du Ça ira, ils s’éloignent vers l’armée.

Thuriot. Je demande l’impression du discours prononcé au bâtiment national des Tuileries par l’orateur des citoyens qui composaient l’Assemblée nationale législative et celle de la réponse du Président de la Convention nationale, d’en ordonner l’insertion au procès-verbal et l’envoi aux départements.

(L’Assemblée adopte la proposition de Thuriot et s’ajourne à sept heures du soir.)

(La séance est levée à quatre heures.)

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