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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

« Nul ne devra se plaindre quand on ne fera aucune chose qui n’ait cette fin, quand on réglera les dépenses sur le pied auquel elles étaient du temps du feu roi, et quand le roi même, qui en tels cas est au-dessus des règles, voudra servir d’exemple.

« La reine votre mère, Sire, vous supplie de trouver bon qu’elle fasse d’elle-même, en cette occasion, ce que votre piété envers elle ne vous permettrait pas seulement de penser, c’est-à-dire qu’elle se réduise à moins de revenu qu’elle n’avait du temps du feu roi, étant vrai qu’elle n’a point amélioré sa condition, lorsque pendant la minorité de Votre Majesté elle a accru celle de beaucoup d’autres pour le bien de votre service.

« Après avoir été contrainte d’augmenter en ce temps les dépenses de l’État, pour en conserver le corps en son entier, elle vous conseille de les retrancher pour la même cause.

« Divers temps requièrent d’ordinaire divers et contraires moyens pour une même fin : ce qui est bon en l’un est souvent préjudiciable en l’autre.

« Dans les grandes tempêtes, il faut partager son bien avec la mer, pour soulager le vaisseau et éviter le naufrage : la prudence requiert que l’on en use ainsi, afin de ne perdre pas tout en voulant tout sauver. L’intérêt des particuliers n’y oblige pas moins que celui du public. Rien n’étant plus vrai que ce qu’a dit un ancien prélat de ce royaume, qu’il est impossible que l’abondance et les richesses des personnes privées puissent subsister quand l’État est pauvre et nécessiteux.

« Par tels ménages, on pourra diminuer les dépenses ordinaires de plus de 3 millions, somme considérable en elle-même, mais qui n’a point de proportion aux fonds qu’il faut trouver pour égaler la recette à la dépense.

Reste donc à augmenter les recettes, non par de nouvelles impositions que les peuples ne sauraient plus porter, mais par moyens innocents qui donnent lieu au roi de continuer ce qu’il a commencé à pratiquer cette année, en déchargeant ses sujets par la diminution des tailles.

« Pour cet effet, il faut venir aux rachats des domaines des greffes et autres droits engagés qui montent à plus de 20 millions, comme à chose non-seulement utile, mais juste et nécessaire.

« Il n’est pas question de retirer par autorité ce dont les particuliers sont en possession de bonne foi ; le plus grand gain que puissent faire les rois et les États est de garder la foi publique qui contient en soi un fonds inépuisable, puisqu’elle en fait toujours trouver ; il faut subvenir aux nécessités présentes par d’autres moyens.

« Le roi a fait des choses qui ne sont pas moindres, et Dieu lui fera la grâce d’en faire de plus difficiles. Si l’on vient à bout de ce dessein, et que la France jouisse tous les ans du revenu qui proviendra de ces rachats, ce qui semble à présent impossible, et qui toutefois est nécessaire pour le bien de l’État, sera lors très-facile à Sa Majesté. Les peuples qui contribuent maintenant plus par leur sang que par leur sueur aux dépenses de l’État seront soulagés, en sorte que, ne levant plus rien sur eux, que ce qui sera nécessaire, de peur qu’ils n’oublient pas leur condition, et perdent la coutume de contribuer aux frais publics, au lieu de sentir ce qu’on tirera d’eux, ils estimeront qu’on leur donnera beaucoup.

« Quand il sera question de résister à quelque entreprise étrangère, à quelque rébellion intestine (si Dieu en permet encore pour nos péchés), quand il sera question d’exécuter quelque dessein utile et glorieux pour l’État, on n’en perdra point l’occasion faute d’argent ; il ne faudra plus avoir recours à des moyens extraordinaire, il ne faudra plus courtiser des partisans pour avoir de bons avis d’eux et mettre la main dans leurs bourses, bien que souvent elle ne soit pleine que des deniers du roi.

« On ne verra plus les cours souveraines occupées des édits nouveaux ; les rois ne paraîtront plus en leur lit de justice que pour faire avec raison ce qu’ils auront fait dans un autre temps, non sans raison toutefois, puisque la nécessité en est une bien forte.

« Enfin, toutes choses seront en l’état auquel dès longtemps elles sont désirées des gens de bien, auquel elles pourront subsister des siècles entiers, et auquel les bénédictions du ciel seront perpétuelles compagnes de la puissance et des actions des rois, qui n’auront autre but que la gloire de Dieu, la grandeur de leur royaume et le bonheur de leurs sujets.

« On dira volontiers, et peut-être le penserai-je moi-même, qu’il est aisé de se proposer de si bons desseins, que c’est chose agréable d’en parler, mais que l’exécution en est difficile : et cependant, après y avoir bien pensé, j’ose dire, en la présence du roi, qu’il se peut trouver des expédients par lesquels, dans six ans, on verra la fin et la perfection de cet ouvrage.

« Le roi, Messieurs, vous a assemblés expressément pour les chercher, les trouver, les examiner et les résoudre avec vous ; Sa Majesté vous assurant qu’elle fera promptement et religieusement exécuter ce qu’elle arrêtera sur les avis que vous lui donnerez pour la restauration de cet État.

« Les malades, mourant aussi bien quelquefois pour être surchargés de remèdes, que pour en être privés, j’estime être obligé de dire en passant que, pour rétablir cet État en sa première splendeur, il n’est pas besoin de beaucoup d’ordonnances, mais bien de réelles exécutions.

« Cette assemblée, par ce moyen, pourra finir plus promptement, bien qu’elle doive être perpé-