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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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ments de l’honneur véritable et de la solide vertu.

« Les crimes qui se commettent en secret se prouvent par témoins et circonstances que l’on ne recevrait pas en un autre crime, et le droit canon, pour arrêter le cours et la trop grande facilité des simonies et des confidences, a reçu pour preuves plusieurs actes qui, aux autres crimes ne passeraient que pour conjectures. Mais les lois civiles passent bien plus avant, ayant voulu qu’en faction l’on exécute promptement sans attendre les procédures.

« C’est, Messieurs, ce que vous aurez à considérer, pour donner au roi, sur ces points et sur tous les autres qui vous seront proposés, des avis dignes de votre expérience et capacité, et de la fidélité et affection que vous avez à son service. »

Après que M. le garde des sceaux eut fini, M. le maréchal de Sehomberg parla des affaires de la guerre, et dit que l’intention du roi était d’entretenir 30 000 hommes de guerre et de les bien payer, et que le roi l’avait chargé de mémoires pour trouver le moyen de fournir à cette dépense, lesquels il communiquerait à l’assemblée.

Après lui, M. le cardinal de Richelieu se lève, et selon son éloquence et grâce de bien dire ordinaires, adressant la parole au roi, dit :

« Il n’est pas besoin, â mon avis, Sire, de représenter à cette célèbre compagnie les grandes actions que Votre Majesté a faites depuis un an, tant parce que M. le garde des sceaux s’en est fort dignement acquitté, que parce qu’elles parlent d’elles-mêmes, et qu’il n’y a personne qui ne voie que Dieu a voulu se servir de la piété, de la prudence et du courage qu’il a mis en Votre Majesté pour faire en peu de temps, à l’avantage de cet État, ce que beaucoup estimaient impossible en des siècles.

« Il n’est pas aussi besoin de leur faire entendre les grandes dépenses qui ont été causées par ces signalées actions, parce que chacun sait qu’en matière d’État les grands effets ne se font pas souvent à peu de frais, et que le grand nombre de gens de guerre que Votre Majesté a été contrainte de tenir en même temps en divers lieux, tant au dehors qu’au dedans du royaume, fournit aux clairvoyants autant de sujets d’admirer votre puissance et d’être étonnés par des dépenses si excessives, comme la faiblesse des plus simples leur peut donner lieu de douter de la possibilité de ce qu’ils ont vu de leurs propres yeux en ces occasions.

« Il n’y a personne d’entre vous, Messieurs, qui ne sache avec quelle pureté ces dépenses ont été ménagées, et combien elles étaient nécessaires : la probité de ceux qui ont administré les finances justifie le premier point ; et l’oppression des alliés de cette couronne, la rébellion que ceux qui sont rebelles à Dieu ont fait en ce royaume, les mouvements projetés et formés au même temps par personnes qui voulaient, contre les intentions du roi et de tout ce qui le touche de plus près, se prévaloir par la perte de la France des occupations que Sa Majesté avait pour la rétablir en sa psemière splendeur, font assez connaître la vérité du second.

« L’utilité que cet État et ses alliés reçoivent de telles dépenses fait qu’elles ne sont pas à rejeter, et que la France a tout sujet de s’en louer au lieu de s’en pouvoir plaindre.

« Les affaires sont maintenant, grâce à Dieu, en assez bon état ; mais on n’oserait se promettre qu’elles y demeurent toujours ; et il faudrait n’avoir point de jugement pour ne connaître pas qu’il faut les pousser plus avant.

« Il faut, pour nécessité, ou laisser ce royaume exposé aux entreprises et aux mauvais desseins de ceux qui en méditent tous les jours l’abaissement et la ruine, ou trouver des expédients assurés pour l’en garantir.

« L’intention du roi est de le régler, en sorte que son règne égale et surpasse le meilleur des passés, et serve d’exemple et de règle à ceux de l’avenir.

« L’assistance particulière qu’il a toujours plu à Dieu lui donner jusqu’à présent, dans les affaires même qui semblaient les plus déplorées, nous donne sujet d’espérer l’effet de ses bons desseins.

« Étant secondé comme il l’est des sages conseils de la reine, sa mère, et du concours de Monsieur son frère, que je puis dire avec vérité être si étroitement attaché aux volontés de Sa Majesté et aux intérêts de l’État, que rien ne l’en peut se parer : je ne vois pas lieu d’en douter.

« Puisqu’il n’y a que Dieu qui fasse quelque chose de rien, pour parvenir à de si bonnes fins, il faut de nécessité, ou diminuer les dépenses ordinaires de l’épargne, ou en augmenter les recettes, ou faire tous les deux ensemble.

« Il est impossible de toucher aux dépenses nécessaires pour la conservation de l’État ; y penser seulement, serait un crime. C’est pourquoi Sa Majesté, préférant le public à son particulier, veut de son mouvement retrancher sa maison dans les choses mêmes qui touchent sa propre personne, vous laissant à juger comme il en faudra user au reste

« On pourrait penser que cette saison ne serait pas propre à tels retranchements, qui aliènent et retranchent quelquefois l’affection des cœurs : mais en l’ordre qu’on veut établir, les grands et petits trouveront leur compte ; tous auront prix selon qu’ils feront bien : la médiocre condition des uns ne fera point mépriser leurs services, et ceux des grands seront d’autant mieux reconnus, que la qualité des personnes qui les auront rendus les rendra plus recommandables.

« Les règles les plus austères sont et semblent douces aux plus déréglés esprits, quand elles n’ont en effet, comme en apparence, autre but que le bien public et le salut de l’État.