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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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mis cet état si bas que toutes les parties d’icelui en sont encore affligées.

« Trois années de guerre de 1620, 1621 et 1622, ont consommé des deniers immenses ; la dépense ayant monté telle année jusqu’à 40 millions de livres, tirés des secours extraordinaires qui ont surchargé le royaume de grandes dépenses, en gages et en rentes, et causé une incroyable diminution du revenu d’icelui.

« Nous croyions, après la prise de Montpellier, être en paix ; nous commencions à nous remettre des accès précédents, quand tout à coup nous avons vu une conspiration presque universelle contre cet État, tant dedans que dehors le royaume. Nos voisins teuaient de grandes armées sur les frontières de Champagne et de Picardie, prêtes à se jeter sur ces provinces, dont le roi recevait tous les jours de bons avis, qui l’obligèrent d’armer de son côté, et tenir sur ses frontières deux puissantes armées. La rébellion intestine le força de tenir encore des armées en Languedoc, en Guyenne et en Poitou, et une armée navale aux environs de la Rochelle, dont le fruit a été tel que les acclamations de joie en durent encore.

« Nos voisins ont voulu opprimer nos alliés, et essayer d’ôter à cette couronne les passages de la Valteline, qui lui appartiennent privativement à tous autres princes, par les anciennes alliances.

« La justice, la loi de l’alliance et l’honneur de la France ont nécessité le roi d’envoyer au secours des alliés et à la conservation des passages une puissante armée, et une autre en Italie, pour divertir les forces ennemies et les empêcher d’entreprendre sur nous.

« L’entretenement de toutes ces forces a épuisé toutes les finances, consommé une grande partie du fonds et revenus ordinaires de l’État, et endetté le roi de plus de 50 millions de livres.

« Sa Majesté aimant mieux prendre sur son propre fonds les moyens de repousser les ennemis dedans et dehors, que de surcharger son peuple, ni incommoder ses sujets en quelque sorte que ce soit ; car vous remarquerez, Messieurs, ce que vous aurez grand’peine à croire, et la postérité ne l’entendra jamais sans admiration, que le revenu ordinaire de l’État ne surpasse point 16 millions de livres, et la dépense en a monté en toutes les dernières années jusqu’à 36 ou 40 millions par an ; et néanmoins le roi n’a jamais accru les tailles qui se lèvent sur son peuple, ni retranché un quartier des rentes dues à ses sujets, ni des gages de ses officiers, ce qui ne se trouvera en aucun des siècles précédents. Mais d’autant que cette disproportion de la recette à la dépense donne lieu, par la nécessité, à beaucoup de moyens extraordinaires, Sa Majesté désirant l’éviter ci-après, a estimé qu’il n’y avait aucun meilleur moyen que d’égaler la recette à la dépense, augmentant l’un et diminuant l’autre.

« Pour diminuer la dépense, il ne peut se faire que par retranchement. Le roi a résolu de retrancher lui-même la dépense de sa propre maison et de ce qui en dépend, pour donner exemple à ses sujets : et afin qu’ils aient plus d’occasion de se retrancher eux-mêmes, il a fait son édit des lois sompluaires ; il a aussi déchargé son peuple de six cent mille livres sur les tailles de l’année prochaine.

« Il a éteint les charges de la connétablie et amirauté, et supprimé les gages et les dépenses que ces deux charges causaient, qui ne montent pas moins de 400 mille livres par an, outre les incommodités que la puissance et l’autorité des mêmes charges apportaient aux plus grandes et importantes affaires de l’État.

« Sa Majesté pense encore à d’autres grands retranchements, aux garnisons, aux gens de guerre de la campagne, par le rasement de plusieurs places qui ne servent que de dépenses inutiles et de moyens d’opprimer le peuple, et engager le roi à entretenir les armées dans les provinces, sitôt qu’il y a des mouvements dans le royaume.

« Il veut aussi que l’on examine l’état des dettes, pour retrancher celles dont on se peut décharger.

« Pour augmenter la recette, il faut chercher les moyens les moins nuisibles pour y parvenir par autre voie que de surcharges sur le peuple.

« Racheter les domaines engagés à vil prix, et les droits aliénés sur le sel et sur les tailles, et pour cela aviser les moyens les plus commodes, tant par la jouissance de peu d’années, que des deniers qui se pourront recouvrer de divers avis qui se proposent.

« De toutes lesquelles choses, messieurs des finances vous entretiendront au progrès de l’assemblée, pour en donner après votre avis à Sa Majesté.

« Vous aurez aussi à travailler sur l’établissement du commerce, comme au plus propre moyen d’enrichir le peuple et réparer l’honneur de la France.

« C’est chose digne de compassion ou d’indignation, de voir la léthargie en laquelle nous avons vécu depuis plusieurs années. Nos voisins nous assujettissent à toutes les rigueurs de leurs lois ; ils donnent le prix de nos denrées, et nous obligent de prendre les leurs à telle condition qu’il leur plaît. Les pirates, les Turcs et autres déguisés en Tures, viennent ravager nos côtes, enlèvent les sujets du roi, captifs en Barbarie, perdant leur liberté, leur fortune, et la plupart leur foi, par les tourments et les misères qu’ils souffrent parmi les infidèles. Il vous ôtent la pêche des morues aux Terres-Neuves ; et par l’aide de plusieurs de nos voisins, on a déjà retranché de beaucoup la pêche des harengs ; on vous a ôté celle des baleines au Spitzberg ; et peu à peu ce qui reste à la France se perdra, si nous demeurons davantage dans cet