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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

« En cette condition infatigable aux travaux, que ni le soleil, ni la pluie, ni les glaces, ni les orages, ni toutes les injures de l’air, n’ont pas la force de le détourner de l’exécution des choses qu’il a résolues.

« Et le dernier point, que je ne puis dire sans frémir, est le mépris des hasards ; car je tremble encore quand j’entends que les balles de canon ont passé si près de ses oreilles qu’il en oyait le sifflement, qu’on l’a vu couvert de la poudre que les balles de canon tombant à ses pieds faisaient rejaillir sur lui, qu’on a vu souvent les mousquetadcs tuer plusieurs personnes fort proches de Sa Majesté ; qu’on l’a vue dans les tranchées, et loger en des logis remplis de pourriture, puanteur et corruption qui infectaient toute la cour, Sa Majesté seule demeurant saine. Ce sont effets singuliers de cette grande générosité, mais tristes souvenances, qui nous remplissent d’horreur et de crainte.

« Sire, toute cette compagnie vous prie, avec moi, de vous garder désormais pour l’amour de votre peuple.

« Souvenez-vous, Sire, que nos vies sont attachées à la vôtre. Souvenez-vous que, quand vous mettez au hasard, vous menez tous vos sujets à la mort.

« Conservez-vous pour l’accomplissement des grands et glorieux desseins que la Providence divine a sur vous, pour la gloire de Dieu et la grandeur de cet État.

« Ce sont, Messieurs, quelques parts des riches et précieuses pièces que Sa Majesté a reçues du trésor céleste, et de la grâce abondante de la divine majesté sur lui. À quoi nous ajoutons l’assistance particulière que la même bonté lui rendtant au gouvernement de son État que de sa propre personne.

« En son État lui donnant moyen de découvrir les conjurations secrètes qui se sont faites contre son État et sa personne, et tirer de l’épaisseur des ténèbres palpables, en une claire et très-apparente lumière, les secrets de ces factions, nonobstant tous les serments et les très-étroites liaisons des conjurés sous lesquelles ils s’estimaient très-assurés, et l’eussent été, si cet œil tout pénétrant n’eût, par une grâce extraordinaire, fait connaître au roi, et rendu fort évident, ce qu’ils estimaient fort caché.

« Nous voyons encore l’assistance de Dieu sur le gouvernement du roi, rétablissant son autorité royale dans son royaume, et aux lieux desquels elle semblait en être bannie.

« Et en renouvelant la sagesse de l’État, lui donnant une nouvelle vigueur, et à nous l’espérance, si nos péchés etnos désordres ne l’en empêchent, de voir refleurir l’État en toutes les bénédictions qui autrefois l’ont rendu si heureux et si recommandable. Mais l’assistance divine sur la propre personne du roi nous est encore un plus grand sujet de confiance et d’espérance d’une grande prospérité sur son règne. Car le grand Dieu, par qui les rois régnent, ne délaisse jamais ceux qui le servent et ont soin de lui plaire.

« Nous voyons au roi une crainte de Dieu si particulière, qu’il en donne l’exemple à tous ses sujets.

« Une haine si grande du mensonge et du péché, qu’il ne cède point aux plus grands religieux des plus austères congrégations.

« Mais le troisième point que j’y remarque, et qui nous fait voir plus clairement cette assistance extraordinaire de Dieu, est la préservation de son âme ; vivre dans la cour au milieu des courtisans en une puissance souveraine, en un âge florissant, en un siècle si licencieux et si débordé, et y vivre en innocence et y être préservé, ce n’est pas vertu, c’est miracle.

« Aimons, Messieurs, et honorons de tout notre cœur un prince si cher à Dieu.

« Aimons et honorons ce prince donné de Dieu pour la restauration de cet État.

« Il est né aussitôt qu’il a pu naître ; et sitôt qu’il a pu marcher, Dieu lui a mis le sceptre en main, les premières années duquel s’étant passées sous les heureux auspices et la singulière providence de la reine, sa mère.

« Aussitôt quasi qu’il a monté à cheval, Dieu l’a comblé de conquêtes.

« L’histoire sainte nous représente un grand capitaine qui, tournoyant une ville, en fait tomber les murailles : la vue et la présence du roi renverse les remparts, ruine les bastions, abat les murailles et les ports des villes : l’ange de Dieu marche devant lui, qui lui ouvre les passages. Tout cède à l’assistance divine qui le conduit ; ce que soixante ans de rébellion avaient soustrait à l’obéissance de nos rois, il y rentre en un instant ; les villes à centaines se mettent à ses pieds ; et qui plus est, il regagne les cœurs ; et ceux qui auparavant ne trouvaient repos ni sûreté qu’en leurs armes, en leurs confédérations, et dans les murailles extorquées de nos rois, s’en départent aujourd’hui, renoncent à toutes les liaisons et intelligences, dedans et dehors du royaume, et ne cherchent autre repos ni assurance qu’en la protection et bienveillance de Sa Majesté.

« Ce sont les fruits que Dieu nous fait goûter et espérer de jour en jour plus grands sur l’heureuse conduite de notre roi, qui, ayant par sa naissance ouvert le dix-septième siècle, nous ouvre un nouveau siècle de paix et de prospérité, qu’il poussera bien avant.

« Il éteindra toutes les divisions et fera renaître en son État l’ancienne modestie de nos prédécesseurs, et perdre la mémoire des désordres qui ont provoqué l’ire de Dieu sur nous, qui nous ont plongés dans les grandes misères que nous avons passées, et ont mené cet État jusque sur le bord de son tombeau.

« Ces misères, Messieurs, nous tiennent encore dans les débilités d’un corps convalescent, ayant