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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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disant que M. Jean de Saint-André, mettant les genoux en terre, remercia le roi en termes fort sensibles, au nom de la cour du Parlement de Paris et de toutes les autres du royaume, dont les députés éaient présents, de ce qu’il avait composé un quatrième ordre des magistrats, qui rendent en son nom la justice au peuple, et l’avait joint aux autres ordres du royaume.

« En cette assemblée, M. le cardinal de Lorraine parla pour l’Église, M. de Nevers pour la noblesse. M. André Guiart du Mortier, mettant aussi les genoux en terre, parla pour le tiers ordre ; et M. le cardinal Bertrand, garde des sceaux de France, fit la clôture de la séance.

« En l’année 1560, deux ans après, fut l’assemblée des États tenus à Orléans, composée seulement de trois ordres, sous le roi François II.

« Et six ans après, le roi Charles IX convoqua une autre assemblée à Moulins, composée de tous les ordres et de tous les députés de ses cours de parlements.

« En 1576 et 1588 furent assemblés les trois États de Blois, et en 1596, à Rouen, fut une autre assemblée composée de l’Église, de la noblesse et des officiers des cours de parlement, et des maires et échevins des bonnes villes, en laquelle les mandés se divisèrent en trois chambres, en chacune desquelles il y eut de tous les ordres.

« En 1614, fut tenue à Paris l’assemblée des trois états, et en 1617, à Rouen, une autre assemblée composé d’ecclésiastiques, de nobles et d’officiers, à l’imitation de laquelle et des autres précédentes, le roi vous a convoqués.

« Le soin continuel et l’affection singulière que Sa Majesté porte au repos de ses sujets et au bien de tout l’État lui donne ces bonnes pensées ; car la sincérité des attentions et la droiture des affections fait toujours cet effet dans les âmes, que de leur faire prendre de bons conseils.

« L’on a feint autrefois que la fausse divinité de Memnon, représentée par une tête d’airain, rendait quelques voix lorsqu’elle était frappée des rayons du soleil levant, et l’on tirait des oracles de ces voix.

« C’était une invention fabuleuse fondée sur un artifice humain, qui, par le moyen des mouvements disposés dans le creux de cette tête, échauffés par la chaleur du soleil, resserrant les cordes du mouvement, lui donnait force, faisait résonner les autres cordes encloses en icelui, par l’attouchement des roues.

« La feinte toutefois nous représente un mystère véritable et utile, et nous fait entendre que la lumière céleste frappant les esprits bien disposés, y imprime des pensées saintes, des résolutions généreuses et des bons conseils ; ce qui se remarque davantage aux bons rois, les conseils desquels ont effets universels.

« Le prêtre qui servait au temple de cette feinte divinité appelait Alexandre enfant de Dieu : mais je prendrai plus volontiers les témoignages de l’Écriture sainte, qui appelle les rois, les premiers juges de leur État, enfants du Très-Haut, pour deux raisons : l’une, que la puissance souveraine des rois est une émanation de la puissance infinie de Dieu ; l’autre que les vertus des bons rois ne sont pas tant effets de leur étude et travail, qu’une participation de l’héritage paternel, tirée de la profondité des richesses célestes, et un effet de rayon de l’Orient éternel.

« C’est de ce partage que le roi a reçu la piété qui lui fait aimer la gloire de Dieu, et la promouvoir en toutes les occasions qu’il en a ; détester l’impiété et tout ce qui est contre Dieu ; aimer les bons ecclésiastiques et le rétablissement des bonnes mœurs de l’Église, ce qui passe si avant, qu’encore que la malice infecte grandement toutes les conditions en ce siècle, l’estime de la vertu a pris tant de pied, que parmi ceux qui sont en l’Église, c’est infamie de ne pas vivre selon le devoir de sa condition.

« De ce partage vient encore la justice, si chérie du roi, qui fait qu’il aime les gens de bien et les bons juges, et les estime beaucoup ; qu’il fait punir les coupables, sans exception ; et, si l’on voit des crimes impunis, c’est ou l’artifice des criminels à fuir la justice, et détourner les preuves, ou le défaut des juges qui ne correspondent pas aux bonnes intentions de Sa Majesté.

« La même justice lui fait encore bien faire aux bons, sans se laisser importuner par leurs prières, mais les prévenant à son choix, dont il y a plusieurs exemples.

« La sagesse en vient aussi, qui lui fait discerner três-clairement les gens de bien et les bons conseils, aimer à prendre conseil et s’eu rendre soigneux.

« Elle lui donne encore une très-grande docilité à embrasser les bonnes résolutions, et les exécuter promptement ; qualité si rare, que le défaut d’icelle a terni la réputation des plus grands capitaines.

« La bonté et l’amour de son peuple qui en procèdent, sont aussi du même lot et paraissent en la compassion qu’il a de leurs misères.

« Au soin qu’il a de leur soulagement, en embrassant fort volontiers toutes les ouvertures, jusqu’à retrancher lui-même sa propre maison pour en retrouver le moyen.

« Quitter ses plaisirs pour veiller à leurs biens, avec la mansuétude et bienveillance singulière qui le fait entendre si tendrement leurs plaintes, y pourvoir par lui-même, et souvent faire office de juge pour terminer les différends des plus petits.

« La valeur et générosité viennent encore de ce même partage, et nous en voyons les effets en cette inimitable promptitude à courir sus à tous ceux qui entreprennent de troubler son État.