Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome I (2e éd).djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

p. 73

Lorsque les députés sont réunis, on dresse le procès-verbal et le rôle des pays, gouvernements, bailliages et sénéchaussées du royaume.

On nomme un greffier ou secrétaire pour enregistrer les noms et qualités des députés, la vérification de leurs pouvoirs et les conférences préliminaires.

Cette élection est provisoire seulement et sous la réserve expresse des droits appartenant aux députés de la noblesse et du tiers état. La véritable élection se fait à la pluralité des voix.

Après la présentation des députés et la vérification de leurs pouvoirs, on nomme, à la pluralité des voix, un président et chef de l’assemblée. Pour le tiers état, on est dans l’usage d’élire le prévôt des marchands de Paris, et de l’installer, non qu’il ait cette prérogative jure suo, mais en tant qu’il est élu : les registres en doivent faire mention expresse.

Le président nommé reçoit alors lui-même les suffrages de chaque député et bailliage, pour l’élection du greffier ou secrétaire, et de deux évangélistes, qui jurent entre les mains du président de s’acquitter fidèlement de leurs charges. Les autres députés prêtent aussi serment de rapporter toutes leurs délibérations au service de l’État, et de les tenir secrètes.

Pour empêcher la confusion qui pourrait avoir lieu s’il fallait, sur chaque point mis en délibération, prendre particulièrement l’opinion de chaque député, on réduit les bailliages et sénéchaussées en classes ou gouvernements.

Pour dresser les cahiers des états, voici comme l’on procède. Les députés de chaque gouvernement se retirent dans un lieu convenu pour conférer entre eux, et réduire les cahiers de leurs bailliages en un seul, qu’on appelle cahier du gouvernement ; ce qui fait douze cahiers, s’il y a douze gouvernements.

On députe ensuite vers le roi le président avec un député de chaque gouvernement, pour le supplier de n’avoir aucun égard aux protestations contraires aux résolutions qui se prendraient dans l’assemblée. On règle aussi les contestations qui surviennent pour les rangs, et qui se vident entre eux ou au conseil.

La veille du jour assigné pour ouïr la proposition du roi, on fait une procession solennelle, où assistent le roi, la reine, les princes du sang, les autres princes et seigneurs, les officiers de la couronne et les députés.

Le jour de l’ouverture des États étant arrivé, un héraut appelle les députés selon l’ordre des gouvernements et par tour de bailliage. Le maître des cérémonies les conduit aux rangs à eux assignés dans l’assemblée générale.

Le roi fait alors sa proposition, et dit que le chancelier fera entendre le surplus de sa volonté.

Le chancelier se lève, et après deux ou trois révérences au roi, dont il prend les ordres, il dit : Le roi vous permet de vous assembler.

Trois députés des trois ordres font un discours de remercîment.

Le lendemain, les députés de chaque ordre se retirent dans les chambres qui leur sont départies, et l’on réduit les cahiers des gouvernements en un cahier général.

On lit d’abord le cahier de Paris, auquel on joint celui du gouvernement de l’Ile-de-France[1].

Tous les articles lus publiquement sont mis en délibération.

Chaque classe se retire en sa chambre. On délibère ; on recueille les voix ; on prend une décision ; on nomme un député pour la communiquer à l’assemblée générale.

Les projets sont rejetés, modifiés, interprétés, résolus à la pluralité des voix. On ne reçoit aucune protestation contre l’avis unanime, si ce n’est contre un député qui aurait omis ou altéré quelque chose en rapportant l’opinion de son gouvernement[2].

Après le cahier de Paris et du gouvernement de l’Ile-de-France examiné et arrêté, on reprend de même l’un après l’autre les cahiers des autres gouvernements ; en sorte que, par ce moyen, comme les cahiers de tous les bailliages auraient été réduits à un certain nombre de cahiers selon le nombre des gouvernements, ainsi de ces derniers cahiers il ne s’en fait qu’un seul pour chaque ordre : ce qui fait en tout trois cahiers généraux.

Les cahiers ainsi dressés et arrêtés, signés du greffier ou secrétaire, des deux évangélistes et des députés de chaque ordre pour ce nommés, un député du clergé, assisté de tous les autres en corps, va les présenter au roi, et lui demander le jour où il voudra les entendre.

Cette audience se tient au même lieu, avec les mêmes cérémonies que la première ouverture des États.

Quant à la cérémonie des harangues, voici ce qui s’observe :

  1. C’est pour la facilité du cahier ; mais on déclare que c’est sans préjudice au droit de séance et d’opinion qu’ont les aulres gouvernements qui doivent opiner avec les bailliages de l’Isle-de-France.
  2. Aux États de Blois, un député de Limoges voulut révoquer l’article de la religion, inséré dans le cahier. Il disait qu’il fallait y ajouter que la réunion de la religion catholique et romaine se ferait sans guerre ; que toute l’assemblée avait été de cet avis, et que l’orateur avait été chargé de l’annoncer. L’orateur répondit qu’il l’avait fait Un député du Daupbiné lui répliqua qu’il était bien hardi de parler de la sorte. Le président du tiers-état voulut mettre la main sur le député de Limoges, en disant qu’il le mènerait au roi.

    Le lieutenant de Limoges l’empêcha, et le traita fort durement. Toute l’assemblée en témoigna son mécontentement contre le président, et l’orateur voulut même un autre président, mais il vit l’émeute générale, et il se retira par prudence.